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POUR LA JUSTICE ET LEGALITÉ TERRITORIALE

Dernière mise à jour : 29 mars 2018

Ce livret a été rédigé par un groupe de travail coordonné par Laurence Pache, agrégée de philosophie, et Christian Audouin, directeur du quotidien L’Écho du Centre.


Notre constat : la fracture territoriale


L’égalité des citoyens est indissociable de l’idéal républicain. Mais la fracture territoriale est indéniable dans notre pays.


La métropolisation, la mise en concurrence des territoires, le productivisme et la course à la rentabilité financière sont les maîtres mots des politiques menées ces dernières années. En leur nom, les gouvernements successifs ont renoncé à l’idée même d’aménagement du territoire. Entraînant un déséquilibre inacceptable entre les territoires, ces politiques aveugles ont créé des zones oubliées de la République.


Une succession de mesures a entrepris le démantèlement des services publics de notre population. Motivée par une logique purement gestionnaire, la réforme territoriale – encore en cours d’application – est en outre menée dans un contexte d’austérité budgétaire. Elle limite les compétences et les moyens des communes en matière d’équipement et d’aménagement du territoire. Leurs capacités d’action de proximité sont réduites, diluées dans des communautés de communes XXL, technocratiques, dominées par les grandes communes et engagées dans une concurrence féroce pour l’accès aux subventions de l’État et des régions. Quant aux départements, ils se voient dépossédés à leur tour de l’essentiel de leurs droits et moyens d’action. Ils sont pourtant des outils institutionnels indispensables, situés à la bonne échelle d’accompagnement et de coordination des politiques locales et territoriales, notamment en matière sociale.


Les intercommunalités et les régions sont les grands vainqueurs de la désorganisation de notre cadre républicain, avec l’abandon des politiques de solidarité au profit de la concurrence libre et non faussée et de la privatisation des services prônée par l’Union européenne.


Au final, la réforme territoriale accentue la concentration des pouvoirs de barons locaux. La loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) ne fait rien de moins qu’opérer un tri sélectif entre les citoyen·ne·s en fonction de leur lieu de vie, accentué par l’inégalité de dotation entre communes urbaines et rurales. Elle est attentatoire à la citoyenneté, à la démocratie et aux principes républicains fondamentaux.


Élaborés sans réelle information ni participation de la population, les programmes d’État pour l’aménagement du territoire s’inscrivent depuis des décennies dans la logique de l’Europe libérale et de ses traités et directives. L’État a ainsi géré ses investissements à l’aune de stratégies austéritaires et productivistes. Les dotations ont notamment connu une baisse drastique sous la présidence Hollande. La nation entière et ses valeurs républicaines payent au prix fort cet asservissement aux exigences de l’Union européenne.


Les conséquences de ces choix se font particulièrement sentir dans les zones rurales. Les services publics y connaissent une nette dégradation, jusqu’à disparaître de certains lieux de vie. Écoles, lieux et réseaux de création culturels, hôpitaux, médecins, bureaux de poste, transports publics et dessertes ferroviaires… Tous les secteurs sont touchés.


Résultat : les services nécessaires au quotidien sont de plus en plus éloignés, concentrés dans des zones de métropolisation qui regroupent centres économiques, sociaux et institutionnels. En conséquence, les zones à l’abandon subissent une désertification alarmante. Pour les personnes âgées, les moins mobiles et les plus précaires, les liens sociaux se relâchent et l’isolement augmente.

La destruction des services publics est la première cause de la désertification des territoires ruraux. Elle est un frein à leur développement économique et à l’installation d’habitants. La situation est aggravée par l’expansion d’une agriculture productiviste ou, selon les territoires, par la régression de l’agriculture. La politique agricole commune est responsable d’une inégale répartition des subventions. Elle est allée de pair avec l’effondrement du nombre des exploitations agricoles, la baisse des revenus, la délocalisation des productions et des activités de transformation.

Quant aux territoires périurbains, ils sont mis à l’écart des décisions politiques et apparaissent comme les oubliés du développement économique. Du fait de la concurrence aveugle entre territoires, le choc de désindustrialisation a été accompagné d’une perte massive d’emplois industriels et agricoles. La dégradation des conditions de vie des habitants, abandonnés par l’État et parfois sans espoir de retrouver un emploi, explique pour partie la montée du vote FN et de l’abstention de masse. En plus d’être inefficace économiquement, cette politique libérale a ainsi exacerbé la colère et le sentiment de relégation de catégories très diverses de la population. Nombre d’habitants de ces zones périurbaines doivent par ailleurs passer une part importante de leur temps libre en voiture entre leur domicile et leur lieu de travail. Cette mobilité subie est liée directement à une politique qui a favorisé l’étalement urbain et la séparation des fonctions d’habitation, d’emploi et de commerce.


Dans les petites villes, on constate enfin une désertification des centres, vidés par la politique du tout-voiture et du tout-supermarché. La recherche du seul développement économique, sans vision humaniste ni respect pour l’histoire et le patrimoine, a provoqué le remplacement des lieux de vie par des lieux de consommation. Ainsi se sont multipliées les zones d’activité et les zones commerciales, où les grandes enseignes ont remplacé les commerces de proximité et l’artisanat, se sont multipliées.


Notre projet : une ambition nouvelle pour les territoires


Le principe général de responsabilité selon lequel l’État est le garant de l’égalité des citoyens sur l’ensemble du territoire devra être réaffirmé et consolidé (péréquation financière, garantie de l’application des droits, égalité de traitement, etc.). Personne ne sera laissé pour compte. L’autonomie des collectivités territoriales devra être assurée grâce à l’actualisation du principe de libre administration contenu dans la Constitution.


Notre objectif est l’égalité des citoyen·ne·s : chacun doit avoir les mêmes droits sur tout le territoire national. Cela passe par une égalité d’accès aux services publics. À l’État de reconstruire le maillage territorial de ces services là où il est aujourd’hui insuffisant. Le maintien de services publics de qualité est par ailleurs l’une des clés de la vitalité sociale et économique de nos territoires.


Mais l’égalité concerne aussi l’accès à l’emploi, ce qui implique de répartir sur tout le territoire les activités économiques, et plus particulièrement impulser leur relocalisation dans les zones rurales et les villes moyennes. Les deux piliers de la relance de l’activité par l’investissement public et la planification écologique seront déclinés aux différents échelons territoriaux.


Préférant l’indicateur de progrès humain à l’approche aveugle par le produit intérieur brut, nous proposons de mettre le bien-vivre au centre des politiques publiques pour construire une société égalitaire, durable et maîtresse de son destin. Pour cela, deux principes prédomineront dans l’aménagement du territoire national : la coopération des territoires et la participation citoyenne.


L’aménagement du territoire ne doit plus être considéré sous l’angle de la concurrence économique. Au contraire, la diversité des territoires permet une complémentarité dont nous devons tirer parti, entre autres pour le défi qui nous attend en matière de protection de l’environnement.


Dans cette perspective, les zones rurales ont toute leur place : c’est à partir de ces territoires que nous pourrons instaurer la règle verte qui exige de ne pas prendre plus que la nature ne peut donner. La planification écologique permettra de transformer les modes de production et de consommation des produits agricoles, d’engager la maîtrise publique de l’utilisation des fonciers agricole, forestier, urbanisé et touristique et de relocaliser les productions utiles et créatrices d’emplois. Des compléments sont disponibles dans les livrets de la même collection « Face à l’urgence climatique, la planification écologique » portant sur la règle verte et «Pour une agriculture écologique et paysanne» portant sur l’agriculture et l’alimentation.


De plus, l’objectif de l’autonomie alimentaire et énergétique amènera à privilégier l’approvisionnement en circuits courts, et le déploiement des énergies renouvelables, toujours en tenant compte des spécificités territoriales.


Mais plus que tout, c’est la coopération territoriale et non la concurrence qui paraît la mieux à même d’assurer la transition écologique. Pour être soutenables, les villes ont besoin de coopérations étroites avec les zones rurales. Il s'agit donc de recréer du lien entre les territoires et leurs habitants.


De tels changements ne sauraient se faire sans l’approbation et la participation des populations locales, qui sont au premier chef concernées par ces transformations. À tous les niveaux de décision, l’implication citoyenne (consultation, droit de regard, mise en œuvre des politiques) est nécessaire. Il faut donc revoir le cadre institutionnel de notre organisation territoriale afin de rapprocher les instances de décision des populations et de leurs lieux de vie. L’articulation entre la planification nationale de l’aménagement du territoire et les institutions locales est nécessaire. Cette organisation démocratique doit s’appuyer sur les communes et les départements qui, par leur taille, sont les échelons les plus aptes à organiser efficacement la vie démocratique dans tout le pays.

Nos propositions : des territoires vivants pour des citoyens égaux


1- Une organisation territoriale démocratique


· Abroger les lois de l’Acte 3 de la décentralisation (loi NOTRe, loi MAPTAM [Modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles], loi relative à la délimitation des régions) pour mettre en place une organisation territoriale autour des communes et des départements. Ces collectivités seront le pivot de la construction d’espaces de souveraineté à l’échelle des bassins de vie

· Reconnaître le principe de libre administration des collectivités, par des communautés de communes choisies et non plus imposées. À l’opposé d’une logique de régionalisation, l’État reprendra le premier rôle de mise en cohérence du développement économique des territoires, dans un objectif d’intérêt général et de transition planifiée et écologique de l’économie

· Permettre la participation des citoyen·ne·s aux décisions des collectivités par l’instauration de conférences citoyennes de territoire

· Assurer la transparence des décisions et en finir avec la concentration du pouvoir dans les collectivités locales. Le code général des collectivités territoriales sera notamment modifié afin de séparer fonctions délibératives et fonctions exécutives. Il s’agit, à travers ces mesures, de garantir le fonctionnement démocratique des institutions, les territoires ne devant pas être des baronnies minées par le clientélisme.


2- Planifier la justice territoriale


Mettre en place un commissariat à l’aménagement du territoire, doté de moyens d’analyse et de planification.

· Promulguer une loi de justice territoriale visant à enrayer la loi du marché, à permettre l’égalité d’accès des citoyen·ne·s aux services publics et promouvoir la coopération et le développement soutenable et juste de tous les territoires de la République

· Inscrire l’égalité d’accès aux services publics des habitants de tous les territoires de la République sur les missions essentielles de l’État inscrites dans la Constitution : santé, éducation, eau, énergie, transports, communications, accès à la culture et aux services sociaux

· Renforcer le versement pour sous-densité (outil qui permet de lutter contre l’étalement urbain en autorisant l’instauration par les communes d’un seuil minimal de densité par secteur) et planifier le rapprochement des bassins de vie et des bassins d’emploi, afin de stopper l’étalement urbain


3- Redéployer les services publics


· Faire un moratoire sur les fermetures de services publics et un plan de redéploiement des services publics sur les territoires ruraux et périurbains : services postaux, gares de proximité, hôpitaux et services de santé, écoles, palais de justice

· Abroger les « conventions ruralité » qui visent à diminuer le nombre d’écoles en milieu rural pour les remplacer par de grosses structures éloignées des lieux de vie des enfants ; maintenir les écoles à classe unique ; réouvrir les écoles

· Supprimer les Groupements hospitaliers de territoire (GHT) et reconstruire le maillage des hôpitaux et des maternités de proximité. Il s’agit de garantir la qualité de la prise en charge à toutes les générations et de combler les déserts médicaux par la création d’un corps de médecins généralistes fonctionnaires

· Sortir du tout TGV et développer les trains du quotidien (TER et Intercités) ; réouvrir les gares et lignes fermées ; assurer un maillage fin du territoire par la planification intermodale des moyens de déplacement

· Planifier l’accès au haut débit et au très haut débit, avec l’objectif de résorber en priorité les zones blanches. La couverture 4G sera étendue sous l’égide d’un service public du numérique et de la téléphonie

· Développer la culture de proximité, les lieux d’accès à celle-ci et des réseaux de diffusion des pratiques culturelles. Les manifestations culturelles seront soutenues dans les territoires ruraux et périurbains


4- Des territoires ruraux moteurs de la transition écologique


· Refuser les baisses de dotations aux collectivités mises en place par le gouvernement Hollande et garantir une dotation à la hauteur des missions transférées aux collectivités. Il sera également mis fin au remplacement des dotations de l’État par des fonds d’investissement (du type de la DETR [Dotation d'équipement des territoires ruraux] ou des contrats de ruralité). Les collectivités doivent avoir les moyens d’investir mais également des dotations stables en fonctionnement

· Appuyer le développement des circuits courts de transformation et de distribution de produits agricoles, des coopérations et des échanges entre villes et territoires ruraux, afin de contribuer à une plus grande autonomie alimentaire des bassins de vie. Les entreprises de l’économie sociale et solidaire seront activement soutenues, afin de répondre aux besoins de commerces et de services marchands de proximité

· Soutenir la création de coopératives locales de production d’énergie renouvelable dans les territoires ruraux, en lien avec un pôle public de l’énergie, afin de contribuer à la soutenabilité des villes

· Faire respecter la règle verte par toutes les politiques publiques de l’État et des collectivités, afin de préserver la biodiversité et l’équilibre de l’écosystème

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