top of page

DECLARATION CER SNCF Mobilités Centre 29 Mars 2018

Nous publions ici l'intégralité de cette lettre de l'intersyndicale SNCF



Monsieur le Président,


De dysfonctionnements en accroissement de la dette, les gouvernements se succèdent mais déroulent toujours la même feuille de route de démembrement de l’entreprise publique. 2 entreprises en 1997, puis 3 en 2014, puis aujourd’hui, une multitude avec l’ouverture à la concurrence, le tout accompagné d’externalisations, de segmentation interne et autres scléroses de la production.


Le statu quo serait de poursuivre dans cette fuite en avant.


Dernièrement, Jean Cyril SPINETTA a déclaré publiquement avoir été contraint par le Gouvernement de réduire les délais de un an initialement à 3 mois pour élaborer son rapport. Ce qui prouve bien que la réforme actuelle proposée n’est fondée qu’à partir d’une posture idéologique et que celle-ci n’est ni correctement étayée ni construite.


Un rapport qui affirme que « l’ouverture à la concurrence a permis, là où elle a été mise en place, une augmentation des trafics, une amélioration de la qualité de service et une réduction des contributions publiques ».


Cette affirmation n’est que rarement accompagnée de faits étayés, mais semble souvent admise comme une vérité incontestable. There is no alternative ! Or, un examen plus attentif des exemples pris chez nos voisins européens montre que l’efficacité du système ferroviaire est avant tout une question de moyens.


La France est dans le peloton de tête des pays européens sur les critères de sécurité et de qualité de service. Elle n’est supplantée que sur le critère de l’intensité de l’usage du train, ce qui signifie que les pays en tête de cet index ont fait des choix axés sur la croissance des volumes et non sur la rationalisation.


La différence en Europe se fait en outre sur les niveaux d’investissements sur le réseau. La fréquentation des lignes est liée à leur attractivité. Or, sur un réseau vieillissant (30 ans de moyenne d’âge en France contre 17 ans en Allemagne), il est difficile d’accroître l’offre, la fréquence et l’amplitude de service. C’est pourquoi de nombreux Etats se sont engagés dans des plans d’investissements de haut niveau pour leur système ferroviaire :

▪ Italie 2016 : Plan d’investissement de 100 Milliards d’Euros sur 10 ans, dont 73 Mds sur l’infrastructure ;

▪ Grande-Bretagne 2014 : 38 Milliards de Livres (42,5 Mds€) sur 5 ans ;

▪ Belgique 2013 : 25 milliards d’Euros sur 12 ans ;

▪ Allemagne 2016 : 28 Milliards d’Euros sur 5 ans, dont 16,6 provenant de l’Etat fédéral et 11,4 de la DB. C’est 20% de plus que le plan de modernisation français. Parallèlement, l’Etat met 350 M€ au pot pour baisser le coût des sillons pour le Fret ferroviaire.


Le Boston Consulting Group note que « plus globalement, comme en 2012 et 2015, l’étude de 2017 montre une corrélation entre les dépenses publiques et la performance d’un système ferroviaire donné […]. De plus, cela révèle des différences dans la valeur que les pays captent en retour pour leurs dépenses publiques. Le Danemark, la Finlande, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse récupèrent une haute valeur relative pour l’argent investi. »

Le rapport du gouvernement prône l’externalisation comme source d’économie (p.68), alors que tous les exemples démontrent le contraire (entretien de la voie -> la sous-traitance coûte 10% plus chère ; dans l’ingénierie une journée est facturée 500 € par des entreprises comme Altran pour un salaire de 200 € au salarié prêté, etc…).


C’est pour nous une démonstration du dogmatisme.


Les décisions sont ensuite habillées de verbiage sur l’environnement ou la société, sans que les valeurs généreuses évoquées ne soient réellement liées aux mesures prises.


En France, le secteur des transports est le plus gros contributeur aux émissions de gaz à effet de serre. Ce dernier émet 130 millions de tonnes équivalent CO2, dont 94,4% sont directement imputables au transport routier. Celui-ci s’est accru de 39% entre 1990 et 2015.


Il en résulte des préconisations inadaptées au système ferroviaire ou éculées. Par exemple, la réduction du réseau a été évoquée en 1967 dans le rapport Nora, puis en 1978 dans le plan Guillaumat, et de manière constante dans différents rapports dont la base est de partir de l’équilibre financier comme objectif premier.


Le problème est tout simplement pris à l’envers.


Les Organisations Syndicales veulent contribuer au débat public en replaçant les éléments dans l’ordre qui nous semble correspondre à l’intérêt général, c’est -à-dire en partant des besoins des usagers et du pays pour arriver sur les outils pour y répondre, en passant par l’attribution de moyens adaptés.


C’est en ce sens que nous avons multiplié les courriers aux élus politiques de notre région et que nous avons demandé une audience au conseil régional pour évoquer, entre autres, les dangers qui pèsent sur les lignes secondaires de notre région pour lesquelles l’avenir est clairement menacé.


Pour l’ensemble des organisations syndicales, les enjeux sont tout d’abord environnementaux, d’aménagement du territoire et de développement industriel. Par ailleurs, le train est plébiscité par les usagers quand on leur donne les moyens d’y accéder dans des conditions satisfaisantes.


71% des « covoitureurs » (au sens passagers payants) auraient pris le train comme alternative et seulement 16% la voiture. Le covoiturage entraine une augmentation des circulations automobiles et des « externalités environnementales négatives ».



A partir de là, nous constatons que la politique publique n’est pas conforme aux déclarations, puisque le tout routier est toujours à l’œuvre dans les décisions règlementaires, fiscales ou budgétaires de l’Etat.

Par exemple, l’infrastructure est financée par la puissance publique à 99 % pour la route contre 40 % pour le ferroviaire. Le transport de voyageurs est financé à 66 % pour la route contre 61 % pour le ferroviaire.


Les efforts comparés de l’Etat dans l’infrastructure depuis 1970 s’élèvent à 54,6 Mds € pour le ferroviaire contre 88,2 Mds € pour la route.


Et s’il est plus difficile de déterminer ce rapport pour le transport de marchandises, il est certain que le transport routier bénéficie de plus de défiscalisation et avantages divers que le mode ferroviaire. Il y a donc une contradiction majeure entre les déclarations sur le rééquilibrage des modes et les arbitrages budgétaires.


En effet, le mode routier de marchandises est exonéré de la TVA à hauteur de 180 M€ et bénéficie d’exonérations de la TICPE pour un tiers du montant (890 M€ en 2017). Par ailleurs, des mesures incitatives en faveur du covoiturage sont portées par l’Etat et les Collectivités et cela représentait en 2015, un coût d’environ 203 millions d’€.


Le passage d’une entreprise publique à une société par actions rappelle les promesses de non privatisation (France Télécom, La Poste, EDF-GDF…) des gouvernements précédents avec les conséquences que l’on connait aujourd’hui pour les usagers devenus clients, les populations et les collectivités locales et territoriales.


Autre exemple, le bilan de la régionalisation avec une offre qui a augmenté de 20,6 % de 2002 à 2014 et une fréquentation qui a augmenté bien plus fortement à 47,8 %. L’accroissement de l’investissement public crée donc un effet levier important.


La suppression du Statut des cheminots pour les nouveaux embauchés, véritable totem de cette réforme, va contribuer à déstructurer durablement le mode ferroviaire et engendrer des pertes de connaissance et de professionnalisme importantes. Avec la somme d’effort fourni ces dernières années, les Cheminots refusent d’accepter de nouvelles conséquences désastreuses pour leurs notations, leur CPR et leur régime de retraite.


Notre Statut est un facteur d’efficacité pour la sécurité ferroviaire, l’argument de son surcoût de 30 % n’est ni argumenté ni justifié et ne peut s’analyser sans tenir compte de la responsabilité sociale d’une grande entreprise publique comme la SNCF.


Vous n’êtes pas sans savoir que les expériences de privatisation d’activités ferroviaires sont un échec cuisant :

Par exemple, le PPP Tours-Bordeaux aboutit à des péages d’infrastructure exorbitants. Par comparaison, sur la LGV Sud-Est ces péages oscillent entre 10,3 € par train.KM et 20,9 € selon les tronçons, quand ils oscillent entre 22,9 € et 28,5 € sur la LGV Atlantique !


Que dire du PPP Perpignan-Figueras avec TP Ferro (société commune Eiffage et ACS groupe BTP espagnol) qui a fin 2016 a été mise en liquidation judiciaire alors que sa dette (557 millions €) devenait insupportable. La sauvegarde de cette ligne s’est faite par la création d’une co-entreprise publique formée par SNCF Réseau et ADIF (gestionnaire espagnol des infrastructures ferroviaires).


Le surcoût est également confirmé de manière massive dans la sous-traitance de la maintenance de l’infrastructure, des services en gare, ou des services administratifs, l’apothéose revenant à l’ingénierie et aux services informatiques.

D’ailleurs, si l’on se réfère aux documents que vous avez fournis au CER concernant la situation de la sous-traitante en 2017 sur le périmètre régional Mobilité Centre, les montants consacrés sont en augmentation partout hormis sur les transports autocar qu’il est impossible d’estimer depuis la prise en charge des marchés TER du transport routier par le Conseil Régional.


Pour 2017 ces montants s’élèvent à 8,248 millions€ !


Sur la question de l’emploi, si nous prenons en compte les charges ré-internalisables, cela correspond à une centaine d’emplois en équivalent temps plein. Considérons aussi la vingtaine de cheminots en CDD dont le nombre est toujours aussi important alors que leur motif de contrat est pour remplacement de salarié absent et que notre règlementation prévoit de pourvoir à ces remplacements par des agents de réserve.


L’intérim est aussi un indicateur qui montre la stratégie de l’emploi dans l’entreprise avec la 100aine de salariés, notamment au Technicentre.


Quant aux conditions de recrutement, que penser du nombre de plus en plus croissant de contractuels au RH0254 qui aujourd’hui représentent 35% des embauches alors que ce taux était de 20% en 2014.


Au regard de ces chiffres nous constatons que la guerre menée contre notre Statut est déjà engagée depuis longtemps.

Les Organisations Syndicales CGT – UNSA ferroviaire – SUD-Rail – CFDT - FO constatent enfin que le Gouvernement n’a aucune volonté d’ouvrir de réelles négociations.


Il s’enferme dans sa stratégie de concertations contreproductives teintée d’enfumage. La réforme proposée est constituée de mesures technocratiques, déconnectées des besoins des usagers et des cheminots.


Ce n’est pas le programme de travail « pour une nouvelle SNCF, plus efficace, plus unifiée et mieux armée face à la concurrence » qui peut répondre aux exigences que portent les salariés et leurs Organisations Syndicales.


Ils exigent d’autres mesures, assises sur leurs propositions et leurs revendications :

1) La dette du système ferroviaire doit être reprise par l’Etat sans contrepartie car ce n’est qu’un rappel de factures pour les décisions qu’il a prises et qu’il doit assumer.

Des financements pérennes doivent être apportés pour assurer le développement du Service Public ferroviaire (marchandises et voyageurs), notamment pour garantir ses missions d’aménagement du territoire et de continuité territoriale, par la préservation des lignes de proximité, leur régénération, leur développement.

2) Le Fret ferroviaire SNCF ne doit pas être filialisé. Une véritable politique de relance et de report modal doit être décidée, appuyée par des moyens, notamment pour répondre aux enjeux environnementaux et ne pas laisser dépérir l’activité à petit feu.

3) La SNCF doit rester sous statut d’EPIC, propriété de la Nation et non objet de tractation et de spéculation financière.

4) Une réorganisation complète de la production doit mettre fin au cloisonnement par activités, réactiver une véritable coopération opérationnelle entre les cheminots et, assurer le retour à la qualité de service qu’exigent les usagers.

5) Les activités externalisées doivent être réintégrées dans le triple objectif de mettre fin au surcoût de la sous-traitance, d’améliorer leur statut social avec les personnels qui en ont la charge, et de regagner la maîtrise complète de la production pour en assurer la qualité et la sécurité.


Dans un contexte de pression gouvernementale maximale pour réformer le Statut des cheminots, diabolisé pour camoufler l’ineptie de choix politiques et économiques successifs néfastes pour la pérennité de l’entreprise historique de transport ferroviaire en France, la DIRECTION du GPF SNCF cherche à organiser sa riposte en mobilisant son encadrement pour le préparer à assurer les programmes minimums de circulation, en lieu et place des agents grévistes. Ceci n’est pas nouveau et n’est pas de nature à nous étonner !


D’ailleurs face au « Cheminot Bashing » le Président PEPY a mis 3 semaines pour sortir d’un silence qui a été interprété par les Cheminots comme valant consentement au déversement d’ineptie voire de haine à leur encontre. Cela les a particulièrement blessés de la part de leur premier dirigeant.


S’en suit aujourd’hui la mise en place d’un procédé par INJONCTION, CHANTAGE, PRESSIONS par envois répétés de SMS et autres pratiques violentes. Celles-ci sont INSUPPORTABLES et REVOLTENT les Organisations Syndicales CGT, UNSA Ferroviaire, SUD-Rail, CFDT et FO !


Les agents d’encadrement, comme tous les autres agents, revendiquent le droit dévolu à tout salarié de prendre position librement, hors de toutes contraintes, sur le fait de s’inscrire ou pas dans la contestation !


Plutôt que de négocier sincèrement sur les revendications des cheminots pour éviter le conflit, nous assistons à une multiplication des coups tordus pour tenter de casser la grève.


Les cheminots avaient été habitués à la violence de la Direction SNCF lors des conflits : refus de négociation, huissiers sur les piquets de grève pour pousser les grévistes à la faute, prélèvement des jours de grève concentrés au maximum pour casser économiquement les agents et leur famille, etc… mais cette fois-ci, il semble qu’il n’y ai plus aucune limite !!

· Lock out des bâtiments de Directions pour imposer aux cadres d’aller remplacer les grévistes ;

· Appel à la main d’œuvre étrangère des filiales pour venir travailler dans les sites français pendant la grève (des cheminots anglais de Leyton ont été sollicités pour travailler au Landy, en région parisienne) ;

· Directives aux établissements de considérer les préavis indépendants de 2 jours comme un seul préavis afin de procéder à des retenues supplémentaires au titre des repos.

Ces dérives sont le signe d’une très grande fébrilité face à un mouvement qui s’annonce extrêmement suivi.

L’ensemble des Organisations Syndicales mettront tout en œuvre pour faire cesser ces pratiques d’un autre siècle !

Les pouvoirs publics vont être interpellés sur leur soutien aux démarches scandaleuses d’une Direction qui a perdu tout sens de la mesure et des réalités. Si le gouvernement cautionne ces pratiques, alors il prendra la responsabilité de la montée des tensions qui en résultera.


L’ensemble des Organisations Syndicales appelle le Gouvernement à se ressaisir et, s’agissant de la SNCF, à ouvrir dans les plus brefs délais des négociations sur les 8 thèmes revendicatifs identifiés par l’intersyndicale pour l’avenir du service public ferroviaire.


Alors que la manifestation nationale unitaire des cheminots du 22 mars a rassemblé des dizaines de milliers de cheminots à Paris et dans toute la France, malgré un plan de transport volontairement dégradé alors qu’il est déjà annoncé la fermeture des réservations sur les jours de grève, ce comportement signifie clairement que la Direction SNCF s’apprête à refuser la négociation et donc à provoquer le conflit.


Les cheminots et leurs Organisations Syndicales, ne sauraient être les boucs émissaires d’un gouvernement et d’une Direction qui refusent d’entendre les propositions formulées.


Ils ne pourraient être tenus comme responsables de faits, de propos, ou d’absence de décisions qui ne viseraient qu’à ternir leur image alors même que l’exigence d’un débat public sur la SNCF est plus que jamais nécessaire et d’actualité.

Monsieur le Président, vous l’aurez compris l’ensemble des Organisations Syndicales, face à cette somme de provocations décide de quitter la séance.

1 vue0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Commentaires


Les commentaires ont été désactivés.
bottom of page