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Quand on veut noyer son chien...

Dernière mise à jour : 29 mars 2018

… on l’accuse d’avoir la rage ! C’est ce que fait aujourd’hui le gouvernement de Macron pour casser la SNCF. A l’injonction de l’Union Européenne, il faut trouver le moyen de faire passer cette volonté auprès des français. Pour ça, quoi de mieux que de s’en prendre au fameux statut des salariés de la SNCF pour détourner l’attention. Et faire ce que fait bien Macron, qui le dit d’ailleurs, de dresser une partie des français contre une autre partie. Au salon de l’agriculture, ne met-il pas en concurrence les agriculteurs sans retraite et les privilèges des cheminots ? Le tout pour aligner vers le bas, bien entendu. D’abord, les agriculteurs ont une retraite ! Ils touchent, en moyenne, 1.074€ par mois contre 1.376€ pour l’ensemble des retraités salariés (au passage, ce ne sont pas les nantis que prétend Macron…), certes moindre, mais une retraite quand même. Et complétée par la cession de leur patrimoine professionnel au moment du départ en retraite. Ensuite, ils partent à la retraite en moyenne à 62,7 ans contre 62,1 ans pour l’ensemble des salariés. En ce qui concerne les cheminots, il est vrai que les roulants peuvent prétendre partir à 52 ans et les autres à 57 ans. Encore faut-il, pour toucher une retraite complète, qu’ils cumulent, comme dans le privé, 41,5 à 42 annuités de cotisations depuis 2008… Là aussi, un mensonge sur ce prétendu privilège. Quant au statut qui veut que l’embauche se fasse à vie, il faut être âgé de moins de 30 ans, sinon il s’agit de contrat de droit privé. La SNCF n’hésite pas à jongler entre ces deux statuts pour en réduire les avantages du premier. Pour les congés, les cheminots bénéficient d’un jour de congé en plus que les autres salariés. Néanmoins, l’INSEE indique un temps de travail journalier de 7h45 pour les roulants contre 7h pour la moyenne des salariés français. Il reste le transport gratuit pour les cheminots et une partie de leur famille, comme pour les députés et les sénateurs, nous semblent-ils. Or, ces derniers ne semblent pas prêts à supprimer ce « privilège ». Et puis, Macron a le soutien quasi unanime de la presse : le site Acrimed, observatoire des médias (voir leur site), dénoncent ce traitement déséquilibré de l'information en faveur des mesures libérales à venir. Il a aussi le soutient des instituts de sondage pour qui 69% des français favorables à l’abandon de ce statut. Nous aimerions bien voir la question posée pour obtenir une telle réponse alors que 43% des français soutiendraient une grève des cheminots contre 38% qui y seraient opposés. Mais on parlera surtout du premier résultat sans indiquer qu’il y a quand même une contradiction dans ce sondage entre deux items… Mais bon, quand on veut noyer son chien… Nous vous recommandons le blog de Sylvain Bouard sur le point de vue d’un cheminot.


Maintenant, parlons de la privatisation. L’argument principal est la dette de la SNCF (50 milliards d’€) qui est effectivement considérable. Mais est-ce de la faute des salariés de ce service public ? Non, plutôt la conséquence de volontés politiques depuis quarante ans, tous les gouvernements confondus, qui ont privilégié les LGV (lignes à grandes vitesses), coûteuses et dont le bénéfice en termes de temps ne l’est que pour des catégories privilégiées de voyageurs. De plus, chaque élu national, régional ou départemental s’est battu pour avoir sa propre LGV ou gare LGV au détriment de l’aménagement du territoire. Mais pour pouvoir assurer leur réélection ! Quelle ligne LGV a développé l’industrie ou le commerce ailleurs que dans les métropoles ? L’exemple de Paris-Tours est flagrant : voit-on des trains entiers partir de Paris, le matin, pour emmener des salariés à Tours ? Non, 1 seul TGV à 6h09 contre 4 entre 6 et 7h04 entre Tours et Paris… D’autre part, la SNCF s’est désengagée d’une multitude de petites lignes ‘non rentables’. Un service public n’a pas vocation à être rentable. Certes, on doit en limiter au maximum le coût, mais dans la limite du service qu’il rend. Au demeurant, la nationalisation des chemins de fer s’est faite parce que les compagnies privées entraient en conflit avec l’Etat sur le réseau secondaire, non rentable. Elles percevaient alors des subventions (déjà) pour pallier à cet inconvénient. Cependant, les déficits de la plupart des compagnies privées conduisaient au désinvestissement dans ce secteur vers des secteurs où le capital investi avait des rendements qui permettaient aux rentiers de vivre sur le travail des autres. Aussi, en 1937, les chemins de fer seront nationalisés, l’Etat prenant ainsi la main sur l’infrastructure du rail. Aujourd’hui, l’heure est à l’injonction de l’Union Européenne et des technocrates qui la dirigent. Et qui sont de fervents défenseurs du libéralisme économique. Peu importe les conditions de travail des salariés, des conditions de transport des usagers, il faut privatiser ! Ce leitmotiv, très tatchérien, a eu les conséquences que l’on connait en Grande-Bretagne où le rail a été privatisé il y a 20 ans : le Labour de Jeremy Corbyn estime à 3.222€ par an le coût des transports pour se rendre au travail, soit 14% des revenus mensuels. Les Britanniques déboursent ainsi, en moyenne, six fois plus que nous. Si, en France, on se plaint régulièrement des retards, sachons qu’en Grande-Bretagne, quatre trains sur cinq arrivent en retard sur le réseau privatisé Southern Rail. Le très fréquenté Bridhton-Londres de 7h29 n’est pas arrivé une seule fois à l’heure en 2014. Enfin, pour ceux qui s’offusquent des grèves à la SNCF, les grèves sont quasiment hebdomadaires outre-manche : 33 jours de mouvement en moins d’un an… Quant à l’état des infrastructures, il est tel que la gestion et l’entretien du réseau ont été renationalisés en 2014. Ce qui n’empêchent pas les opérateurs privés, dont Kéolia filiale de la SNCF, d’avoir reçu 4,6 milliards d’€ entre 2015 et 2016. Et 58% des Anglais souhaitent la renationalisation (sondage commandé par l’association We own it qui réclame cette renationalisation).

D'autre part, si la dette prévisionnelle 2018 de SNCF Réseau est de 49,9 milliards d'€ et la dette de l'opérateur SNCF mobilités de 4,9, soit un total de 55 milliards (dont 1,7 milliards d'intérêts), rappelons que le gestionnaire des infrastructures (renationalisé) britannique, Network Rail, a une dette de 51 milliards d'€ (46,3 milliards de £) pour un réseau de 17 000 km contre 29 000 en France...

En Allemagne où la privatisation a été décidée dès 1994, la Deutsche Bahn (DB) continue à assurer 99% des grandes lignes. L’opérateur privé allemand Locomore n’aura mis que cinq mois avant de déposer le bilan. Le groupe français Transdev a lui-même abandonné la ligne Leipzig-Warnemünde à la DB fin 2014. De plus, ce sont les Landers qui choisissent les opérateurs privés, ce qui introduit de grandes disparités sur le réseau. Qui plus est, l’usager ne choisit pas son opérateur puisque lorsqu’un Lander en a choisi un, il est le seul à exploiter les lignes. Les compagnies privées ne sont présentes qu’à 33% sur les lignes régionales, celles qui sont rentables, ce qui fait que le bilan de la privatisation est très mitigé. Il est vrai que la redevance à payer au gestionnaire du réseau, DB Netz, filiale de DB, est élevée. Mais il a en charge l’entretien du réseau, ce qui est le poste le plus élevé dans le transport ferroviaire. En conséquence, l’investissement privé se reporte sur le transport par bus, libéralisé en 2013. Les bus ne payent aucune redevance sur les routes. A propos d’opérateurs privés, nous trouvons aussi Kéolis en Allemagne… Au total, en Allemagne, seuls 16,7% du total du réseau sont passés au privé.


On peut donc penser que la privatisation de la SNCF se traduira par une dégradation aggravée des conditions de transport, l’augmentation des tarifs et l’abandon, contrairement à ce qu’affirme le 1er ministre, des petites lignes non rentables. Mais le dogme est le dogme : il faut privatiser ! Et pour cela, casser le statut des cheminots et, par l’occasion, casser les syndicats. En effet, en divisant les salariés de la SNCF entre anciens et nouveaux embauchés, deux catégories aux intérêts divergents seront créées. L’adage est vieux comme le monde : diviser pour mieux régner. Diviser les catégories de français entre eux, diviser les catégories de salariés, privés contre public, et diviser au sein même des entreprises selon le statut. Pour s’opposer à cela, nous invitons les citoyens à soutenir et à participer aux mouvements de défense du service public. De tous les services publics.


Maintenant, s'en prendre au statut, c'est aussi mettre fin à un emploi à vie. Pourquoi pas , puisque l'ensemble des salariés n'en bénéficie pas ? Mais que masque cette volonté. D'abord, toujours niveler vers le moins disant social. Et puis, surtout, s'attaquer au statut des fonctionnaires. Or, que signifie supprimer cette protection face au droit commun ? Lorsque le législateur prévoit cette protection, il a l'idée que les fonctionnaires servent l'Etat et doivent donc être protégés contre les tentatives de chantage que pourrait exercer le politique sur eux. Comme le chantage que les salariés connaissent aujourd'hui dans le public : si t'es pas content de tes conditions de travail et de salaire, pas de problème. Ils sont des milliers à vouloir ta place ! Et de les protéger contre des licenciements qui permettraient de les remplacer par ses amis (ou sa famille, certaines affaires récentes montrant que les politiques de droite - et de "gauche" - n'hésitent pas à utiliser cette possibilité, y compris pour des emplois fictifs). Remettre en cause ce statut ouvrirait donc la boîte de Pandorre. Cependant, il pourrait ne pas être exclu que certains hauts, très haut fonctionnaires puissent être licenciés : cela permettrait de virer tous ceux qui ne sont que les chantres du libéralisme et qui squattent les hautes administrations... Mais ne nous inquiétons pas pour eux, ils trouveront facilement un emploi dans le privé chez leurs amis grands patrons. Ce qu'il font d'ailleurs déjà via le pantouflage (désigne le fait, pour un haut fonctionnaire, de naviguer entre public et privé, confondant les genres et jouant souvent les lobbyistes).


Spinetta en est un parfait exemple : ENA, Conseil d'Etat, Directeur du cabinet de Michel Delabarre (ministre de Mitterrand), PDG d'Air Inter, PDG d'Air France où il conclura la fusion avec KLM et la privatisation, il est depuis 2013 Président du Conseil national Education- Economie. Il est ou a été administrateur d'Alcatel-Lucent, Al Italia,La Poste, Saint-Gobain, Unilever, EDF-Suez et à Le Monde Entreprises. C'est dire qu'il est qualifié... en transport aérien, en énergie nucléaire, en énergie fossile, en matériau de construction et en lessive. Si ça, ça n'est pas être expert en transport ferroviaire, ma petite dame, c'est que je n'y connais rien... A 75 ans (le nouveau monde, nous dit Macron), il est chargé par le gouvernement du rapport qui porte son nom sur la SNCF. Et ce monsieur, membre du PS jusqu'en 1977, dit ne pas renier ses convictions. Splendide !

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