POUR LA JUSTICE ET LEGALITÉ TERRITORIALE
- administrateur
- 2 mars 2018
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 mars 2018
Ce livret a été rédigé par un groupe de travail coordonné par Laurence Pache, agrégée de philosophie, et Christian Audouin, directeur du quotidien L’Écho du Centre.
Notre constat : la fracture territoriale
L’égalité des citoyens est indissociable de l’idéal républicain. Mais la fracture territoriale est indéniable dans notre pays.
La métropolisation, la mise en concurrence des territoires, le productivisme et la course à la rentabilité financière sont les maîtres mots des politiques menées ces dernières années. En leur nom, les gouvernements successifs ont renoncé à l’idée même d’aménagement du territoire. Entraînant un déséquilibre inacceptable entre les territoires, ces politiques aveugles ont créé des zones oubliées de la République.
Une succession de mesures a entrepris le démantèlement des services publics de notre population. Motivée par une logique purement gestionnaire, la réforme territoriale – encore en cours d’application – est en outre menée dans un contexte d’austérité budgétaire. Elle limite les compétences et les moyens des communes en matière d’équipement et d’aménagement du territoire. Leurs capacités d’action de proximité sont réduites, diluées dans des communautés de communes XXL, technocratiques, dominées par les grandes communes et engagées dans une concurrence féroce pour l’accès aux subventions de l’État et des régions. Quant aux départements, ils se voient dépossédés à leur tour de l’essentiel de leurs droits et moyens d’action. Ils sont pourtant des outils institutionnels indispensables, situés à la bonne échelle d’accompagnement et de coordination des politiques locales et territoriales, notamment en matière sociale.
Les intercommunalités et les régions sont les grands vainqueurs de la désorganisation de notre cadre républicain, avec l’abandon des politiques de solidarité au profit de la concurrence libre et non faussée et de la privatisation des services prônée par l’Union européenne.
Au final, la réforme territoriale accentue la concentration des pouvoirs de barons locaux. La loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) ne fait rien de moins qu’opérer un tri sélectif entre les citoyen·ne·s en fonction de leur lieu de vie, accentué par l’inégalité de dotation entre communes urbaines et rurales. Elle est attentatoire à la citoyenneté, à la démocratie et aux principes républicains fondamentaux.
Élaborés sans réelle information ni participation de la population, les programmes d’État pour l’aménagement du territoire s’inscrivent depuis des décennies dans la logique de l’Europe libérale et de ses traités et directives. L’État a ainsi géré ses investissements à l’aune de stratégies austéritaires et productivistes. Les dotations ont notamment connu une baisse drastique sous la présidence Hollande. La nation entière et ses valeurs républicaines payent au prix fort cet asservissement aux exigences de l’Union européenne.
Les conséquences de ces choix se font particulièrement sentir dans les zones rurales. Les services publics y connaissent une nette dégradation, jusqu’à disparaître de certains lieux de vie. Écoles, lieux et réseaux de création culturels, hôpitaux, médecins, bureaux de poste, transports publics et dessertes ferroviaires… Tous les secteurs sont touchés.
Résultat : les services nécessaires au quotidien sont de plus en plus éloignés, concentrés dans des zones de métropolisation qui regroupent centres économiques, sociaux et institutionnels. En conséquence, les zones à l’abandon subissent une désertification alarmante. Pour les personnes âgées, les moins mobiles et les plus précaires, les liens sociaux se relâchent et l’isolement augmente.
La destruction des services publics est la première cause de la désertification des territoires ruraux. Elle est un frein à leur développement économique et à l’installation d’habitants. La situation est aggravée par l’expansion d’une agriculture productiviste ou, selon les territoires, par la régression de l’agriculture. La politique agricole commune est responsable d’une inégale répartition des subventions. Elle est allée de pair avec l’effondrement du nombre des exploitations agricoles, la baisse des revenus, la délocalisation des productions et des activités de transformation.
Quant aux territoires périurbains, ils sont mis à l’écart des décisions politiques et apparaissent comme les oubliés du développement économique. Du fait de la concurrence aveugle entre territoires, le choc de désindustrialisation a été accompagné d’une perte massive d’emplois industriels et agricoles. La dégradation des conditions de vie des habitants, abandonnés par l’État et parfois sans espoir de retrouver un emploi, explique pour partie la montée du vote FN et de l’abstention de masse. En plus d’être inefficace économiquement, cette politique libérale a ainsi exacerbé la colère et le sentiment de relégation de catégories très diverses de la population. Nombre d’habitants de ces zones périurbaines doivent par ailleurs passer une part importante de leur temps libre en voiture entre leur domicile et leur lieu de travail. Cette mobilité subie est liée directement à une politique qui a favorisé l’étalement urbain et la séparation des fonctions d’habitation, d’emploi et de commerce.
Dans les petites villes, on constate enfin une désertification des centres, vidés par la politique du tout-voiture et du tout-supermarché. La recherche du seul développement économique, sans vision humaniste ni respect pour l’histoire et le patrimoine, a provoqué le remplacement des lieux de vie par des lieux de consommation. Ainsi se sont multipliées les zones d’activité et les zones commerciales, où les grandes enseignes ont remplacé les commerces de proximité et l’artisanat, se sont multipliées.

Comments