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POUR UNE POLITIQUE MIGRATOIRE HUMANISTE, SOLIDAIRE, RAISONNÉE ET RÉALISTE

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    administrateur
  • 7 mai 2018
  • 27 min de lecture

Propositions du groupe parlementaire de la France insoumise alternatives au projet de loi Collomb sur l’immigration et l’asile


En 2016, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a enregistré le plus grand nombre de personnes victimes de migration forcée dans le monde depuis les cinquante dernières années. Ces situations dramatiques concernent environ 67 millions de personnes, qu’il s’agisse de personnes « enregistrées » comme réfugiées, de demandeurs et demandeuses d’asile, de personnes déplacées dans leur propre pays ou d’apatrides. En dix ans, ce chiffre a plus que doublé.


Cet afflux migratoire est principalement provoqué par l’exacerbation des conflits au Proche et au Moyen-Orient. Et plus particulièrement par les guerres en Irak, en Afghanistan, et surtout en Syrie, qui ont conduit 7 millions de Syrien•ne•s à se déplacer à l’intérieur de leur pays et 5 millions d’entre elles et eux à franchir les frontières pour s’installer, dans leur majorité, dans les pays voisins ou, pour une petite partie, en Europe.


Ces migrant•e•s fuient en effet essentiellement vers les pays limitrophes et dans le Sud : 30% en Afrique, 26% au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, 17% en Europe, 16 % en Amériques, et 11% en Asie et dans le Pacifique. Les principaux pays d’accueil sont la Turquie (2,9 millions), le Pakistan (1 million), le Liban (1 million), l’Iran (979 400), l’Ouganda (940 800) et l’Ethiopie (791 600).

Ainsi, si le flux migratoire des années 2015-2016 est le plus important des trente dernières années dans l’Union européenne (UE) avec 1,2 million de demandes d’asile en 2016, il l’a été en proportion bien moindre que dans d’autres régions du monde et semble désormais se réduire. Il ne constitue pas non plus pour autant un phénomène insurmontable dans la mesure où l’ensemble des demandeurs et des demandeuses d’asile représente à peine 0,235% de la population de l’UE, soit 2 réfugié•e•s pour 1 000 habitant•e•s.


En réalité, la « crise migratoire » tant décriée et instrumentalisée par nombre de média et d’irresponsables politiques sans scrupules, a surtout été une crise politique et institutionnelle d’une Union européenne qui a démontré son inca-pacité à mettre en place une politique migratoire coordonnée et solidaire entre ses différents États-membres. Elle s’est contentée d’improviser à la hâte l’accueil de 160 000 réfugié•e•s syrien•ne•s, au travers d’une clé de répartition refusée par les pays du groupe dit de Visegrád (République tchèque, Pologne, Hongrie et Slovaquie).

Pire, les mesures prises par l’UE ont été avant tout des mesures sécuritaires, révélatrices d’une crispation identitaire. Elles se sont traduites par la fermeture des frontières (via le rétablissement des contrôles et l’ouverture de hot spots) et par leur militarisation (moyens supplémentaires alloués à Frontex, dont le mandat est militaire et sécuritaire). Les accords de Khartoum, de La Valette, l’accord UE-Turquie et les accords de partenariat économique ont consacré une politique d’externalisation de la gestion des personnes migrantes souvent au mépris des droits humains.


Conséquence de cette politique, depuis le début des années 2000, au moins 35 000 personnes sont mortes ou portées disparues en tentant de rejoindre l’Europe. Avec plus de 5 000 personnes migrantes mortes en 2016 et plus de 3 000 personnes migrantes mortes en 2017, la Méditerranée est devenue un affreux cimetière marin et la frontière migratoire la plus mortifère au monde.

La France s’est malheureusement inscrite dans cette dynamique de répression et de refus d’un accueil digne. En 2015, alors que l’Allemagne accueillait 1 543 800 personnes migrantes, notre pays n’en accueillait que 363 900. Or, s’il y a bien eu une augmentation sensible des demandes ces dernières années (61 468 en 2012 et 100 412 en 2017), on n’assiste pas à l’arrivée d’une «vague massive» de personnes migrantes. En comparaison, le Liban, pays qui compte environ 6 millions d’habitant•e•s (soit 10 fois moins que la France), a accueilli plus d’un million de réfugié•e•s syrien•ne•s au cours de ces dernières années (soit 3 fois plus !).


Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Macron/Philippe a ainsi choisi de mener la même politique inhumaine, indigne et inefficace que ses prédécesseurs, voire de l’accélérer. Il poursuit une politique sécuritaire et répressive d’une dureté sans précédent, dénoncée par l’ensemble des associations d’aide aux migrant•e•s et par nombre d’organisations, nationales et internationales, de défense des droits humains.


Ces dernières condamnent notamment le harcèlement policier organisé de la vallée de la Roja au littoral calaisien en passant par les berges de Seine, la circulaire Collomb qui remet en cause l’accueil inconditionnel dans les centres d’hébergement d’urgence, la répression contre les citoyen•ne•s qui aident les personnes migrantes, le placement en rétention d’enfants mineurs…


Le projet de loi sur l’immigration et l’asile présenté par le gouvernement en février dernier et débattu à partir d’avril à l’Assemblée nationale, est ainsi jugé par tous les acteurs et toutes les actrices de la solidarité et de la défense des droits fondamentaux comme un texte totalement déséquilibré en faveur de la répression et qui, dans les faits, ne va réussir qu’à rendre le parcours des demandeurs et demandeuses d’asile plus kafkaïen, à favoriser les violences à l’encontre des personnes migrantes et à parachever un climat de suspicion et de criminalisation à l’égard des personnes étrangères.

Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, le groupe parlementaire de la France insoumise s’oppose résolument à ce projet de loi. Nous pensons qu’une autre politique migratoire, humaniste, solidaire, raisonnée et réaliste, est non seulement possible mais urgente.



NOUS PROPOSONS UNE POLITIQUE D’ACCUEIL RESPECTUEUSE DES DROITS HUMAINS QUI S’ARTICULE AUTOUR DE PLUSIEURS GRANDS AXES.


● Une approche globale, concertée à l’échelle internationale et européenne, qui devra passer par la création d’une nouvelle organisation mondiale des migrations et qui implique de suspendre les règlements Dublin et dénonce les accords du Touquet (I).

● La prise en charge des personnes migrantes grâce à des structures d’accueil et d’hébergement en nombre suffisant et coordonnées sur tout le territoire, accompagnée d’un accueil spécifique des personnes fragiles et vulnérables (mineur•e•s isolé•e•s, personnes en situation de handicap, de maladies physiques et mentales…), ainsi que la fin du « délit de solidarité » (II).

● La pleine garantie et le renforcement du droit d’asile par le respect des conditions d’examen des demandes et de recours, en supprimant la procédure accélérée. Il s’agit également d’actualiser le droit d’asile en instaurant de nouveaux statuts (III).

● Cesser de criminaliser le séjour irrégulier et lutter contre les trappes à clandestinité et à précarité, d’une part en régularisant des travailleur•euse•s, étudiant•e•s et parents d’enfants scolarisé•e•s sans papiers, et d’autre part, en garantissant une égalité de traitement et une justice respectueuse des droits fondamentaux (IV).

● Enfin, donner aux migrant•e•s les moyens de leur insertion et d’une acculturation réussie à travers une nouvelle politique de délivrance des titres de séjour faisant de la carte de résident le titre de référence, le renforcement des dispositifs d’apprentissage de la langue française, et la reconnaissance de leur participation citoyenne par l’octroi du droit de vote aux élections locales (V).


I - Définir une politique migratoire concertée à l’échelle internationale et européenne


Les déplacements de populations sont une réalité historique, aussi ancienne que l’Humanité elle-même, et à laquelle il ne s’agit pas de s’opposer craintivement ou dogmatiquement, mais qu’il s’agit de comprendre pour mieux les accompagner.


Cinquième puissance mondiale et terre d’accueil et de départ de migrations depuis toujours, la France peut agir activement pour qu’une autre politique internationale et européenne voit le jour. Cette politique doit avoir pour objectif à la fois de lutter contre les causes des migrations forcées et de mettre en place un plan d’accueil respectueux de la dignité des personnes migrantes.


A - Pour une gestion mondiale des migrations


Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas eu d’augmentation drastique des migrations à l’échelle mondiale au cours des dernières décennies. Car si les mouvements de populations ont bien augmenté en valeur absolue (244 millions de personnes en 2015 contre 220 millions en 2010), ils ne représentent qu’un nombre très faible et relativement stable de la population mondiale (3,3%). Par contre, les causes (politiques, économiques, sociales et climatiques) d’une partie de ces migrations, et leurs conséquences, en premier lieu sur les personnes ainsi forcées à migrer, constituent un défi majeur du 21e siècle pour l’ensemble de l’Humanité. Il est plus urgent que jamais d’avoir une politique migratoire concertée à l’échelle internationale pour agir en urgence et assurer l’aide et l’anticipation.


Dans cet esprit, nous proposons la création d’une organisation mondiale des migrations liée à l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour renforcer l’action internationale aujourd’hui réduite au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Cette nouvelle organisation aura pour mission de mieux comprendre les causes des migrations et de les aborder dans une approche systémique et multidisciplinaire, pour que celles-ci s’effectuent dans des conditions décentes.


Par ailleurs, nous pensons indispensable d’initier l’organisation d’une conférence internationale annuelle sur les migrations, sous l'égide de l’ONU, afin de faciliter la coopération internationale et de renforcer la coordination politique, économique et sociale sur ces questions multidimensionnelles. Ce cadre permettrait de développer, annuellement, des réponses d'urgence, un soutien humanitaire aux personnes migrantes et aux pays d'accueil et de départ, de proposer des solutions novatrices et pérennes en conciliant les intérêts des pays d’origine et de destination. Il est également important d’anticiper les problématiques liées aux évolutions à venir, notamment écologiques.


B - Pour une Europe de la solidarité au service de l’humain d’abord


La logique de la politique migratoire menée actuellement au niveau européen est essentiellement sécuritaire. Cette approche est non seulement inhumaine mais elle est également inefficace. Nous proposons d’en changer pour poser les bases d’une politique migratoire humaine, solidaire et respectueuse des droits fondamentaux.


1) La nécessaire suspension des accords de Dublin et la renégociation avec l’ensemble des partenaires

Le règlement Dublin est au cœur de la politique d’asile de l’Union européenne (UE). Il fixe les règles permettant de déterminer l’Etat responsable de chaque demande d’asile. Or, les règles de détermination de l’Etat responsable et l’application qui en est faite depuis plusieurs années ont fait de ces accords le cœur de l’inhumanité et de l’inefficacité de la politique migratoire de l’Europe.

En effet, en application du règlement Dublin III, le pays responsable d’une demande d’asile est celui par lequel la demandeuse ou le demandeur est entré et dans lequel elle ou il a été contrôlé pour la première fois dans le territoire d’un Etat membre. Ainsi, un demandeur ou une demandeuse d’asile doit déposer son dossier dans le pays européen par lequel elle ou il est arrivé.


L’application de cette règle conduit à des aberrations.

• D’abord, elle concentre toute la responsabilité sur les pays d’arrivée qui peinent déjà à assurer un accueil digne aux personnes arrivant sur leur sol. La Grèce et l’Italie ne peuvent pas assumer seuls l’accueil des réfugié•e•s qui arrivent sur le sol européen. Il en va de la solidarité collective.

• Ensuite, cette règle est également le paravent juridique de la politique de criminalisation des migrant•e•s puisqu’elle permet à la France d’expulser des demandeurs et demandeuses d’asile sans même leur donner la possibilité de déposer leur dossier auprès de l’Ofpra. Ainsi, le nombre de personnes renvoyées vers le pays dit « responsable » représente plus de 10% des éloignements intra-européens. Ces éloignements sont caractérisés par des violations fréquentes des droits. Les tribunaux ont sanctionné 44% des procédures contre 30% en moyenne pour l’ensemble des autres mesures d’éloignement.

• Enfin, la règle de détermination de l’Etat responsable posée par le règlement Dublin III conduit à une grande incohérence, source de souffrances pour les demandeurs et demandeuses d’asile et qui nourrit un sentiment d’arbitraire. C’est ainsi qu’à situation égale, la France accepte d’examiner la demande d’asile de certains demandeurs et demandeuses, alors que d’autres attendent dans des bidonvilles que s’écoule le délai de six mois au terme duquel le France devient l’Etat dit responsable. Celles et ceux qui auront été moins « chanceux » seront expulsé•e•s vers l’Etat membre désigné responsable de leur demande d’asile.


Pour l’ensemble de ces raisons, il est nécessaire de suspendre les accords de Dublin et de renégocier un nouvel accord avec l’ensemble des partenaires des pays européens. Préalablement, il doit être dressé un état des lieux sur les différences entre les politiques d’asile des différents pays européens afin d’évaluer, notamment, les moyens humains et financiers déployés par chacun des Etats membres.


Il apparaît indispensable de mettre en place des règles d’harmonisation du système d’asile. On observe aujourd’hui de grandes disparités entre les Etats. Il existe par exemple des différences de traitement des demandes d’asile entre Etats membres notamment du fait que les listes des pays d’origine « sûrs » ne sont pas les mêmes entre les Etats. Plus grave encore, certaines organisations non gouvernementales (ONG) ont relevé l’existence de pratiques visant à sélectionner les personnes migrantes en fonction de leurs origines dans certains Etats.


Afin de gommer les effets dramatiques de Dublin III, une décision du Conseil européen prise en septembre 2015 prévoyait d’instaurer un programme temporaire de relocalisation d’urgence au terme duquel les États membres se sont engagés à relocaliser depuis l’Italie et la Grèce des personnes sollicitant une protection internationale. Il s’agissait d’affirmer une solidarité européenne pour compenser les effets de la règle du premier pays d’arrivée sur les pays situés au sud de l’Europe, portes d’entrée des personnes migrantes, qui subissent une pression importante du fait de leur situation géographique.


En application de cette décision, la France devait accueillir entre 2015 et 2017, 30 700 demandeurs et demandeuses d’asile. Selon Amnesty International, moins de 30 % des personnes concernées ont pu bénéficier de ces relocalisations. En réalité, sur les 66 400 et 39 600 demandeurs et demandeuses d’asile présent•e•s respectivement en Grèce et en Italie que les États membres avaient promis d’accueillir, seul•e•s 19 740 et 8 839 ont bénéficié du programme. Cela démontre qu’à ce jour, l’UE n’a pas été capable de mettre en place une politique de solidarité entre les pays membres permettant un accueil digne des réfugié•e•s arrivant sur le sol européen.


Dès aujourd’hui, sans attendre une nécessaire renégociation au niveau européen et international, la France doit prendre des mesures pour assurer une politique d’asile humaine et solidaire.

➜ Toute personne se trouvant sur le sol français doit pouvoir déposer une demande d’asile auprès de l’Ofpra.

➜ Un moratoire doit être mis en place sur le renvoi des demandeurs et demandeuses d’asile vers un pays qui ne présente pas les mêmes garanties de droits en termes d’asile.

➜ Il doit être mis fin au placement en rétention administrative des « dubliné•e•s », un acte qui les criminalise alors qu’elles et ils n’ont commis aucun délit.

➜ Transitoirement, en attendant qu'une décision soit prise au niveau européen, les préfet•e•s doivent mettre en œuvre le deuxième alinéa de l’article 53-1 de la Constitution et la clause discrétionnaire prévue par l’article 17 du règlement Dublin III afin que toutes les personnes ayant déposé une demande d’asile en France puissent la voir examiner par l’Ofpra et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).


2) L’impératif de renégociation des accords du Touquet

Avant le vote du Brexit, Emmanuel Macron, alors ministre du gouvernement Hollande, avait averti que si le Royaume-Uni sortait de l’UE « les migrants ne seraient plus à Calais ». Où en sommes-nous aujourd’hui ? Si le vote du peuple britannique le 23 juin 2016 en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne doit être respecté, les accords du Touquet entrés en vigueur le 1er février 2004 qui établissent la frontière entre la France et la Grande-Bretagne à Calais, doivent être quant à eux renégociés. Il s’agit de remettre à plat un mauvais accord, sans esprit de vengeance ni de punition vis-à-vis de nos partenaires britanniques.


Le département du Pas-de-Calais ne doit pas être le garde-frontière du Royaume-Uni, c’est pourquoi nous dénonçons ces accords. Des milliers de personnes migrantes séjournent à Calais. Erythréen•ne•s, Soudanais•e•s, Afghan•ne•s, et Syrien•ne•s, etc., dont la plupart sont en transit et espèrent traverser la Manche. Ce sont des centaines, voire des milliers de tentatives de passage qui sont constatées quotidiennement. Des personnes meurent régulièrement en escaladant des barrières de barbelés ou percutées par des véhicules sur l’autoroute.


Cette situation est intolérable, à commencer pour les personnes migrantes mais aussi pour les habitant•e•s de la région, et doit cesser. Il faut engager la négociation d’un nouvel accord plus équitable et humain. Les annonces de mesures financières supplémentaires et d’une meilleure prise en compte des demandes d’asile pour les mineur•e•s, aussi positives soient-elles, ne sauraient constituer une solution durable. En effet, lors du démantèlement de la « Jungle » en octobre 2016, la Grande-Bretagne s’était déjà engagée à prendre sur son territoire plus de 3 000 migrant•e•s au titre de leur minorité ou du regroupement familial. Un an et demi plus tard, à peine 10% d'entre eux elles et eux ont réellement été admis•e•s sur le territoire britannique selon les associations.

Cela fait plus de quinze ans que ce problème de la libre circulation des migrant•e•s perdure. Il y a ainsi eu le centre de Sangatte au début des années 2000, la première, puis la deuxième « Jungle » de Calais où se retrouvent des personnes migrantes qui souhaitent rejoindre l’Angleterre et restent coincées à la frontière située dans le Nord Pas-de-Calais. Il est urgent qu’une concertation sérieuse avec les acteurs et actrices de terrain soit mise en place afin d’envisager concrètement une voie de migration légale vers la Grande-Bretagne, comme par exemple la création d’un bureau d’asile commun à Calais comme le suggèrent le Forum des réfugiés et France terre d’asile.


II - Accueillir dignement les personnes migrantes


La politique actuelle de l’accueil conduit à des pratiques irrationnelles, inefficaces et cruelles à plusieurs égards. Les structures d’accueil, qui sont le résultat de décisions prises pour pallier à l’urgence, sont actuellement mal réparties sur le territoire, illisibles et non-complémentaires.

Le « Plan Migrant » du Gouvernement de juillet 2017 créant 7 500 places de centres d’accueil des demandeurs d’asile (Cada) en 2018 et 2019 et 5 000 places en centres provisoires d’hébergement (CPH) ne réforme pas en profondeur les trop nombreuses structures d’accueil souvent inadaptées.


A / L’échec du morcellement des structures et du durcissement répressif


Outre les Cada et CPH, il existe en effet des CPA (centre premier accueil), CAO (centre d’accueil et d’orientation), AT-SA (accueil temporaire - service de l’asile), Huda (hébergements d’urgence des demandeurs d’asile), Chum (centres d’hébergement d’urgence migrants), Caes (centres d’accueil et d’examen de situation administrative), Carda (centres d’accueil et de rétention des demandeurs d’asile), Prahda (programmes d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile), Dpar (dispositifs de préparation au retour)....


En tout 11 types de structures différentes ! Leur nombre et le morcellement des missions qu’elles remplissent les rendent illisibles pour les personnes arrivant en France, mais également pour l’ensemble des intervenant•e•s spécialistes de cette matière. Cette complexité s’impose aux professionnel•le•s et aux associations, avec pour conséquence une perte de sens et d’efficacité ubuesque.


Beaucoup de demandeurs et demandeuses primo-arrivantes et de travailleurs et travailleuses sociales ne connaissent par exemple pas la différence entre Pada (plateforme d’accueil), Guda (guichet unique), Cesa (centre d’examen de situation administrative) et CPA, alors même qu’elle est essentielle. Certaines structures font doublon. C’est le cas des Chum et des CAO qui orientent les personnes sortant des CPA.


La prolifération des structures toujours en réaction et sans vision d’ensemble crée également des chaînes de passage obligé inutiles. Cette porosité entre les compétences des structures conduit en outre à une déresponsabilisation de ces dernières qui se renvoient la justification de l’absence de prise en charge.


La privatisation a aussi déjà fait son œuvre dans le domaine humanitaire, ce qui conduit à une exploitation honteuse de la précarité. La gestion des Prahda crée du profit pour le secteur privé sur le dos de l’Etat et des personnes migrantes précaires. Enfin, la répartition des compétences entre les niveaux national, régional, départemental et communal est peu claire et ne permet pas un accueil équivalent sur tout le territoire. Le mélange des modes de gestion et de financement rend enfin l’ensemble opaque pour toutes les personnes concernées.


Cette mauvaise gestion dévoie les objectifs historiques de l’accueil (mise à l’abri, lutte contre la précarité, l’indigence…), et les remplace par des finalités sécu-ritaires visant à trier, classer et ficher les personnes. Comme le reste des poli-tiques du gouvernement actuel, elle remet en cause les héritages humanistes de la Révolution et de la Résistance.


La circulaire Collomb du 12 décembre 2017 en est un parfait exemple qui bafoue le principe de l’accueil inconditionnel. Tout comme la création des Carda, dédiés à l’assignation à résidence des personnes dublinées, qui symbolise ce renversement inique des valeurs. Ces mesures dissuadent les personnes ne rentrant pas dans les bonnes cases de se rendre dans les structures d’accueil, les incitent à se cacher et les précipitent encore plus avant dans la clandestinité, la précarité et l’exploitation. Non seulement elles ne permettent pas aux personnes les plus « vulnérables » (femmes et mineur•e•s pour grande partie) d’être mieux prises en charge, mais créent de nouvelles situations de vulnérabilité.


Cette institutionnalisation de la précarité est doublée de mesures répressives. C’est une politique d’intimidation, portée par une logique de l’enfermement, per-clue de pratiques abusives et d’un usage disproportionné de la force pour lesquelles la France ne cesse d’être condamnée par les juridictions nationales et européennes, qui vise également les citoyens et citoyennes solidaires. Elle est de surcroît inefficace. D’une part, 60% seulement des demandeurs et demandeuses d’asile bénéficient actuellement d’un hébergement. Et surtout, l’escalade répressive qui maltraite les personnes migrantes et écœure leurs soutiens solidaires ne rassure en rien la population dans son ensemble.

Elle n’a pour conséquences que d’augmenter les tensions et la violence entre et parmi des populations désespérées. Elle crée en outre une hyper visibilité des personnes migrantes les plus précaires que l’on identifie avec l’intégralité des personnes migrantes vers la France, ce qui empêche tout débat constructif sur le sujet et institue un climat de suspicion envers toute personne perçue comme « migrante ». En réalité, les personnes en France à titre humanitaire n’ont représenté en 2017 que 15 % des personnes migrantes, la majorité des personnes qui migrent en France étant des étudiant•e•s.


La France insoumise propose une politique de l’accueil qui, fidèle à ses finalités originelles, permettrait une organisation pérenne des structures d’accueil, loin de la mise en concurrence, destructrice pour l’intérêt général, des plus pauvres. Elle s’articule en trois axes.


B/ Pour un accueil inconditionnel respectueux des droits fondamentaux et des normes internationales


1) Un accueil coordonné au niveau national

La France insoumise prône une refonte nationale du système actuel pour organiser rationnellement l’accueil inconditionnel suivant une priorisation claire : mettre à l’abri d’abord, accompagner dans la demande de titres ensuite ; et pour une plus grande complémentarité des structures et une plus grande lisibilité pour les publics concernés.

• La création sur 2 ans de places en centre humanitaire provisoire aux normes internationales, en priorité dans les zones saturées où la demande d’hébergement est forte ; et la création de 10 000 places en structure type Cada suivant les recommandations de Forum-Réfugiés Cosi.

• Une mise aux normes internationales sur l’ensemble du territoire français des structures d’accueil doit être effectuée d’urgence. Ces structures doivent également mieux s’adapter à la diversité des publics et permettre aux familles, mineur•e•s isolé•e•s, femmes seules et personnes LGBTQI d’avoir des espaces adaptés à leurs besoins en termes de santé, de soutien psychologique, social, juri-dique, d’éducation…, ainsi que des espaces de vie commune.

• Création d’un guichet unique de l’accueil (sans préfecture), porté sur le conseil juridique et l’information des différentes procédures et structures utiles et l’évaluation des besoins.

• Réorientation dans des structures d’hébergement et d’accompagnement de type Cada ou hébergements sociaux intégrés pour les primo-arrivant•e•s précaires le temps du dépôt et de l’instruction de leur demande de titre de séjour ou de leur transit. Nous mettrons par ailleurs fin à la gestion lucrative par des organismes privés des Prahda et supprimerons les Carda.

En parallèle, nous proposons de lancer un grand plan national de renfort des structures de mise à l’abri d’urgence pour toutes les personnes sans-abri.


2) Se donner les moyens d’un accueil spécifique des mineur•e•s

La France insoumise propose qu’un accueil des mineur•e•s respectueux des traités internationaux de protection de l’enfance et de la dignité de ces jeunes personnes soit rendu effectif. Il faut mettre fin à la conditionnalité de la prise en charge : les mineur•e•s sont hébergé•e•s et scolarisé•e•s jusqu’à ce qu’il soit fait la preuve, le cas échéant, de leur majorité.

• Suppression des inefficaces tests osseux en vue de déterminer l’âge des jeunes isolé•e•s : ces tests sont peu fiables et se fondent sur des critères fortement contestables.

• Interdiction de la mise en rétention de personnes mineures : l’expérience de la privation de liberté, injustifiée de surcroît, est source de traumatismes importants et perturbe durablement le développement sain de l’enfant, peu importe le type de structures de privation de liberté.

• Augmenter les fonds alloués à l’aide sociale à l’enfance dédiée à l’accompagnement des mineur•e•s précaires.


3) Valoriser les initiatives citoyennes et les solidarités en réseaux

La mise en place d’une politique de l’accueil au niveau national ne doit pas étouffer les initiatives citoyennes, associatives et communales, mais au contraire doit les accompagner et les soutenir dans l’invention de formes alternatives d’hospitalité.


Il faut pour cela mettre fin au délit de solidarité par la modification de l’article L 622-1 du Code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) pour qu’il ne sanctionne plus que les personnes aidant au passage de frontières ou au maintien sur le territoire ou au transit irrégulier dans un but lucratif, c’est-à-dire l’exploitation par la traite d’êtres humains.


Nous proposons également de soutenir les initiatives citoyennes, associatives et communales d’accueil qui mettent en place des structures ou des solutions d’accueil plus inclusives par un fonds dédié.


III - Garantir le droit d’asile et créer de nouveaux statuts


En matière de respect des droits humains et du droit international, la France doit être à l’avant-garde au regard de son histoire mais aussi de ses responsabilités dans les causes des déplacements de population.


Notre premier devoir est donc de garantir le droit d’asile et de prendre en compte les nouvelles caractéristiques des migrations internationales, qu’elles soient relatives au changement climatique ou aux crises économiques et humanitaires qui peuvent éclater dans de nombreux de pays.

Les propositions de la France insoumise s’articulent autour du renforcement de la protection des demandeurs et demandeuses d’asile en danger, de l’engagement à garantir une procédure dans des délais raisonnables et respectueuse des droits, mais aussi de l’objectif de permettre une plus grande prise en compte des causes des migrations en proposant la création d’un nouveau statut de « détresse climatique et humanitair» que nous appliquerons en France et défendrons au niveau international.


A/ Garantir une procédure dans des délais raisonnables et respectueuse des droits


Nous proposons l’instauration d’une procédure unique pour les demandes d’asile qui assure pleinement le respect du droit d’asile, et les droits fondamentaux notamment grâce à un ensemble de mesures.

• Suppression de la procédure accélérée. Cette procédure prévoit des délais raccourcis et des droits au rabais pour les demandeurs et demandeuses d’asile lorsqu’elles ou ils sont en provenance de pays dits « sûrs » ou qu’elles ou ils n’ont pas introduit leur demande dans les 120 jours qui suivent leur entrée sur le territoire français. Les demandeurs et demandeuses d’asile dont le dossier est examiné selon cette procédure n’ont pas véritablement les moyens procéduraux d’établir les raisons pour lesquelles ils ou elles demandent la protection de la France.

• Autorisation de travailler dès l’arrivée sur le territoire et pendant la période d’examen de leur dossier.

• Revalorisation de l’aide. Les montants des allocations ont été sanctionnés à de nombreuses reprises par la justice en raison de leur trop faible montant (Conseil d’Etat arrêt du 17 janvier 2018). Nous proposons donc d’augmenter ces allocations pour permettre aux personnes d’effectuer leur demande plus librement et plus facilement.

• Augmentation des moyens et revalorisation des statuts des employé•e•s de l’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration), de l’Ofpra et de la Cnda. Il s’agit de garantir une haute qualité de service public et des conditions de travail décentes pour les agents.

>> Allocation de moyens supplémentaires à l’Ofii pour l’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile, notamment en matière de logement.

>> L’allocation de moyens humains et financiers en adéquation avec leur activité aux institutions ayant en charge l’asile comme l’Ofpra et la Cnda. Le mouvement de grève qu’ont connu ces deux institutions en mars 2018 a fait apparaître dans le débat public la sous-dotation inquiétante de ces deux institutions. Le projet de loi du gouvernement, s’il était adopté en l’état, aboutirait à aggraver la situation au détriment de l’effectivité des droits des demandeurs et demandeuses d’asile.


B/ Création de nouveaux statuts pour répondre aux défis contemporains


Une politique d’asile responsable doit non seulement assurer de façon pleine et effective le droit d’asile dans son cadre juridique actuel, mais elle doit également se saisir des défis nouveaux induits par les bouleversements du monde contemporain.

• Création d’un statut de détresse « climatique et humanitaire ». La France doit être précurseure en reconnaissant un nouveau motif de protection internationale pour les réfugiés climatiques. Au-delà, la prise en compte des conséquences du changement climatique sur les migrations doit être mise par la France à l’agenda international. La dimension humanitaire de cette nouvelle catégorie doit inclure les sévices subis lors du trajet migratoire.

• La France insoumise souhaite également que soit remis en place un droit d’asile pour les combattant•e•s de la liberté tel qu’il existait dans la Constitution de 1946. L’histoire de notre pays, héritée notamment de la Révolution française, accorde une importance toute particulière à l’asile politique. Il résulte ainsi de la Constitution du 24 juin 1793 en son article 120 que « le Peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. - Il le refuse aux tyrans ».


IV - Dépénaliser le séjour irrégulier et lutter contre les trappes à clandestinité et à précarité


Le respect de la dignité de la personne humaine fait partie de nos principes républicains. Or aujourd’hui, le parcours d’une personne migrante est semé d’humiliations, de précarité et de clandestinité, dont notre fonctionnement actuel est pour partie responsable.


Pour y remédier et construire une véritable politique d’hospitalité et de solidarité, nous devons, d’une part, cesser de criminaliser le séjour irrégulier, et, d’autre part, garantir l’égalité des droits et une même justice pour tous et toutes sur tout le territoire.


A/ Une véritable politique d’hospitalité et de solidarité


Cette politique se décline autour de plusieurs axes.

• Il faut encourager celles et ceux qui se montrent solidaires des personnes en situation de précarité indifféremment de la régularité de la situation des personnes. L’humanité qui s’est exprimée encore récemment de la part des habitant•e•s de la vallée de la Roya, de Calais, Paris, etc., ne doit pas être mar-quée par des procès et des condamnations. Au contraire, il faut valoriser celles et ceux qui remplissent un devoir citoyen pour l’ensemble de notre société. Cette solidarité spontanée est l’expression d’un sens profond de l’humanité et de soli-darité qui fait honneur aux traditions de notre pays.

• Le placement en rétention administrative des enfants, même accompagnés de leurs parents, doit être strictement interdit. Maintes fois condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme, la France se singularise par la permanence d’une telle pratique. La situation des enfants ne doit et ne peut plus être à ce point négligée, d’autant que ces enfermements en rétention sont généralement précédés d’une interpellation par des forces de police qui peuvent menotter les parents devant leurs enfants. Rien ne justifie d’infliger un tel traitement à des enfants.

• Il faut mettre fin à l’automaticité des obligations de quitter la France (OQTF) et des interdictions de retour sur le territoire français (IRTF), renforcer l’obligation de motivation, et supprimer la procédure des « OQTF 6 semaines ». Ces deux mesures (OQTF et IRTF) doivent être profondément réformées afin d’assurer la dignité du traitement des personnes et non, comme c’est le cas actuellement, les rendre captives dans une procédure clairement orientée vers une gestion comptable flirtant avec un fantasme de criminalité consubstantielle.

• Enfin, afin d’accomplir pleinement notre devoir de solidarité, mais aussi afin de lutter contre les situations de précarité, il faut une politique forte de régularisation des personnes migrantes, déjà insérées économiquement, socialement et culturellement, et des compétences desquelles la France bénéficie d’ailleurs très largement par leur participation active à la vie citoyenne de notre pays. Il est indigne de profiter de la vulnérabilité administrative des migrant•e•s précaires, qui conduit au paradoxe d’un État profiteur de « la misère du monde ». Nous proposons donc de régulariser les travailleur•e•s, étudiant•e•s, les parents d’enfants scolarisé•e•s ainsi que tout•e conjoint•e marié•e ou pacsé•e qui se retrouverait « sans papier ».


B/ Une même justice pour tous et toutes


Assurer le respect des droits passe également par la lutte contre la précarisation juridique des personnes migrantes. Réduire les délais de procédure ne doit pas conduire à nier l’accès à la justice ainsi qu’au droit au recours effectif, en érigeant une apparence de justice. Ce n’est pas acceptable dans un Etat de droit, où il faut au contraire assurer une réelle efficacité de droit.


Pour la France insoumise, une véritable réforme en profondeur du droit d’asile doit être envisagée afin de replacer les libertés fondamentales au cœur de la procédure de demande d'asile, qui a à traiter de situations humaines d’une complexité particulière. Pour atteindre cet objectif plusieurs mesures doivent être prises.

• Il faut réformer le recours devant le juge administratif en imposant la collégialité pour le contentieux des personnes étrangères. Actuellement les décisions sont prises par un juge unique dont le maintien laisse une justice précaire gérer la précarité. C’est inacceptable ! Ainsi, la collégialité doit devenir la norme de la formation de jugement comme dans les autres matières, c’est la seule forme légitime pour permettre un véritable procès.

• La présence d’un et d'une rapporteuse publique, aujourd’hui absente du procès, doit être rétablie, afin de garantir la représentation de l’État tout en permettant de limiter la marge d’erreur. L’importance des droits fondamentaux dans ces procédures apparaît pleinement compatible voire indispensable au regard d’une exigence d’une justice de qualité.

• Nous proposons d’interdire la possibilité d’avoir des jugements au pied des pistes d’aéroport. En effet, la question du temps du jugement est importante et l’apparition de tribunaux « sur place » à proximité des lieux d’expulsion conçus pour gérer des flux au nom de l’efficacité et de la rationalisation budgétaire, foule au pied les principes élémentaires de la justice. Avec ces audiences délocalisées, non seulement la justice ne donne pas le sentiment d’avoir été bien rendue, mais est au contraire mal rendue du fait même des conditions matérielles de tenue de ces audiences : imbrication totale de la salle d’audience avec la zone d’attente, confusion des rôles exercés entre la police aux frontières et la justice. Ces salles spécialement aménagées à proximité immédiate du lieu de rétention s’inscrivent dans une évolution très préoccupante de la justice des personnes étrangères marquée par des droits procéduraux à la baisse pour ces justiciables particulièrement fragiles et par une injonction à juger vite, même mal, dans une politique du chiffre, qui ne dit pas son nom, dont la vocation est clairement l’expulsion.

• Nous défendons la suppression des télé-audiences. Outre le fait que cette modalité technique ne respecte pas la publicité des audiences, pourtant condition essentielle du droit au procès équitable, c’est encore une fois une véritable précarisation du droit des personnes étrangères que la France pratique. Ce fonctionnement cache d’une part une gestion comptable visant à respecter un rythme effréné des enfermements en rétention afin d’éviter des escortes policières vers les tribunaux et, d’autre part, une volonté d’ériger une parodie de justice des personnes étrangères, où le déterminisme du renvoi est confronté à l’absence d’un contact physique avec les représentants de cette justice. Les personnes migrantes sont privées d’un procès équitable et de plusieurs garanties procédurales.

• Nous souhaitons également mettre fin à une justice d’exception pour les personnes étrangères, en appliquant un même droit sur tout le territoire, y compris dans les régions d’outre-mer, comme Mayotte ou la Guadeloupe. En effet, les dispositions du Ceseda s’appliquent de manière inégale sur le territoire métropolitain et en Outre-Mer, surtout à Mayotte, où les dérogations au droit commun sont les plus choquantes : procédures spécifiques particulièrement discriminatoires, absence de protection sociale ou de conditions d'accueil décentes. La possibilité d’aménager, d’adapter les législations et réglementations eu égard aux spécificités ultra-marines, ne doit pas s'appliquer à des questions aussi importantes que celles relatives aux droits fondamentaux des personnes de nationalité étrangère.


En somme, pour la France insoumise il faut appliquer fermement l’égalité devant la loi, le droit à un recours effectif, l’impératif d’accès au juge et des conditions de rétention dignes partout sur le territoire de la République.


V - Donner aux migrant•e•s les moyens d’une insertion et d’une citoyenneté réussies


La question migratoire est prise par le gouvernement sous un angle exclusivement sécuritaire. Aux origines de cette approche se trouve d’abord un préjugé xénophobe selon lequel les personnes arrivant en France ne peuvent y vivre sans porter atteinte à l’ordre public.

Elles ne pourraient pas « s’adapter », ni « s’intégrer ». En réalité, les entraves faites à l’installation et les empêchements à mener une vie « normale » sont les seules causes qui pourraient donner un semblant de consistance à ce préjugé.


L’universalisme républicain exige au contraire de mener une politique inclusive, respectueuse du parcours de chacun•e conforme à notre modèle démocratique et égalitaire. Ce principe doit être un fondement de la politique d’accueil de la France et la promesse qui garantit de pouvoir « faire France de tout bois ». En ne la respectant pas depuis des années, les différents gouvernements contribuent précisément à troubler l’ordre public. La France insoumise se veut au contraire fidèle à l’idéal de la République. Elle veut créer les conditions pour que toutes et tous contribuent le plus facilement et le plus largement à la société.


A/ Améliorer l’obtention des titres d’entrée et de séjour des personnes étrangères


L’un des premiers et plus constants contacts avec la République des personnes arrivant et résidant en France, ce sont les préfectures. Les conditions d’accueil du public y sont aujourd’hui extrêmement dégradées et en conséquence inacceptables. Telle est la conséquence des nombreuses années d’austérité imposées par les gouvernements successifs. Il faut, au contraire, donner aux préfectures les moyens financiers et humains d’assurer pleinement leur mission d’accueil des personnes étrangères.

• La formation des personnels à cette tâche ne devra pas être négligée comme elle l’est aujourd’hui : l’accompagnement des personnes exige une maîtrise technique, une compréhension rigoureuse des enjeux et une prise en charge dédiée (prenant en compte un développement des qualités humaines et un positionnement spécifique).

• Il existe un autre moyen permettant de restaurer un peu de stabilité dans l’existence des personnes, de favoriser leur insertion et par là même l’occasion de désengorger les services administratifs : rétablir la carte de séjour de dix ans comme titre de séjour de référence pour les personnes étrangères respectant le droit au regroupement familial. Cette mesure de bon sens permet de préserver la société des tensions que génère la précarité des titres de séjour de plus courte durée.

• L’unicité de la loi sera rétablie en soumettant l’octroi des titres de séjour à des critères objectifs ne souffrant aucune différence d’interprétation d’une préfecture à l’autre. En outre, la commission du titre de séjour devra pouvoir être saisie de tous les cas de refus de délivrance de titre. Celle-ci aura le pouvoir de décider à l’issue d’un débat public et contradictoire afin de prévenir toute décision arbitraire.


B/ Favoriser la citoyenneté


1) L’apprentissage de la langue

Une des principales conditions pour participer pleinement à la vie sociale est la maîtrise de la langue. Elle permet de rompre l’isolement des personnes en facilitant l’autonomie, l’accès à l’emploi et la sociabilité au quotidien.


L’apprentissage de la langue française par les enfants doit donc être une priorité. Cela suppose d’augmenter le nombre de classes et les moyens alloués. La formation et le recrutement des enseignant•e•s sont déterminants. Actuellement, une certification passée sur la base du volontariat en cours de carrière est nécessaire pour y enseigner dans les classes adaptées. Il n’y a donc aucune garantie de disposer d’un personnel enseignant suffisamment nombreux et recruté régulièrement. Nous proposons la création d’un contingent spécifique au Capes de lettres, à l’instar de la distinction qui a cours entre lettres classiques et modernes. Les nombreux étudiant•e•s des filières de français langue étrangère (FLE) y trouveraient d’ailleurs un débouché plus conforme à leur formation.

Les adultes doivent également pouvoir bénéficier de dispositifs d’apprentissage de la langue française. Dans la perspective de l’appropriation de la langue, la démarche des ateliers sociolinguistiques (ASL) sera soutenue et son financement pérennisé, sans condition de statut, avec pour objectif d’y donner accès gratuitement à toutes les personnes en exprimant le souhait. Un programme ambitieux pour acquérir la maîtrise écrite et parlée de la langue française sera mis en œuvre, une information complète sur l’ensemble des droits sociaux et un panorama de l’histoire de la construction de la République Française. Ces deux modules sont en effet indispensables pour que les droits des personnes soient effectifs.


La protection des droits sociaux sera également garantie en assurant aux lycéen•ne•s étranger•e•s isolé•e•s une prise en charge jusqu’à 21 ans par la délivrance de contrats jeunes majeur•e•s. Ces jeunes gens sont en effet singulièrement prédisposés à construire leur avenir au sein de la société française, éventuellement en y acquérant la nationalité. A cet égard la société a d’autant plus de raisons d’œuvrer à leur insertion et leur accompagnement dans la vie adulte.


2) L’exercice d’une citoyenneté pleine et entière : droit de vote et droit du sol

La normalisation de la situation des personnes étrangères résidant en France passe enfin par la reconnaissance de leur contribution active à la vie politique et sociale, et notamment par l’octroi du droit de vote aux élections locales. Les résidents communautaires (citoyen•ne•s d’un État membre de l’Union européenne) jouissent déjà de ce droit. Nous proposons son extension aux résident•e•s non-communautaires, qui vivent et travaillent parfois depuis des décennies sur notre sol.

La France insoumise soutient que le hasard de la naissance ne peut être un obstacle à l’acquisition de la nationalité. Nous sommes donc favorables à ce que l’octroi de la nationalité française soit facilité.


La condition de résidence sur le territoire devrait notamment ne pas être impérative dans le cas des personnes qui se sont signalées par les services qu’elles ont rendus à la France. Les critères d’obtention de la nationalité française devront être rendus objectifs, clairs et ne pas être susceptibles d’être interprétés arbitrairement selon les préfectures.


Enfin, nous proposons l’actualisation d’un véritable droit du sol pour tous et toutes les enfants né•e•s en France par l’acquisition automatique de la nationalité, sans critères supplémentaires pour celles et ceux né•e•s de parents étranger•e•s.



Sources et références utiles

1 - Chiffres globaux

• Statistiques mondiales du HCR : http://popstats.unhcr.org/en/overview

• Aperçu statistique 2016 du HCR : http://www.unhcr.org/fr-fr/apercu-statistique.html

2 - Gestion migratoire de l’Union européenne

• Statistiques sur Eurostat sur la migration et la population migrante : http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/ Migration_and_migrant_population_statistics/fr

• Plus de 3 100 migrants morts ou disparus en Méditerannée en 2017 (La Croix, 10/01/18) : https://www.la-croix.com/Monde/3-100-migrants-morts-disparus-Mediterra nee-2017-2018-01-10-1200904860

3 - La politique migratoire pas très accueillante de la France

• Les chiffres 2017 de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et des apatrides) : https://www.ofpra.gouv.fr/fr/l-ofpra/actualites/les-donnees-de-l-asile-2017-a-l

• L’avis du défenseur des droits sur le budget 2018 «Immigration, asile et intégration» (25/09/17) : https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/avis_du_ defenseur_des_droits_ndeg17-09.pdf

4 - Le projet de loi asile immigration

• Immigration : un projet de loi qui déboute (Libération, 20/02/18) : http://www.liberation.fr/france/2018/02/20/ immigration-un-projet-de-loi-qui-deboute_1631145

• Loi sur l’immigration, un projet de loi ni humain, ni efficace» (Le Monde, 24/02/18) : http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/02/24/loi-sur-l-immigration-un-projet-ni-humain-ni-efficace_5261868_3232.html

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