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POUR UN SERVICE PUBLIC BANCAIRE

Dernière mise à jour : 29 mars 2018

Ce livret a été rédigé par un groupe de travail coordonné par Alain Babin, militant syndical du secteur bancaire, et Anaïs Robin, économiste dans une haute administration.


Notre constat : les banques sous la coupe de la finance


Favorisant les activités spéculatives, les banques se sont détournées du financement de l’économie réelle et exercent un chantage sur les États, nous faisant courir à la catastrophe.


La sphère financière n’est pas au service de l’économie réelle mais la dirige et la vampirise, tout en favorisant une montée inédite des inégalités et du chômage.


La finance spéculative se porte aujourd’hui très bien, et les rémunérations des actionnaires ne cessent d’augmenter. En 2016, la BNP a distribué 45 % de ses bénéfices aux actionnaires, soit environ 2,8 milliards d’euros, tandis que la Société générale et le Crédit agricole ont tous deux versé 1,6 milliard d’euros. En 2015, toutes activités confondues, le résultat d’exploitation des principales banques françaises a progressé de 8,8 %, soit une croissance bien supérieure à celle de l’économie réelle !


Dans le même temps, les frais bancaires ont été étendus ; ils concernent désormais près de 85 % des banques. Ces frais ont connu une augmentation sans précédent en 2016 (58 %) et continuent à croître en 2017, instaurant ainsi un véritable impôt privé, qui pénalise avant tout les plus modestes. Les banques aggravent aussi le quotidien des plus vulnérables en facturant lourdement les rejets de paiement ou en pratiquant des commissions d’intervention exorbitantes en cas de découvert non autorisé. À l’échelle globale, c’est sur fond d’inégalités et de faiblesse du pouvoir d’achat que le crédit bancaire se développe massivement.


Bien loin des actionnaires, la plupart des 500 000 salariés des banques françaises sont soumis à des injonctions contradictoires : composer à la fois entre une volonté sincère de conseiller et d’accueillir la clientèle, et des objectifs commerciaux et de rentabilité qui nuisent à la délivrance de ces services. Dans le même temps, en transférant une grande partie de l’activité vers les usagers, les délocalisations et la transformation numérique font peser une menace sur les emplois de ces salariés.


La logique financière de court terme asservit l’ensemble de l’économie réelle, au détriment des investissements d’avenir. Depuis 2000, le bilan des banques françaises n’a cessé de grossir sans que les crédits aux entreprises n’y contribuent de manière significative (10 % seulement). L’activité initiale des banques, de collecte et de prêts, est menacée depuis la loi bancaire de 1984 par la désintermédiation : au sein de grandes banques devenues universelles, les banques de dépôt sont soumises au risque de la contamination par les activités de marché.


Les grandes banques tiennent les États et les citoyens en otage. Battre monnaie est un des piliers de la souveraineté. Sous l’impulsion de réformes néolibérales successives au cours des années 1960 et 1970, la quasi-intégralité du pouvoir de création monétaire a été confiée à des banques privées, avec pour seul contrôle celui de la Banque centrale européenne devenue indépendante du pouvoir élu. En effet, les États sont obligés d’emprunter aux banques privées. La Banque centrale européenne pratique depuis peu des mesures non conventionnelles, notamment les rachats de dettes publiques sur le marché de l’occasion des titres. En réalité, elle renforce leur pouvoir en leur garantissant la mainmise sur l’allocation du crédit à l’économie.


Contrairement aux effets d’annonce, la création et la gestion privées de la monnaie ont mené, depuis les années 1980, à une instabilité des taux d’intérêt et des taux de change. Les attaques successives contre la régulation, décidées par les gouvernements libéraux, ont conduit les banques à développer des produits dérivés, opaques et utilisés à des fins spéculatives. Les interconnexions que ces produits créent entre les banques sont une menace pour la stabilité du système financier et ont largement contribué à la crise financière de 2007-2008.


Chaque jour, des petites entreprises meurent faute d’être soutenues par les banques. À l’inverse, des milliards d’euros sont perdus sans contrôle ni contrepartie industrielle, sociale ou écologique.

La mondialisation financière, voulue et organisée par les technocraties comme par les gouvernements français et européen, a également permis aux banques de devenir gigantesques. Trente banques dans le monde sont considérées comme « systémiques », c’est-à-dire que leur faillite menace de provoquer une crise du système financier mondial. Quatre d’entre elles sont françaises : BNP Paribas, la Société générale, BPCE (Banque populaire – Caisse d’épargne) et le Crédit agricole. L’actif global de ces quatre banques était égal en 2015 à 2,3 fois le PIB français, c’est-à-dire la production sur une année de toute l’économie.


Les États sont devenus les otages de ces banques devenues trop grosses : ils sont obligés de voler à leur secours en cas de difficultés pour éviter une catastrophe pour l’ensemble de l’économie.

Privatisation des gains, mutualisation des pertes : c’est toujours la même rengaine appliquée avec méthode par une caste soumise au lobby bancaire.


Les actionnaires se gavent, le peuple raque !

Ainsi, la finance a terrassé l’économie réelle en 2008. Elle devait être « l’adversaire » du président sortant. Elle ne s’est jamais aussi bien portée et les revenus des actionnaires n’ont jamais été aussi élevés en France. Notre pays a le record d’Europe du versement des dividendes ! De nouvelles bulles se forment et menacent d’une déflagration encore plus terrible. Il est plus que temps d’agir !


Notre projet : mettre au pas la finance, démocratiser le crédit


Le crédit est essentiel à l’économie : permettant les investissements, il est à la base de l’activité future et est un mécanisme de création monétaire.


Il est crucial de l’orienter de façon à privilégier les projets socialement utiles et écologiques responsables.


La monnaie est un bien commun qui doit être créé et géré démocratiquement. Pour y parvenir, les pouvoirs publics doivent reprendre le contrôle sur la Banque centrale, qui est en charge de la politique monétaire. Dans le cadre du processus de négociations européennes et de sortie des traités, ils pourront le faire au niveau européen et national en lien avec les autres banques centrales.

La politique publique du crédit financera notamment la transition énergétique par la planification écologique afin de sortir des logiques spéculatives et court-termistes de l’hypocrite « finance verte ». La politique monétaire est appelée ici à jouer un rôle important. La Banque centrale peut par exemple imposer des conditions de refinancement moins strictes aux banques de détail finançant des projets écologiques.


En ce qui concerne l’épargne privée, notre logique est celle du service public de proximité : tous les usagers doivent être informés, conseillés et avoir une liberté d’orientation. La banque en ligne ne doit pas menacer l’insertion des banques dans un tissu économique local, indispensable à la nécessaire relocalisation des activités et en lien avec les territoires.


Les banques doivent avoir une mission d’intérêt général, comme cela a pu être le cas par le passé, par exemple au sortir de la Seconde Guerre mondiale quand deux tiers du crédit étaient contrôlés par les pouvoirs publics. Leur rôle doit être cantonné à leur fonction première : collecter et prêter. Il n’y a aucune raison pour que le métier de la banque soit une activité commerciale et encore moins d’enrichissement des actionnaires.


Après avoir mis à terre l’économie réelle en 2008, le contrôle de la finance est une urgence. Cette régulation concernera non seulement les banques en tant que telles, mais également la « finance de l’ombre » qui se déploie hors du système bancaire traditionnel.


La finance dérégulée est responsable de la crise et ce n’est pas au peuple de payer ses errements spéculatifs. Pour commencer, il s’agit d’engager les procédures de recouvrement des 2,2 milliards d’euros d’argent public accordés sans preuve à la Société générale à la suite de l’affaire Kerviel, évaluer les actes comparables et poursuivre les coupables de ces abus.


Nos propositions : des banques libérées de la finance


1- Séparer les banques d’affaires et de détail


Changer la structure du secteur bancaire nécessite la séparation stricte des activités et la création d’un secteur public bancaire.


Les banques d’affaires, qui se livrent à des activités spéculatives, seront séparées des banques de détail afin de protéger les secondes. L’épargne populaire ne doit pas servir de contrepartie aux opérations financières sur les marchés. Cette séparation stricte des activités ira beaucoup plus loin que la Loi bancaire de 2013 du président Hollande. Cette loi, écrite sous la dictée du lobby bancaire, n’a séparé en moyenne que 1 % des activités selon le PDG de la Société générale. Chacune des activités portera le risque qu’elle engendre, à travers des exigences réglementaires adaptées. Nous pèserons à l’échelle internationale pour une réglementation financière exigeante et cohérente, rejetant le mensonge selon lequel la dérégulation et la financiarisation génèrent la croissance.

La régulation refondue aura également vocation à s’appliquer à la « finance de l’ombre ». Nous interdirons aux banques de détail de prêter de l’argent aux fonds spéculatifs, afin d’éviter qu’elles ne soient affectées par les retournements des marchés. Nous imposerons également des contraintes prudentielles à ces fonds, afin de limiter l’interconnexion entre eux et d’augmenter leur capacité à absorber les pertes.


Le Pôle public bancaire, issu de la socialisation de banques généralistes, constituera le socle du service public bancaire que nous mettrons progressivement en place. Il n’aura pas d’activités spéculatives et sera l’un des acteurs centraux de notre politique de crédit. À l’échelle nationale, il inclura des représentants du superviseur bancaire dans son conseil d’administration. Dans ses déclinaisons territoriales, son conseil d’administration réunira des salariés, des usagers ainsi que les représentants des acteurs syndicaux et patronaux locaux. Ce pôle financier public permettra notamment de financer l’escompte des PME à taux zéro pour le paiement anticipé de leurs factures.

Une nouvelle mission de service public sera attribuée à la Banque publique d’investissement (BPI). Elle deviendra l’un des outils majeurs de la relance par l’investissement dans la transition écologique. Nous lui accorderons pour cela la licence bancaire globale dont elle ne dispose pas actuellement. Nous permettrons à la BPI de réutiliser les ressources de long terme, comme celles qui alimentent l’assurance vie, grâce au rachat par les compagnies d’assurance de ces obligations. La BPI devra être transparente quant aux crédits qu’elle octroie.


2- Dans les banques aussi, place au peuple


Nous renforcerons le contrôle de fonctionnement des banques par la participation des salariés et la redéfinition de leurs principes de fonctionnement. La nouvelle « Loi bancaire » redéfinira les missions publiques de toutes les banques, quel que soit leur statut juridique, y compris mutualiste, coopératif et privé. Elles seront obligées de prendre en charge une part des clientèles peu « rentables » qui ne sera de la sorte pas uniquement accueillie par le Pôle bancaire public. Les valeurs de démocratie, de solidarité et de non-lucrativité de l’ensemble des banques coopératives et mutualistes (Crédit agricole, Banque populaire et caisse d’Épargne [BPCE], Crédit mutuel), inscrites dans leurs statuts, seront remises concrètement à l’ordre du jour, notamment grâce à la nationalisation de leurs organes centraux où les sociétaires continueront dans le même temps à être représentés.


Les représentants des salariés aux comités d’entreprises des banques disposeront d’un droit d’information sur les projets financés, et de veto lorsque ceux-ci ne leur paraîtront pas conformes aux missions définies par la loi. Ce veto aura force contraignante pour le conseil d’administration, qui devra justifier sa décision ou trouver une issue en conformité avec la loi.


Les objectifs individuels ou collectifs, éventuellement fixés par les banques à leurs salariés, devront être conformes avec la réglementation et faire l’objet d’une consultation du comité d’entreprise qui pourra utiliser son veto en cas d’incohérence. Par exemple, les banques ne pourront plus fixer un objectif chiffré de souscriptions de Plan épargne logement (PEL) lorsque la loi impose de laisser les usagers libres de leurs placements.


3- Garantir le service bancaire pour tous


Pour favoriser l’intégration sociale, nous garantirons l’accès aux services bancaires sur l’ensemble du territoire. Les réseaux d’agences de proximité seront maintenus, voire développés, et offriront les services de conseillers en plus des outils digitaux et automates mis à disposition des usagers. En effet, tous les usagers ne sont pas en capacité d’utiliser les outils numériques.


Afin d’éviter que la bancarisation, rendue incontournable par les évolutions de la société, ne représente une charge financière supplémentaire pour les plus fragiles, les usagers en dessous du seuil de pauvreté disposeront d’un compte bancaire et de moyens de paiement gratuits. Le dispositif du droit au compte sera renforcé et le mouvement de plafonnement des frais abusifs sera poursuivi. Le relevé bancaire sous format papier restera l’option gratuite par défaut pour tous, afin de ne contraindre personne à s’équiper ou à se déplacer à ses frais.


Les produits financiers feront l’objet d’une information plus large que celle portant sur leur seule rentabilité financière ; cette information sera compréhensible par le plus grand nombre. Ainsi, les usagers connaîtront en toute transparence l’usage qui est fait de leurs dépôts. Les conseillers seront investis d’une mission d’éducation financière visant à expliquer et à redonner du sens à l’activité bancaire. Afin de favoriser le Livret A, et de financer le logement social, le maintien d’un taux avantageux sera garanti, et l’épargne ainsi collectée sera intégralement orientée vers la Caisse des dépôts.


4- Renforcer la régulation et la supervision financière


Dans les dernières années, les défaillances de la supervision financière ont conduit l’Europe au bord du gouffre à plusieurs reprises. Les biais dans les stress tests (scénarios de crise appliqués aux banques pour évaluer leur résistance aux crises) sur la Deutsche Bank à l’été 2016 ont conduit à une surestimation de sa solidité, qui a été mise à mal dès l’automne. L’accumulation de créances douteuses par les banques italiennes, pour un montant de plus de 20 % du PIB du pays (dont plus de la moitié de créances irrécouvrables), doit son caractère explosif à une logique similaire, c’est-à-dire une complaisance excessive ayant conduit à retarder les nécessaires restructurations et la recapitalisation du secteur bancaire italien. Alors que les mesures impératives à l’absorption des pertes auraient pu être prises plus tôt, la complaisance et le laxisme ont conduit à ne les envisager qu’au dernier moment, conduisant le pays et la zone euro au bord d’une nouvelle crise financière.


Dans le cadre d’une refondation démocratique de l’Union européenne et de l’application d’un plan A (voir le livret thématique sur la sortie des traités européens), l’Union bancaire sera renforcée. Ainsi, la supervision des banques à l’échelle européenne sera consolidée, afin de rompre la complicité entre les élites des sphères bancaires et administratives qui intervient à l’échelle nationale. Le superviseur aura la possibilité d’imposer des amendes significatives aux banques en cas de manquement à la réglementation et à leurs obligations. Actuellement de 100 millions d’euros, le plafond des amendes administratives sera supprimé, afin d’ajuster les sanctions au préjudice subi par la société et aux gains illégalement réalisés. Le mécanisme de résolution sera également consolidé : en cas de faillite d’une banque, les détenteurs du capital épongeront les pertes, et parmi eux, les gros investisseurs et non les petits épargnants. L’épargne des classes populaires et moyennes sera ainsi garantie dans toutes les situations. Le Fonds de garantie des dépôts, alimenté par les banques, sera fortement rehaussé afin de protéger réellement les déposants en cas de faillite (et en particulier les moins riches) et d’assurer que l’argent public ne soit plus sollicité. Nous mettrons fin à la socialisation des pertes et à la privatisation des profits !


Un commissariat à la sûreté financière sera créé, rassemblant les autorités de supervision des banques, des marchés financiers et des assurances. Il aura pour mission de mesurer la croissance du crédit et aura les moyens de la limiter en cas d’emballement, veillant également à prévenir les bulles dans certains secteurs comme l’immobilier. Il mettra en œuvre le contrôle des capitaux et la taxe sur les transactions financières. L’Autorité de sûreté financière aura également pour mission de soumettre les innovations financières à un principe de précaution : les banques qui les développeront devront prouver leur utilité. Les produits et activités trop complexes seront interdits. Dans ce cadre, les produits dérivés ne seront autorisés qu’afin de couvrir les risques portés par leurs souscripteurs, hors de toute démarche spéculative.


Afin d’éviter les conflits d’intérêts et la « capture idéologique » par le lobby bancaire, le rôle des commissions de déontologie chargées de se prononcer sur les passages entre le privé et les institutions de supervision financière sera renforcé. Leur composition sera élargie aux syndicalistes des institutions publiques de supervision : l’Autorité de sûreté financière, la Banque centrale ou le ministère de l’Économie et des Finances. L’obligation de service de l’État de dix ans sera strictement appliquée pour les fonctionnaires. Le pantouflage sera interdit dans le même secteur d’activité, en particulier dans le secteur bancaire et assuranciel.


5- Terrasser l’évasion et la fraude fiscales


La présence des banques dans les paradis fiscaux accroît les risques, puisque ceux-ci ne peuvent plus être évalués rigoureusement. Elle permet aux banques de contourner les normes prudentielles. En identifiant les propriétaires ultimes des capitaux, afin de les taxer, nous lutterons contre la fraude fiscale. Nous travaillerons à établir un cadastre financier international et nous nous emploierons à mettre fin au secret bancaire. Établissant la balance des paiements, les banques centrales ont tous les outils pour évaluer les flux de capitaux. Elles pourront ainsi les taxer et les contrôler facilement via le système européen électronique de paiement TARGET 2.


Nous imposerons immédiatement aux établissements bancaires présents sur le territoire national, qu’ils soient français ou étrangers, de transmettre au fisc les informations concernant les comptes offshore de leurs clients français, sous peine de se voir appliquer une taxation sur l’ensemble de leurs revenus locaux.


Nous interdirons ensuite aux banques françaises toute activité dans les paradis fiscaux sous peine de retirer les licences bancaires des établissements utilisant ces méthodes. Nous agirons contre l’évasion fiscale au niveau international, notamment en organisant le blocus des paradis fiscaux.

Des liens entre la nouvelle Autorité de sûreté financière et Tracfin, l’organisme du ministère de l’Économie et des Finances chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent, seront établis afin de partager directement avec ce dernier les signes de possibles activités de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme.


Nous en finirons avec le « verrou de Bercy » en matière fiscale, c'est-à-dire le pouvoir donné au ministère du Budget de faire obstacle aux poursuites pénales contre les fraudeurs fiscaux.


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