POUR UN SERVICE PUBLIC BANCAIRE
- administrateur
- 2 mars 2018
- 11 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 mars 2018
Ce livret a été rédigé par un groupe de travail coordonné par Alain Babin, militant syndical du secteur bancaire, et Anaïs Robin, économiste dans une haute administration.
Notre constat : les banques sous la coupe de la finance
Favorisant les activités spéculatives, les banques se sont détournées du financement de l’économie réelle et exercent un chantage sur les États, nous faisant courir à la catastrophe.
La sphère financière n’est pas au service de l’économie réelle mais la dirige et la vampirise, tout en favorisant une montée inédite des inégalités et du chômage.
La finance spéculative se porte aujourd’hui très bien, et les rémunérations des actionnaires ne cessent d’augmenter. En 2016, la BNP a distribué 45 % de ses bénéfices aux actionnaires, soit environ 2,8 milliards d’euros, tandis que la Société générale et le Crédit agricole ont tous deux versé 1,6 milliard d’euros. En 2015, toutes activités confondues, le résultat d’exploitation des principales banques françaises a progressé de 8,8 %, soit une croissance bien supérieure à celle de l’économie réelle !
Dans le même temps, les frais bancaires ont été étendus ; ils concernent désormais près de 85 % des banques. Ces frais ont connu une augmentation sans précédent en 2016 (58 %) et continuent à croître en 2017, instaurant ainsi un véritable impôt privé, qui pénalise avant tout les plus modestes. Les banques aggravent aussi le quotidien des plus vulnérables en facturant lourdement les rejets de paiement ou en pratiquant des commissions d’intervention exorbitantes en cas de découvert non autorisé. À l’échelle globale, c’est sur fond d’inégalités et de faiblesse du pouvoir d’achat que le crédit bancaire se développe massivement.
Bien loin des actionnaires, la plupart des 500 000 salariés des banques françaises sont soumis à des injonctions contradictoires : composer à la fois entre une volonté sincère de conseiller et d’accueillir la clientèle, et des objectifs commerciaux et de rentabilité qui nuisent à la délivrance de ces services. Dans le même temps, en transférant une grande partie de l’activité vers les usagers, les délocalisations et la transformation numérique font peser une menace sur les emplois de ces salariés.
La logique financière de court terme asservit l’ensemble de l’économie réelle, au détriment des investissements d’avenir. Depuis 2000, le bilan des banques françaises n’a cessé de grossir sans que les crédits aux entreprises n’y contribuent de manière significative (10 % seulement). L’activité initiale des banques, de collecte et de prêts, est menacée depuis la loi bancaire de 1984 par la désintermédiation : au sein de grandes banques devenues universelles, les banques de dépôt sont soumises au risque de la contamination par les activités de marché.
Les grandes banques tiennent les États et les citoyens en otage. Battre monnaie est un des piliers de la souveraineté. Sous l’impulsion de réformes néolibérales successives au cours des années 1960 et 1970, la quasi-intégralité du pouvoir de création monétaire a été confiée à des banques privées, avec pour seul contrôle celui de la Banque centrale européenne devenue indépendante du pouvoir élu. En effet, les États sont obligés d’emprunter aux banques privées. La Banque centrale européenne pratique depuis peu des mesures non conventionnelles, notamment les rachats de dettes publiques sur le marché de l’occasion des titres. En réalité, elle renforce leur pouvoir en leur garantissant la mainmise sur l’allocation du crédit à l’économie.
Contrairement aux effets d’annonce, la création et la gestion privées de la monnaie ont mené, depuis les années 1980, à une instabilité des taux d’intérêt et des taux de change. Les attaques successives contre la régulation, décidées par les gouvernements libéraux, ont conduit les banques à développer des produits dérivés, opaques et utilisés à des fins spéculatives. Les interconnexions que ces produits créent entre les banques sont une menace pour la stabilité du système financier et ont largement contribué à la crise financière de 2007-2008.
Chaque jour, des petites entreprises meurent faute d’être soutenues par les banques. À l’inverse, des milliards d’euros sont perdus sans contrôle ni contrepartie industrielle, sociale ou écologique.
La mondialisation financière, voulue et organisée par les technocraties comme par les gouvernements français et européen, a également permis aux banques de devenir gigantesques. Trente banques dans le monde sont considérées comme « systémiques », c’est-à-dire que leur faillite menace de provoquer une crise du système financier mondial. Quatre d’entre elles sont françaises : BNP Paribas, la Société générale, BPCE (Banque populaire – Caisse d’épargne) et le Crédit agricole. L’actif global de ces quatre banques était égal en 2015 à 2,3 fois le PIB français, c’est-à-dire la production sur une année de toute l’économie.
Les États sont devenus les otages de ces banques devenues trop grosses : ils sont obligés de voler à leur secours en cas de difficultés pour éviter une catastrophe pour l’ensemble de l’économie.
Privatisation des gains, mutualisation des pertes : c’est toujours la même rengaine appliquée avec méthode par une caste soumise au lobby bancaire.
Les actionnaires se gavent, le peuple raque !
Ainsi, la finance a terrassé l’économie réelle en 2008. Elle devait être « l’adversaire » du président sortant. Elle ne s’est jamais aussi bien portée et les revenus des actionnaires n’ont jamais été aussi élevés en France. Notre pays a le record d’Europe du versement des dividendes ! De nouvelles bulles se forment et menacent d’une déflagration encore plus terrible. Il est plus que temps d’agir !
Notre projet : mettre au pas la finance, démocratiser le crédit
Le crédit est essentiel à l’économie : permettant les investissements, il est à la base de l’activité future et est un mécanisme de création monétaire.
Il est crucial de l’orienter de façon à privilégier les projets socialement utiles et écologiques responsables.
La monnaie est un bien commun qui doit être créé et géré démocratiquement. Pour y parvenir, les pouvoirs publics doivent reprendre le contrôle sur la Banque centrale, qui est en charge de la politique monétaire. Dans le cadre du processus de négociations européennes et de sortie des traités, ils pourront le faire au niveau européen et national en lien avec les autres banques centrales.
La politique publique du crédit financera notamment la transition énergétique par la planification écologique afin de sortir des logiques spéculatives et court-termistes de l’hypocrite « finance verte ». La politique monétaire est appelée ici à jouer un rôle important. La Banque centrale peut par exemple imposer des conditions de refinancement moins strictes aux banques de détail finançant des projets écologiques.
En ce qui concerne l’épargne privée, notre logique est celle du service public de proximité : tous les usagers doivent être informés, conseillés et avoir une liberté d’orientation. La banque en ligne ne doit pas menacer l’insertion des banques dans un tissu économique local, indispensable à la nécessaire relocalisation des activités et en lien avec les territoires.
Les banques doivent avoir une mission d’intérêt général, comme cela a pu être le cas par le passé, par exemple au sortir de la Seconde Guerre mondiale quand deux tiers du crédit étaient contrôlés par les pouvoirs publics. Leur rôle doit être cantonné à leur fonction première : collecter et prêter. Il n’y a aucune raison pour que le métier de la banque soit une activité commerciale et encore moins d’enrichissement des actionnaires.
Après avoir mis à terre l’économie réelle en 2008, le contrôle de la finance est une urgence. Cette régulation concernera non seulement les banques en tant que telles, mais également la « finance de l’ombre » qui se déploie hors du système bancaire traditionnel.
La finance dérégulée est responsable de la crise et ce n’est pas au peuple de payer ses errements spéculatifs. Pour commencer, il s’agit d’engager les procédures de recouvrement des 2,2 milliards d’euros d’argent public accordés sans preuve à la Société générale à la suite de l’affaire Kerviel, évaluer les actes comparables et poursuivre les coupables de ces abus.

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