Professeure braquée à Créteil : méritocratie, avis de décès !
- administrateur
- 29 oct. 2018
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Dernière mise à jour : 19 nov. 2018
Nous publions ici une tribune de Rodrigo Arenas, Président de la FCPE de Seine-Saint-Denis, d'hélène Rouch, Présidente de l'IUT de Toulouse III, et d'Edouard Gaudot, essayiste à propos de la professeure braquée à Créteil et des réactions du gouvernement, significatives.. A l’occasion d’un fait divers à la fois grotesque et choquant, notre gouvernement disruptif semble découvrir la violence larvée qui gangrène l’école, lieu essentiel où se file le tissu de la société française. Une violence quotidienne, entre élèves, avec les enseignants, avec les parents, avec les administrations. Une violence tellement banalisée que les réactions gouvernementales sonnent faux, surjouées et médiatiques. Comme pour rassurer les honnêtes gens que tout va bien et que ces dérapages resteront exceptionnels En fin de compte le plus effrayant dans cette menace juvénile et maladroite sur une enseignante, c’est peut-être le mélange entre le déni de réalité d’un ministre de l’Intérieur qui fait diversion par un amalgame abusif avec la grande délinquance et la pauvreté des réponses apportées de la part des autorités drapées dans leur impuissance, dans la continuité des actions superficielles et mal calibrées qui caractérisent les politiques urbaines et éducatives depuis plusieurs décennies. Ne voient-ils pas que malgré son essoufflement au bout de quelques semaines, l’incendie qui a embrasé nos villes et justifié l’état d’urgence en 2005 n’a jamais été vraiment éteint ? Ne voient-ils pas que chaque jour un peu plus, l’école de la République s’enfonce dans la triste résignation à faillir à sa mission d’émancipation universelle ? Sont-ils conscients des difficultés persistantes pour des pans entiers de nos populations laissées pour compte de la promesse républicaine d’égalité et de fraternité ? Au-delà des agrégats statistiques dont les administrations raffolent, ont-ils lu les analyses de terrain, ou encore en particulier cette accablante étude récente du Cnesco sur plus de 900 collèges d’Ile-de-France qui se résume en une question lourde de sens : «L’Education nationale donne-t-elle vraiment plus aux moins défavorisés ?» Comme on ne peut imaginer qu’ils fussent aussi naïfs et mal renseignés sur l’état de notre école et de la décomposition du lien social et des solidarités dans ce pays, il faut les considérer avec la sévérité qui s’impose lorsqu’on est confronté au cynisme des irresponsables. Le cynisme désespérant d’une société qui accueille 260 000 millionnaires de plus cette année, mais voit la pauvreté progresser dans le même temps. Si encore l’école républicaine pouvait prétendre être l’instrument efficace de ce nouveau Guizot à l’Elysée qui considère qu’il suffit de traverser la rue pour emprunter la voie vertueuse de l’enrichissement… Mais même la promesse de méritocratie bourgeoise où les fils et filles de rien pouvaient devenir médecins, avocates ou ingénieurs pourvu qu’ils étudient bien est devenue une légende urbaine.

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