Polémique autour du Verrou de Bercy
- administrateur
- 31 mars 2018
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Dernière mise à jour : 3 avr. 2018
Le gouvernement a présenté un projet de Loi sur la lutte contre la fraude fiscale. Que contient ce projet ? Rendre public le nom des grands fraudeurs en cas de condamnation pénale (sauf décision du juge). Cela vaudra aussi en cas de sanctions administratives. A ce jour, le secret fiscal couvre les fraudeurs. Les sanctions vont être renforcées, jusqu’au double des montants fraudés et dorénavant en pourcentage contre des montants fixes auparavant. L’obligation de contrôle des transferts vers les paradis fiscaux va être renforcée et les montants plus lourdement taxés avant leur transfert. Les cabinets qui ont fait spécialité de ces transferts pourront être sanctionnés sur les montages qu’ils proposent. Enfin, une police fiscale va être créée à partir du service des douanes actuels chargé de la fraude et complété d’une cinquantaine de fonctionnaire. Et le travail de traitement des données auquel se livre cette future police va être aussi renforcé.

Cependant, le Verrou de Bercy va être maintenu ? Mais qu’est-ce que ce verrou ? C’est un dispositif dérogatoire au droit commun qui transfère au Ministère du Budget le droit d’apprécier des poursuites judiciaires à l’encontre des fraudeurs. C’est une atteinte au principe de séparation des pouvoirs où le ministère est à la fois juge et partie. D’autre part, c’est contredire l’Art 40 du Code Pénal qui impose aux fonctionnaires de l’administration fiscale de signaler au Procureur de la République tout délit dont ils auraient connaissance dans l’exercice de leur fonction. Aussi, les inspecteurs des finances doivent d’abord avoir l’aval de leur hiérarchie pour signaler au Procureur une fraude détectée. On peut donc, comme le rappelle le journaliste Renaud Lecadre, soupçonner de copinage lesdites décisions de cette hiérarchie, comme ce fut le cas pour Liliane Bettencourt, Serge Dassault ou Thierry Solère…
Ce monopole de décision de poursuites a été largement décrié par certains politiques, les juges et les journalistes enquêteurs et de nombreuses ONG* comme permettant l’inefficacité, voire l’impunité en matière de fraude fiscale. Quand aux syndicats des agents des finances publiques, ils estiment que ce verrou n’est qu’un des éléments, avec le manque de moyens, qui freinent la lutte contre la fraude fiscale.
Du point de vue de l’égalité des citoyens devant la justice, le Verrou de Bercy peut être considéré comme un exemple d’une justice de classe. En effet, il suffit d’une négociation avec les fraudeurs (qui sont, du point de vue de la justice, des délinquants) pour que Bercy renonce à la fois aux poursuites et à la publicité sur le nom des fraudeurs. La balance de la justice est déséquilibrée : dure pour les délinquants qui viennent du Peuple, compréhensives pour les plus riches qui refusent de participer à l’impôt, préservant l’anonymat des délinquants de la finance.
La suppression de ce verrou, dans le cadre du projet de Loi, a été adopté en première lecture au Sénat, rapidement rejeté ensuite par la majorité LREM de l’Assemblée Nationale. Mais ce refus de supprimer ce verrou n’est pas récent. En effet, créé en 1977 par le très libéral Giscard, aucun gouvernement ne l’a remis en cause depuis…
Mais il est vrai que les exemples de députés ou de ministres qui ont eu la bienveillance de Bercy en matière de fraude fiscale peut expliquer cela !
Un député de Touraine, Labaronne, en bon économiste libéral, explique dans la NR du 3 avril que pour lui, il serait contre-productif de supprimer ce verrou au prétexte que cela encombrerait des tribunaux déjà surchargé et au nom du secret fiscal. Les députés LREM n’ont pas la même pudeur lorsque leurs ministres portent plainte contre la presse (Pénicaud contre Libé, le Parisien et Médiapart, Blanquer contre le syndicat SUD, Nyssen contre le Monde). Là, aucun cri d’orfraie sur l’encombrement des tribunaux… Le message est clair : continuez à frauder, il sera toujours temps de négocier un accord avec Bercy. Et puis, vous pourrez toujours invoquer le droit à l’erreur, nouvelle notion de droit qui est en fait un droit à frauder avec une vraie bienveillance si vous sous faites prendre la main dans le sac.
Le Verrou de Bercy doit sauter et les fraudeurs fiscaux doivent être traités comme n’importe quel délinquant !
Voir nos livrets ‘’Pour une justice au Nom du Peuple’’ et ‘’Contre-budget 2018’’ présenté par les députés de la France Insoumise à l’Assemblée Nationale.
*Organisation non gouvernementale
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