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Sécurité : retour à la raison...

Dernière mise à jour : 29 mars 2018


Ce livret a été rédigé par un groupe de travail coordonné par Lise Maillard, juriste, François Pirenne professionnel du renseignement, et Ugo Bernalicis, fonctionnaire au ministère de l’Intérieur.


« La lutte contre la délinquance est une question confisquée, entre emballements passionnels et hold-up technicien. C’est pourtant une question politique dont le peuple doit pouvoir débattre pour décider. »

François Delapierre


Notre constat : l’affolement sécuritaire est inefficace et liberticide


Attentats, violence du quotidien, circulation de l’argent sale, relations entre la population et sa police : la « sécurité » mérite mieux que les coups de menton et la politique spectacle. Après 15 ans d’échec Sarko-Vallsiste, c’est toute la politique de sûreté et de sécurité qui doit être refondée.


La sûreté est un des droits « naturels et imprescriptibles » de l’être humain selon la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Les odieux attentats commis en France en 2012, 2015 et 2016 ont frappé les corps et les consciences. Plus de deux cents personnes ont été tuées dans ces attaques. Nous devons faire face.


Là où il fallait du discernement, nous avons eu de la fébrilité : fuite en avant de l’état d’urgence, hystérisation du climat sécuritaire, vocabulaire guerrier, postures vengeresses. La brutalité n’est pas la force, elle est même souvent un aveu de faiblesse. La surenchère sécuritaire est inefficace, elle ne protège pas. Au contraire, elle affaiblit et fait le jeu des assaillants.


Là où il fallait une stratégie nationale, nous avons eu le pire suivisme atlantiste. D’abord par l’importation du concept absurde de « guerre contre le terrorisme ». Et aussi de l’idée imprécise de « lutte contre la radicalisation ». Érigée en totem, elle nous a fait passer d’une police de l’acte à une police du comportement. Enfin, par la promotion du Passenger name record (PNR, recueil massif de données des dossiers de passagers aériens), pourtant conçu à l’origine comme un outil d’espionnage au profit des agences américaines. Et alors même que celles-ci écoutaient, sans protestation aucune, nos dirigeants nationaux. Le pouvoir a ainsi cédé à une panique inefficace et dangereuse pour l’identité républicaine du pays et les libertés publiques.


Là où il fallait de la dignité, l'opportunisme a dominé l'action du gouvernement. Il a repris et aggravé les grosses ficelles de la droite sécuritaire : lutte antiterroriste dominée par la communication, prime à l’émotion voire à la bêtise avec le refus de toute analyse sérieuse, interventions pleurnichardes, débat nauséabond autour de la déchéance de nationalité, tentatives d’union sacrée. Nous devons tenir bon collectivement pour remettre l’intelligence, la raison et le droit commun républicain au cœur de nos analyses et de nos solutions politiques.


Madrid, Londres, Bruxelles, Paris, Bagdad, Nice… Nigeria, Yémen, Somalie, Turquie, Irak, Syrie, Tunisie, Russie etc. : la liste est longue des villes ou pays dont les populations civiles ont été les cibles d’attaques meurtrières ces dernières années. Les Proche et Moyen-Orient en particulier sont à feu et à sang suite aux politiques de déconstruction sauvage des souverainetés populaires au service d’intérêts financiers, énergétiques et géopolitiques des puissances étrangères. À la remorque des États-Unis, le gouvernement français s’est fourvoyé dans des alliances et des interventions coupables. Que ce soit son soutien aux monarchies du Golfe en partie responsables du financement du terrorisme, ou son soutien au régime autoritaire d’Erdogan en Turquie, le gouvernement a tout faux. Notre pays doit retrouver les moyens d'une politique indépendante sur le plan international.


On ne peut qu’être stupéfaits par le manque de réponse appropriée devant l’état d’abandon de nos outils de renseignement et de surveillance de terrain. Ils sont minés par les effets de l’austérité et une absence de réorganisation pourtant recommandée par de nombreux rapports. Pire, les «mesurettes» prises témoignent d’une croyance coupable dans les vertus magiques d’un renseignement informatique généralisé se focalisant sur la quantité de données collectées au détriment de leur traitement qualitatif. La diversité des profils et des modes opératoires suggère pourtant de faire toujours plus appel aux sources humaines et aux capacités d’analyses et d’adaptabilité de cerveaux humains qu’aucun logiciel n’égalera jamais.


Groupe mafieux et guerrier pratiquant l’embrigadement tous azimuts, Daesh cherche avant tout à diviser et créer un fossé entre musulmans et non musulmans. Alors même que se multiplient dans le pays les déclarations ouvrant encore plus la porte aux mesures liberticides et discriminatoires, il est vital pour la République de s’opposer à cette logique. D'autant qu'en matière de sécurité publique et de renseignement, les lois adoptées ces quinze dernières années entretiennent volontairement l’idée d'une convergence des menaces extérieures et intérieures, sous le concept fumeux de « sécurité nationale ». En réalité, il cherche à remplacer deux notions distinctes de sécurité intérieure et de défense nationale, l’une relevant des missions de police, l’autre de l’armée.


La lutte contre la délinquance est également un champ de ruine ainsi que le fonctionnement et les missions de la police et la gendarmerie. Depuis 2002, la politique Sarko-Vallsiste de lutte contre la délinquance est une escroquerie faite d’effets d’annonces et de gestion de courte vue. Adeptes de l’austérité d’un côté et des coups de menton de l’autre, leur principal résultat est d’avoir épuisé et opposé policiers, gendarmes, magistrats et personnels de la justice sans effet réel sur la sûreté de la population. La police a basculé d’une police de proximité en gestation à une police de réaction. Le renforcement des BAC (brigades anticriminalité) aux effets contre-productifs, la multiplication des caméras de vidéo-surveillance sans conséquences, la fermeture des antennes de police dans les quartiers, la centralisation accrue des appels du 17 en déconnexion avec le terrain : tout cela a participé à créer une distance et parfois même une défiance entre la population et la police. En rabougrissant ses missions au rôle répressif tout en dégradant les conditions de travail de ses agents. Par exemple la persistance des contrôles au faciès est non seulement intolérable mais totalement improductive pour la police. Ils sont la source de vexations durables, de comportements racistes ou d’enchaînements violents évitables.


LE PROBLÈME DU CONTRÔLE AU FACIÈS

Par Issa Coulibaly, Président de l’association Pazapas Belleville

« C’est invisible car ça ne concerne que certaines personnes. Ça se concentre sur les âges de 12 à 20 ans ; c’est plusieurs fois par mois, par semaine et peut être plusieurs fois par jour. Le sentiment c’est l’humiliation parce qu’on est incapable de mettre un raisonnement face au comportement qu’on a face à nous. Le problème c’est que les contrôles sont basés sur l’apparence et non pas le comportement. Une personne perçue comme noire a six fois plus de chance de se faire contrôler qu’une personne perçue comme blanche et une personne perçue comme arabe huit fois plus. C’est une façon de mettre des gens de côté, de dire “Toi, toi et toi, vous n’êtes pas comme les autres”. La police dans les quartiers est une des seules institutions auxquelles le jeune fait face : pour eux la République, c’est la police. Le policier représentant l’État, son comportement va donc influencer la représentation que ces jeunes ont de la République. Ces contrôles sont inefficaces et produisent de la relégation sociale. Pour arriver à trouver une solution sur cette question-là, il faut le faire avec la police. Il faut que l’institution policière prenne conscience de ses dérives et participe à les résoudre. C’est aussi simple que ça. Nous devons travailler sur la formation des policiers et en finir avec la politique du chiffre. »


Adama Traoré, Rémi Fraisse. Ces deux noms ne sont pas seulement deux drames humains. Ce sont aussi deux échecs symboliques des missions du ministère de l’Intérieur. Les contrôles au faciès, les interventions violentes dans les quartiers populaires et la répression des mouvements sociaux et écologiques ne font qu'instrumentaliser la police contre les intérêts du peuple. Dans le même temps, le malaise au sein de la police n’a fait que croître. D'une part, en raison de la défiance ressentie par une partie de la population à son égard. D'autre part, à cause de la multiplication d'ordres hiérarchiques irresponsables, issus des consignes du gouvernement. Comment un policier peut-il se sentir valorisé quand sa mission est de surveiller une caméra de vidéosurveillance, elle-même chargée précisément de surveiller la délinquance comme à Viry-Châtillon ? Les suicides d’agents poussés à bout sont le stigmate d’une souffrance au travail, quotidienne et profonde, de la part de celles et ceux qui ont la mission d’assurer la sécurité de la population.


L’absurde politique du chiffre mise en place par Sarkozy n’a fait que se poursuivre depuis 2012. La « bâtonnite » (action qui vise à mettre des bâtons dans les cases) continue comme avant, avec à la clef de belles primes pour la haute hiérarchie, en complète déconnexion avec la réalité du terrain. La gendarmerie a subi une baisse drastique de ses effectifs avec pour conséquence un affaiblissement de son maillage territorial et donc de sa qualité, reconnue jusqu’alors, de proximité. Les gendarmes ont fait office de variable d’ajustement de leur intégration au ministère de l'Intérieur. Cette intégration s’est surtout faite pour des raisons d’économies bien loin de motivations opérationnelles, et sans cohérence ni logique globale. Au niveau local, le recul de la police nationale sur les missions de proximité a laissé place à un recours croissant des maires aux polices municipales. Ironie de l’histoire, les policiers municipaux dédiés aux missions de proximité finissent par réclamer les mêmes attributions que la police nationale. Il faut en finir avec cette logique à courte vue.


Au total, les 10 000 suppressions de postes de membres des forces de l'ordre de Sarkozy n'ont toujours pas été compensées par Hollande. Beaucoup de postes annoncés par ce dernier n'ont en effet pas été pourvus. Les effectifs resteront donc inférieurs en 2017 à ce qu'ils étaient avant 2007 ! Cette austérité n'a fait qu'accroître les inégalités devant le service public de sécurité. La répartition des effectifs de police ressemble de très près à la carte des zones riches et des zones pauvres. Dans un quartier populaire on se fait contrôler plus rapidement mais dans un quartier riche, on porte plainte plus facilement.


REVUE DES EFFECTIFS : SARKOZY ET HOLLANDE, MÊME BILAN !

Entre 2012 et 2015, il y a eu l'équivalent de 1 537 policiers en moins et 107 gendarmes en plus, soit un solde négatif 1 430 fonctionnaires affectés aux missions de sûreté et de sécurité pour les quatre premières années du mandat de François Hollande. Si on compare à 2007, ce sont 13 791 policiers et gendarmes qui manquent à l'appel en 2015. Et ce ne sont pas les quelques recrutements supplémentaires de 2016 liés aux attentats qui vont combler les manques qui remontent à plusieurs années. Les effectifs ont baissé sous l’ère Sarkozy au motif de Révision Générale des Politiques Publiques. Entre la police et la gendarmerie, ce sont 9 000 postes qui ont été supprimés entre 2007 et 2012. François Hollande s’était engagé à en créer 4 000 en début de mandat, puis 5 000 de plus en 2015 dans la phase post attentat de novembre 2015, étant entendu que les 4 000 annoncés en 2012 n’y étaient toujours pas. Un rapport de la Cour des comptes sorti en juin 2016 indique que par l’effet de la saturation des écoles de formation (passées de 25 à 10 depuis 2015), de la pyramide des âges et du temps nécessaire de formation, c’est en réalité seulement 390 emplois qui ont été créés (110 policiers et 280 gendarmes). On compte aujourd’hui 98 000 gendarmes dont les civils, 145 000 policiers nationaux et 20 000 policiers municipaux (contre 5 000 en 1984 pour ces derniers). Cette situation de pénurie de moyens humains et le niveau de fatigue des effectifs qui en découle induisent un recours d’autant plus important aux sociétés privées, y compris sur des missions de sécurisation de l’espace public. Cela revient à fragmenter la force publique et à la mettre sous d’autres commandements que celui de l’État. Là encore, l’austérité et l’aveuglement libéral affaiblissent l’État et la garantie de services publics de qualité.


Enfin, les nombreuses affaires de corruption et de fraude fiscale ont montré combien l’argent pourrissait tout. La collusion entre les mondes politique et financier est flagrante : le scandale des « Panama Papers » a ainsi permis de dévoiler les avoirs dans les paradis fiscaux de quelques 140 responsables politiques ou personnalités de premier rang et l’implication des principales banques. Et le feuilleton de l’évasion fiscale ne s’arrête pas là : OffshoreLeaks, SwissLeaks et LuxLeaks, l’affaire de la Société Générale ou encore l’affaire Cahuzac, etc. La fraude financière est une modalité de profit de plus en plus normale dans le capitalisme mondialisé. Tricher, cacher, contourner la loi, mentir sont la règle dans le bien nommé « monde des affaires ». Dans le monde de la finance, frauder est un avantage comparatif par rap-port à ceux qui respectent la règle. Cette délinquance fait de nombreuses victimes : nous tous. Et ce système généralisé s’acharne contre celles et ceux qui osent essayer de lutter : Antoine Deltour, Hervé Falciani ou encore Edward Snowden et Julian Assange sont lanceurs d’alerte et des défenseurs de nos libertés.


À l’autre bout de la chaîne du blanchiment d'argent sale, les règlements de compte sanglants prouvent combien les trafics ont pris une ampleur alarmante dans certains quartiers. Cela résulte notamment de la loi qui criminalise les près de quatre millions de consommateurs de cannabis en France. Des quartiers entiers sont enfermés dans cette économie parallèle. Les troubles inacceptables qui en découlent touchent d’abord les populations qui y vivent. Mais c’est aussi la tentation du trafic pour une partie de cette jeunesse tant le système est bien organisé et mal combattu. De cette prohibition résulte une énorme machinerie policière et judiciaire et de multiples condamnations, sans efficacité réelle sur les trafics. Sans parler de l’échec sanitaire absolu, elle encombre l’action policière et judiciaire et la détourne des vrais enjeux d'ordre public.


Nous devons lutter contre les crimes et délits mais aussi et surtout contre les réseaux mafieux qui les organisent, les rendent possibles ou les justifient. Plus encore, nous voulons être impitoyables avec les puissants, ces délinquants en col blanc, qui trichent, fraudent, volent et brisent ainsi la vie de millions de personnes. La liberté de la finance accouche de monstres. Et la légitimité de l’autorité est sapée par le règne du « deux poids deux mesures » entre les puissants et les 99%.


SÛRETÉ ET SÉCURITÉ : DE QUOI PARLE-T-ON ?

Le droit à la sûreté a été introduit en 1789, il protège les personnes contre les arrestations et les emprisonnements arbitraires. Inspiré de la notion anglaise d’« Habeas corpus », il assure que toute personne arrêtée doit être présentée dans un délai bref devant un juge, ce dernier vérifiant que l’arrestation a bien un fondement juridique prévu par la loi.

Le droit à la sûreté marque la rupture avec la tradition d’Ancien Régime des « lettres de cachet » qui permettaient au roi de faire emprisonner quelqu’un sans justification. La « sécurité publique », est l’une des composantes de l’ordre public que l’État a pour devoir de faire respecter. Elle vise à protéger les citoyens contres des menaces intérieures, par opposition à la défense nationale, qui se donne pour but de préserver les personnes de menaces internationales. Boussole de l’action policière, elle cherche à prévenir et lutter contre les infractions pénales et la délinquance. Elle est donc une composante essentielle de la souveraineté de l'État.



Notre projet : garantir la sécurité et la sûreté intérieures


La politique de sécurité doit être refondée. L’urgence est de revenir à la raison. Cette partie présente les principes généraux de notre action et la méthode de notre projet. Notre objectif est la sûreté, c’est-à-dire la liberté des citoyens contre les menaces et contre l’arbitraire.


En matière de sécurité, nos maître-mots sont prévention, dissuasion, sanction. Nos principes d'organisation sont le service public et la protection des libertés publiques par le contrôle du juge. Et nos priorités sont la lutte systématique contre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, y compris économiques, écologiques et technologiques, la protection de la population contre les crimes mais aussi les atteintes du quotidien à la santé et à la dignité, le démantèlement des trafics d’armes, de stupéfiants et d’êtres humains et enfin la traque contre la délinquance fiscale et financière et la corruption.


Comme points de départ de notre action, nous proposons :

• l’organisation d'un débat national via des « états généraux de la sécurité et la sûreté intérieures » dans le cadre du processus constituant. Cela permettra de remettre à plat les moyens financiers, législatifs, humains, et techniques permettant d’assurer la sécurité. Et de refonder positivement les missions des services concernés à l’aune des exigences de sûreté, d'égalité des droits, de respect des libertés publiques et d’indépendance nationale.

• l’évaluation systématique de tous les dispositifs de sécurité, de renseignement et de lutte contre le terrorisme votés depuis 2002 (notamment la Loi Renseignement, Loi sur l’état d’urgence, Loi LOPPSI2). Cette évaluation sera assurée par une commission d’enquête. Elle préparera l’abrogation des mesures inefficaces, disproportionnées ou contreproductives. Elle dressera objectivement le bilan des suppressions de moyens et d’effectifs des dernières années. Et elle fera un diagnostic concret des conditions de travail des agents de la police et la gendarmerie.


Comme la police n’a pas vocation à régler tous les maux et ne peut avoir pour tâche illusoire d’effacer toute criminalité, nous refusons les injonctions paradoxales, les ordres déconnectés du réel et la politique du chiffre. Ce sont autant de facteurs cassant le sens de l’action des agents en charge de la sûreté et de la sécurité de notre pays. Réaffirmer le rôle social du policier, du gendarme et des institutions judiciaires, c’est obtenir de bien meilleurs résultats que de « jouer les gros bras » suréquipés, supposés pouvoir empêcher toute violence. Nous programmerons les moyens concrets pour permettre d’accomplir les missions dans des conditions décentes d’exercice. Par exemple pour que les personnels n’aient plus à acheter le matériel de travail sur leur propre paie. Et qu'on en finisse avec les commissariats et tribunaux délabrés.


Mettre la raison au cœur de notre politique, c’est aussi assumer que les agents sont à même de connaître ce qui est efficace dans leur activité quotidienne. Tout ne peut pas, et ne doit pas être réglé au millimètre par le niveau central.


L’évaluation de l’action policière doit d’abord se faire par les citoyens, les élus et les acteurs du territoire lors de rencontres annuelles, et non pas à l’aune de statistiques ne servant qu’à calculer des primes pour la hiérarchie. Ce sont bien les citoyens et les fonctionnaires des services de sûreté qui sont à même de participer à l’amélioration qualitative de l’action policière.


Par ailleurs, l’idée d’un policier attaché à aucun territoire et sans lien avec les concitoyens est un mythe dangereux. Un autre principe directeur de notre politique sera donc de relocaliser et de stabiliser les hommes et les femmes en charge des missions de sûreté et du renseignement. La connaissance du terrain sur lequel on agit est déterminante. C’est d’ailleurs ce qui a fait la renommée et l’efficacité des gendarmes en milieu rural : connaître son territoire d’intervention et les gens qui y vivent. Notre objectif est de remettre sur pied une réelle police de proximité, à l'image du peuple. Et gardienne de l'application de la loi, sans distinction de classe, de religion, d’opinion, de quartier, etc. Construire le lien entre la population et les missions de sûreté de la Nation commence également par la mise en place d’un service citoyen obligatoire dont une partie des effectifs sera affectée à la sécurité publique permettant ainsi à la jeunesse de se mettre au service de l’intérêt général.


En matière de lutte antiterroriste enfin, l’État doit d'abord retrouver son sang-froid. Il doit sortir des stratégies d’« exception » érigées au rang de norme par l’inflation sécuritaire des lois « renseignement » et « antiterroristes ». Non, nous ne sommes pas « en guerre » contre des concepts, s’agissant de réalités aussi nocives que l’« islamisme » ou bien encore le « djihadisme ». C’est une fable qui traduit autant le désarroi que l’impuissance du gouvernement. Pour donner à l'État le recul nécessaire dans la lutte contre le terrorisme nous devons élargir l’intervention du Parlement et de l’Université. Il est nécessaire d’augmenter les pouvoirs de la délégation parlementaire au renseignement afin qu’elle puisse juger d’elle-même de l’état réel de la menace et des axes de travail des services concernés. Replacer l’intelligence et la raison au cœur de la lutte antiterroriste passe par la création d’un véritable établissement public, indépendant, pluridisciplinaire, capable de repenser l’ensemble de la doctrine, d’évaluer la menace sans être juge et partie. Et donc d'éclairer les politiques de sécurité de manière rationnelle plutôt que sensationnelle.


Pour nous, le principe du droit à la sûreté exige que soient rendus inséparables en matière antiterroriste la lutte policière et le respect des libertés fondamentales. C'est aussi la condition de l'implication positive de la population dans cette lutte.


Ce serait trahir notre idéal républicain que de persister dans une approche selon laquelle tous les moyens liberticides seraient légitimes dans la nécessaire poursuite de la sécurité publique. Le recours aux moyens liberticides est en réalité la victoire de l’adversaire.


Enfin, une politique antiterroriste efficace devra la diversification des services de renseignement et d'enquête. C'est un gage de qualité et de pluralité du renseignement ainsi que de préservation des libertés publiques. La communauté du renseignement doit aussi être désenclavée afin de fluidifier l’information opérationnelle. Et sa coordination ne doit plus relever de l’Élysée mais du chef de gouvernement, seul responsable des politiques publiques dans une démocratie parlementaire.


Nos propositions : pour une République sûre


Une politique de sécurité juste et efficace doit remettre le citoyen au cœur des objectifs de sûreté. Cette partie présente les propositions concrètes pour tenir ces objectifs.


1 - Une sécurité citoyenne


Nous refonderons la politique de sécurité publique sur la base du triptyque « prévention, dissuasion, sanction ». Nous réaffirmerons son caractère national et l'ouvrirons à l’implication citoyenne. Mais révolutionner la police passe d’abord par remettre au centre la sûreté des citoyennes et citoyens. C'est-à-dire garantir et montrer à la population que les tâches de police se font dans l'intérêt général. Faire la sécurité citoyenne, c’est permettre une relation sereine et républicaine entre la population et sa Police. Pour cela, nous défendons :

• La refondation du code de déontologie des services de police, le rétablissement des missions de 1986 supprimées par Manuel Valls en 2014 pour y réintégrer la mission de « défense des Libertés et de la République » et le renforcement de la formation initiale des agents tournée notamment vers l’éthique et la relation avec les concitoyens permettront de réaffirmer les principes républicains

• L’évaluation des missions de services publics de police par des questionnaires adressés à la population (en s’appuyant sur l’exemple de la Catalogne). Ces questionnaires devront faire l’objet d’un retour sous forme de discussion impliquant les policiers, les élus, les associations, l’ensemble des services publics ainsi que les citoyens

• L’amélioration de l’accueil du public par la diminution du temps d’attente pour les dépôts de plainte. Mais aussi l’aide aux procédures de dédommagement pour les personnes ayant subi des dégâts matériels suite à des opérations de policiers ou de gendarmes

• L’application stricte de l’article 78-2 du Code de procédure pénale sur le contrôle d’identité et la mise en place du récépissé de contrôle d’identité. Leur corollaire est l’obligation stricte du port du matricule de façon visible, sans dérogation possible. C'est la condition pour que la police agisse toujours de manière impartiale et égalitaire vis-à-vis de chaque citoyen quelle que soit son origine ou son apparence

• La création d’une instance externe de contrôle des forces de police quand elles sont accusées de fautes graves. Elle associera policiers, magistrats, services sociaux et éducatifs, enseignants-chercheurs et citoyens afin de confronter les points de vue et les expériences en garantissant la défense de l'intérêt général. Le système actuel, assuré par l’IGPN (Inspection générale de la police nationale), dans lequel les fonctionnaires suspectés de fautes graves atterrissent entre les mains de leurs collègues, n’est pas satisfaisant, surtout au sommet de la hiérarchie. De plus, le directeur de l’IGPN sera statutairement directeur général adjoint de la police nationale

• L’interdiction immédiate des tasers et flashball et la refondation de la doctrine du maintien de l’ordre pour favoriser la désescalade et la prévention des actes violents. Nous devons démonter les engrenages de violence de deux camps qui s’affrontent. Ainsi seront évités les drames de manifestants choqués, blessés, éborgnés, et des fonctionnaires épuisés, blessés et ayant le sentiment d’être instrumentalisés par le pouvoir politique. En outre, le démantèlement des brigades anticriminalité (BAC) limitera la spécialisation d’unités qui ne font que du flagrant délit et ne permettent pas d’assurer une bonne relation police-population

• La création d’une garde nationale composée de jeunes ayant choisi d’intégrer la réserve pour la protection de la sûreté et l’intégrité de la Nation. Ces volontaires seront affectés aux tâches de sécurité nationale, de sécurité civile ou de la réserve citoyenne, dans le cadre du service citoyen obligatoire


2 - Faire la « garde républicaine » : pour un corps unifié de Police


Depuis l’intégration de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur les structures de coordination se sont multipliées de manière inefficace. Mais la concurrence entre les deux forces continue de faire rage. Dans le contexte d'austérité d'Etat, cela conduit à un recours croissant aux polices municipales pour assurer des missions qui ne sont pas les leurs. Cette désorganisation doit cesser.


Nous proposons d’unifier les forces de Police dans un même corps constitué afin de refonder la sûreté de proximité et garantir une égale sécurité des biens et des personnes. Il s’agit de créer une « garde républicaine citoyenne » afin de mutualiser les différentes missions de la Police dans un même corps (de proximité, judiciaire, aux frontières, mobile, d’intervention, de renseignement, etc.). Chaque grande direction fonctionnelle aura pour tâche d’améliorer la coopération des unités existantes de police, de gendarmerie et des polices municipales afin de mutualiser les outils et différentes fonctions. Ce corps sera unifié dans le cadre d’un même statut de la fonction publique civile et en conservant le statut de la légitime défense de la police nationale en conformité avec la Cour européenne des droits de l’Homme. Certaines unités de la gendarmerie continueront à être militaires : protection et défense des institutions de l’État (Palais de l’Élysée, Hôtel de Matignon, Palais Bourbon, etc.) et des sites sensibles ainsi que les missions de prévôté (missions de police auprès des armées à l’étranger). Cette force unique intègrera également la plupart des effectifs municipaux (les gardes champêtres et agents de surveillance des voies publiques resteront gérés par les collectivités locales) afin de les affecter en priorité dans la police de proximité sur les territoires qu’ils connaissent déjà.


Un tel corps unifié de la police garantira mieux l'égalité des citoyens devant le service public de sécurité. Cela permettra d'en finir avec la présence policière inégale sur le territoire français. Ce corps unifié des missions de Police sera donc la base d’un plan national de relocalisation des forces de police, en concertation avec les citoyens.


3 - Lutter contre la petite délinquance


Combattre la criminalité avec efficacité nécessite là encore de regarder avec raison les tâches quotidiennes des policiers et gendarmes. Cela suppose aussi de choisir nos priorités pour comprendre les causes de la petite délinquance. C’est pour cela que nous défendons de nouvelles ambitions d’une sécurité juste et efficace par :

• Le renforcement des politiques de prévention en évitant les phénomènes de mises en danger qu’ils soient sociaux, économiques, scolaires ou urbains. Elles ont pour premier objectif de bloquer à la racine les parcours délinquants. La prévention suppose de renforcer les formations des professionnels, leur nombre et leur déploiement sur l’ensemble du territoire, à commencer par la multiplication des cellules de veille mineurs entre les différents acteurs. Elle se base sur une démarche bienveillante et par l’accueil généraliste et spécialisé des adolescents en lien avec leur âge et leur maturité en portant une attention particulière aux ressorts liés à l’entrée en trafic

• La réhabilitation de la police de proximité permettra d’affirmer le caractère local de l’action policière. Déployer les mêmes policiers sur les mêmes quartiers inscrit leurs actions dans la durée. Fidélisés sur un territoire à taille humaine, ils peuvent engager un dialogue avec la population. Leur réactivité suppose qu'elle puisse agir efficacement. Une police de proximité se doit d’être acceptée et reconnue comme telle par la population par le traitement quotidien des petits délits. Ces unités seront amenées à coanimer des Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) rénovés. Ils privilégieront les réponses et actions de terrain plutôt que des discours ou postures institutionnels

• La légalisation contrôlée et encadrée du cannabis pour désengorger les activités policières et faire le constat d’échec du tout répressif des incompétents qui légifèrent depuis des décennies

• La fin de la politique du chiffre et la suppression des primes aux résultats, notamment l’indemnité de responsabilité et de performance des commissaires (IRP) et les primes de résultats exceptionnels (PRE). Les montants seront redistribués via une hausse des salaires de façon progressive aux différentes catégories d’agents.

• La mise en place d’une recherche scientifique indépendante. En commençant par supprimer l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (l’ONDRP). Puis en finançant de vrais programmes universitaires de recherche sur les thèmes de la sécurité et de la sûreté. Leurs travaux seront des antidotes contre l’hystérisation du débat sécuritaire nourrie escroqueries statistiques des Nicolas Sarkozy, Manuel Valls, Alain Bauer ou autres « experts » politico-sécuritaires. Ainsi nous en finirons avec ceux qui ne combattent pas le crime mais qui en vivent


LE RÔLE D’UN ÉDUCATEUR SPÉCIALISÉ

Par Jean-Marie Vauchez, Président de l’Organisation nationale des éducateurs (ONES)

« Les éducateurs spécialisés interviennent dans le cadre de la prévention mais aussi à l’étape du traitement de la délinquance. C’est l’ordonnance de 1945 qui a donné un régime particulier à la prise en charge des enfants quand ils sont délinquants : on donne une sanction et en même temps il y a un volet éducatif. Cet acquis du Conseil national de la Résistance (CNR) est à protéger.

Dans la répression pénale, il y a des mesures en milieu ouvert : par exemple quelqu’un va faire des Travaux d’Intérêt Généraux en étant suivi par un éducateur spécialisé. Nous avons besoin de sortir du côté idéologique imposant qu’il faut absolument punir les enfants. Le milieu ouvert marche bien et permet de suivre les petits délinquants, c’est beaucoup plus efficace que les centres fermés de Sarkozy.

Le principe de l’éducateur spécialisé repose sur l'absence de mandat institutionnel : « je prends tout le monde, je ne demande pas la carte d’identité et dans la mesure où il y a une demande, je m’en occupe. ». Si vous intervenez avec une étiquette de force de l’ordre vous pouvez difficilement faire de l’éducation. L’éducateur ne peut pas faire le policier, et inversement. Chacun doit avoir sa place, pour que chacun puisse faire son travail. »


4 - Agir en bon ordre


Les gouvernements austéritaires successifs ont eu des effets dévastateurs sur les effectifs et la formation des policiers et gendarmes. Il est temps de renforcer vraiment les moyens humains en quantité et en qualité. Pour cela, il faudra assurer une formation renforcée et un recrutement de 10 000 personnels supplémentaires, par :

• Le recrutement de 5 000 agents administratifs pour libérer policiers et gendarmes aptes à aller sur le terrain et qui travaillent aujourd'hui sur des postes administratifs

• Le retour des effectifs de policiers et gendarmes à ceux de 2007 (soit le recrutement de 3 000 agents)

• Le doublement des effectifs de la police technique et scientifique (soit l'embauche de 2 000 nouveaux personnels)

• La suppression du statut précaire et peu qualifié des 11 000 adjoints de sécurité en permettant la formation et la titularisation de celles et ceux qui le souhaitent

• Le passage à deux ans de la durée de formation des élèves gardiens de la paix et la réouverture des écoles nationales de police passées de 25 à 10 ces dix dernières années.

L’État doit réinvestir des moyens suffisants pour assurer ses missions de service public par :

• Des moyens en matériel suffisants, adaptés aux missions de police (parc automobile, uniformes et matériel quotidien) avec un renouvellement du parc informatique sous contrainte de la sécurisation des échanges d’informations

• Un plan de rénovation et de construction des locaux, en luttant en priorité contre la « clochardisation » des commissariats et l’abandon de certains territoires et en alliant l’accueil humain du public et les impératifs opérationnels

Enfin, l’apaisement des conflits existant au sein de la police sera recherché en priorité par la mise en place d’instances internes de dialogue. Elles émettront des recommandations de fonctionnement et de refondation du climat social dans des institutions poussées à bout par des ordres politiques contradictoires.


5 - Traquer la délinquance financière


Les pires trafics n’ont pas de nom, pas de visage, ils ne font pas la une des journaux, et pourtant le crime financiarisé domine le crime. La première exigence face à ce mastodonte, c’est la volonté politique, dont manquent cruellement les gouvernements successifs et les instances européennes. Il est urgent d’agir au contraire de tout ce qui a été fait jusqu’à maintenant. Cette traque commence par l’adoption d’une loi contre la corruption et les conflits d’intérêt. Elle instaurera une peine de déchéance des droits civiques en cas de fraude fiscale ou d’activités illicites permettant le financement d’activités terroristes. Elle permettra la réquisition des entreprises qui collaborent avec les agresseurs.


Cette lutte doit être une cause nationale et s’appuyer sur la coopération renforcée entre le ministère des Finances, le ministère de la Justice et le ministère de l'Intérieur pour permettre des opérations de contrôle global. Cela passera par :

• Le contrôle des mouvements des capitaux pour renforcer la lutte contre les trafics financiers

• La fin d’une police et d’une justice à deux vitesses en augmentant nettement les effectifs de police affectés à la lutte contre la délinquance en col blanc en lien avec le fisc, les douanes et la justice financière

• Le renforcement et la restructuration des douanes en réaffirmant des missions de contrôle des importations pour lutter contre les trafics d’armes, de drogues et d’êtres humains


Enfin, le parquet doit pouvoir engager des poursuites sur les questions fiscales, comme sur les autres sujets. Ainsi, la suppression du monopole du déclenchement de poursuites judiciaires par l’administration fiscale en cas de fraude (connu sous le nom de « verrou de Bercy ») permettra à la justice d’enquêter sur la corruption et les transferts financiers à sa propre initiative.


6 - Une politique antiterroriste rationnelle


La maîtrise retrouvée de la parole publique vise à créer un cercle vertueux entre médias, services et population pour combattre les terroristes. Le ministère de l’Intérieur doit cesser d’être le ministère de la peur irrationnelle et devenir celui de la paix civile.


La première tâche est d’arrêter la guerre pour tarir le vivier et le terrain d’entraînement de l’ennemi par :

• Le refus de la logique du choc des civilisations et de la « guerre intérieure » et la sortie des guerres déstabilisatrices et des alliances hypocrites avec les pétro-monarchies du Golfe

• La mise en œuvre d’une stratégie globale de lutte contre Daesh « hors limites » et la création d’une coalition universelle sous l’égide de l’ONU ciblant les composantes économiques (blanchiment d’argent, ressources pétrolières, approvisionnement internet)

• La sortie de l’Otan pour instaurer l’indépendance de la France dans le monde et refuser d’être à la remorque des folies impériales des États-Unis d’Amérique


La deuxième étape consiste en l’amélioration de la prévention et la lutte raisonnée contre l’embrigadement par :

• La prévention en assumant le rôle central de l’Éducation, de la Sécurité sociale, des services publics de proximité et des mécanismes socio-économiques et psychiques. La réponse aux racines des violences aveugles n’est pas policière mais multifactorielle. Elle nécessite de revenir sur l’autonomisation de l’enjeu sécuritaire dans le débat politique. Il y a un réel besoin d’un travail interministériel de fond sur les actions face aux publics pouvant basculer dans les actes meurtriers. Nous engagerons une stratégie politique globale pour renforcer les anticorps républicains et supprimer le terreau des communautarismes par plus de République, de laïcité, d’éducation, de justice sociale et d’implication citoyenne. En parallèle, le soutien aux démarches de signalement par les proches permettra l’intégration des personnes suspectées dans des programmes de prise en charge contre l’embrigadement.

• Le développement de peines de substitution à la prison pour les courtes peines. La prison est actuellement un lieu d’embrigadement et de constitution de réseaux. Les peines de Travaux d’intérêt général (TIG) sont aujourd’hui trop peu prononcées faute d’engagement des institutions, collectivités et associations.

• La réflexion sur le rôle de la presse dans la propagation de la terreur et des messages des criminels par leur course à l’audience et au voyeurisme. La liberté d’informer ne doit pas exonérer les médias et journalistes de leur responsabilité dans le jeu médiatique des réseaux terroristes.


Le troisième aspect essentiel repose sur des services de renseignement efficaces par :

• Le renforcement du renseignement territorial et humain. Nous reviendrons sur la fusion de la DST et des RG. Cette re spécialisation du renseignement permettra de privilégier l’infiltration, le travail de terrain et le redéploiement intelligent. A rebours de l'illusion du tout technologique, cela permettra de renforcer les moyens d’analyses des renseignements collectés. La diversification du renseignement permettra ainsi d’assurer des approches complémentaires des informations et de garantir des contre-pouvoirs en recrutant des analystes et des traducteurs en nombre suffisant

• La remise en question des pratiques et dispositifs de surveillance de masse sur l’Internet et les réseaux téléphoniques, inefficaces et liberticides

• La focalisation du renseignement sur les menaces sécuritaires et économiques hexagonales, et non sur la surveillance des mouvements sociaux

• La restauration de l’indépendance nationale en matière de renseignement, via la fin de la tutelle de fait exercée par les agences anglo-saxonnes, et la défense de l’échange d’information dans les discussions pour constituer une coalition universelle contre Daesh


Pour être efficace dans la durée, une politique antiterroriste rationnelle devra enfin tourner le dos aux logiques d'exception par :

• La sortie de l’état d’urgence à l’initiative du Parlement et le refus de l’État d’urgence permanent par l’abrogation des dispositions de la loi Urvoas du 3 juin 2016

• L’arrêt progressif des opérations « Sentinelle » (type Vigipirate) et le passage à une surveillance ciblée des lieux publics par les effectifs renforcés de la police, la gendarmerie, la garde nationale et non l’armée

• La judiciarisation de la lutte antiterroriste. Cela passe par moins de mesures administratives sans suites judiciaires, l’accélération des procédures, la suppression de toute juridiction spécialisée et l’augmentation des moyens de la justice anti-terroriste afin de garantir une lutte efficace, durable et respectueuse des droits et libertés fondamentaux

• La création d’un établissement public universitaire pour faire le lien entre la recherche indépendante interdisciplinaire et les services dont la mission principale sera l’évaluation de la menace. Cela passera par la suppression du Conseil supérieur à la formation et à la recherche stratégique

• Le renforcement des prérogatives du Parlement en matière de sécurité avec la création d’une commission permanente devant laquelle les services rendent compte, en augmentant les pouvoirs d’injonction et du droit de citation de la «délégation parlementaire au renseignement »


Conclusion : ordre public et vertu civique


Le consentement à l’autorité et le recours de l’État à la force pour faire appliquer la loi repose d’abord sur la légitimité des lois, des ordres et de ceux qui les appliquent. Une loi juste élaborée démocratiquement, la fin des privilèges et des passe-droits, une police républicaine, une justice égalitaire et véritablement rendue « au nom du peuple français », voilà de quoi le pays a besoin. Et cela n’est possible que dans le cadre du processus populaire d’une assemblée constituante refondant les institutions de la Nation. Les propositions avancées dans ce document ne prennent ainsi tout leur sens qu'en s'intégrant dans la globalité du programme l'Avenir en commun. S’attaquer à la petite délinquance, le crime organisé ou la délinquance en col blanc nécessite d’en comprendre les sources différentes. Rien ne peut se penser sans faire appel à une refondation de l’École, l’éradication de la misère et du chômage, l’attaque des inégalités socio-économiques, la fin de l’impunité dont profitent les puissants, l’accès égalitaire aux services publics ou encore une généralisation de la Sécurité sociale.


Il nous faut mobiliser l’énergie des individus pour se transformer eux-mêmes pour pouvoir transformer la société. Il n’y pas de République sans Républicains. Et pas de souveraineté du peuple sans citoyens souverains sur eux-mêmes. Ce ressort individuel de la souveraineté s’appelle la vertu civique. C’est la force personnelle qui permet à chacun de dépasser son intérêt particulier pour comprendre l’intérêt général. Cette vertu est impossible à développer dans un système où règne l’oligarchie.


L’arbitraire des puissants comme les privilèges de l’argent sapent toute vertu républicaine dans l’ensemble du corps social. On ne pourra donc faire vivre une société sûre sans éliminer l’oligarchie de la conduite des affaires publiques. La vertu républicaine étant impensable dans une société capitaliste où l’argent corrompt tout, l’oligarchie utilise l’appareil sécuritaire non seulement pour garantir l’ordre mais pour réprimer toute velléité de changement. L’oligarchie retourne ainsi l’État contre le peuple voulant exercer ses droits. Sans nier la part de responsabilité individuelle inhérente à tout acte humain, nous pensons que la surenchère sécuritaire est toujours le signe d’un échec de la société à régler un problème humain, social, éducatif sanitaire. Pour nous, la société française ne souffre pas d’abord du manque d’autorité mais du manque d’égalité.

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