POUR L'ÉMANCIPATION DE LA JEUNESSE
- administrateur
- 5 mars 2018
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Dernière mise à jour : 29 mars 2018
Ce livret a été rédigé par un groupe de travail coordonné par David Guiraud, étudiant en affaires publiques, et Anne Fraquet, étudiant et syndicaliste.
POUR L’ÉMANCIPATION DE LAJEUNESSE
« Dans notre France moderne, qu’est-ce donc que la République ? C’est un grand acte de confiance. Instituer la République, c’est proclamer que des millions d’hommes sauront tracer eux-mêmes la règle commune de leur action ; qu’ils sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et l’ordre ; qu’ils sauront se combattre sans se déchirer ; que leurs divisions n’iront pas jusqu’à une fureur chronique de guerre civile, et qu’ils ne chercheront jamais dans une dictature, même passagère, une trêve funeste et un lâche repos. Instituer la République, c’est proclamer que les citoyens des grandes nations modernes, obligés de suffire par un travail constant aux nécessités de la vie privée et domestique, auront cependant assez de temps et de liberté d’esprit pour s’occuper de la chose commune. Et si cette République surgit dans un monde monarchique encore, c’est d’assurer qu’elle s’adaptera aux conditions compliquées de la vie internationale sans entreprendre sur l’évolution plus lente des peuples, mais sans rien abandonner de sa fierté juste et sans atténuer l’éclat de son principe.
Oui, la République est un grand acte de confiance et un grand acte d’audace. »
Jean Jaurès, Discours à la jeunesse au lycée d’Albi, 1903
Notre constat : une jeunesse oubliée
Au 1er janvier 2017, la France compte 20 millions de jeunes de moins de 25 ans, soit 30 % de la population. Un peu plus de la moitié est scolarisée. En moins de cinquante ans, le nombre de jeunes effectuant une formation qualifiante a ainsi été multiplié par sept. Ce temps de formation vers un haut niveau de qualification n’est plus simplement un passage de quelques-un·e·s mais une étape essentielle dans le parcours de citoyen·ne.
Mais cette nécessité d’un haut niveau de qualification, condition essentielle pour placer la France au service de l’émancipation et de la transition écologique, se heurte à la réalité : la galère incessante pour que leurs études puissent se conci-lier avec un mode de vie digne et choisi.
En 2012, plus de 23 % (environ un quart) des 18-24 ans vivaient sous le seuil de pauvreté, contre 17,6 % en 2002. Entre un et quatre ans après la fin des études, diplômé·e·s comme non-diplômé·e·s connaissaient en 2014 un taux de chômage supérieur à celui constaté pendant les décennies antérieures, en particulier pour les personnes seulement diplômées du brevet (ou sans diplôme).
Parmi les jeunes qui ont un emploi avec un revenu mensuel moyen de 1 360 €, la moitié continue à habiter chez leurs parents. Chez les étudiant·e·s, ils sont 32 % à continuer à vivre chez leurs parents et seulement 12 % à avoir accès à un logement universitaire.
Pauvreté, chômage, précarité… La manière dont notre pays traite sa jeunesse n’est pas à la hauteur de ce qu’un pays aussi riche que le nôtre devrait lui proposer. Quelle que soit la diversité de leurs parcours et de leurs situations, les jeunes subissent de plein fouet les conséquences désastreuses des politiques uniquement guidées par la logique du profit immédiat.
On exige d’elles et d’eux de se former le plus vite possible – si possible dans des filières lucratives à court terme – en leur faisant miroiter de grandes carrières sans leur donner véritablement les moyens d’y arriver. Restant vivre sous le toit de leurs parents de plus en plus longtemps, beaucoup sont forcé·e·s de travailler dans des domaines très éloignés de leurs études ou leurs objectifs de vie, d’enchaîner les « petits boulots », de vivre dans la pauvreté et de se restreindre au quotidien.
Les jeunes qui décrochent de leurs études par désillusion, par lassitude, ou simplement parce qu’elles et ils ne peuvent pas envisager financièrement des études longues, le vivent comme un échec personnel. Et même pour celles et ceux qui arrivent au bout de leurs études, ce parcours du combattant peut engendrer des frustrations, le ressentiment d’une jeunesse à qui n’est proposée aucune perspective d’avenir.
C’est aussi de la vie politique dont les jeunes sont tenu·e·s à l’écart, alors même que les décisions y sont prises en leur nom. Critiqué·e·s pour leur supposée indifférence, elles et ils sont dénigré·e·s par les médias et par une certaine classe politique lorsqu’elles et ils décident de s’impliquer dans les débats. Leurs idées sont dépréciées, leurs moyens d’action méprisés, leurs mobilisations réprimées, comme on a pu le voir lors de la mobilisation contre la Loi travail en 2016.
Mais les jeunes générations n’ont pas déserté le terrain politique, elles en ont été écartées par un système où elles n’ont ni le droit de parler ni le droit de se taire. Il est temps de faire vraiment place aux jeunes, à tous les niveaux de la société, car l’avenir en commun c’est d’abord elles et eux qui vont le construire !
Une part spécifique de la jeunesse, celle des « cités », est en outre confrontée aux violences policières et aux discriminations. Il est grand temps d'affirmer que tous les jeunes de notre pays ont le même droit à construire leur avenir sous les hospices de la maxime républicaine, liberté, égalité, fraternité.
Notre projet : la jeunesse en commun, citoyenne, autonome et qualifiée
Les jeunes doivent être reconnu·e·s et respecté·e·s comme des citoyen·ne·s à part entière, leur autonomie assurée, leurs droits étendu et renforcés, de la cité à l’université. Notre projet pour les jeunes s'organise autour de quatre grands axes.
1- Instaurer le droit de vote dès 16 ans
Beaucoup décrivent les jeunes comme des inconscient·e·s influençables. Cette image s’effondre face à la réalité. Dès 16 ans, les jeunes commencent à faire leur propre choix de vie et ont déjà beaucoup de droits et de devoirs. À 16 ans, on peut ainsi être émancipé de la tutelle de ses parents. Certain·e·s travaillent déjà, cotisent à la Sécurité sociale, participent aux élections professionnelles et parfois payent même des impôts. Lorsqu’elles et ils sont en formation, elles et ils élisent des représentant·e·s et militent dans des syndicats. Dans leur vie quotidienne, elles et ils sont également investi·e·s dans de nombreuses associations. Dans leurs différents parcours de vie et d’étude, les jeunes sont déjà régulièrement confronté·e·s aux responsabilités du vote. Ils doivent donc avoir aussi le droit de participer aux décisions collectives qui engagent l’ensemble de la société.
Et si la plupart des jeunes ne se reconnaissent pas dans les choix politiques, c’est aussi parce que l’organisation démocratique sous la Ve République ne permet pas d’exprimer son désaccord. L’ouverture du droit de vote à 16 ans va de pair avec le vote obligatoire et la reconnaissance du vote blanc. C’est ajouter environ 1,5 million d’électeur·trice·s supplémentaires potentiel·le·s. Couplé au vote obligatoire que nous proposons également, c’est faire entrer des millions de bulletins de vote des jeunes filles et jeunes gens dans les élections ! Et c’est donc imposer aux représentant·e·s d’en tenir compte.
Le vote à 16 ans est déjà à l’œuvre dans plusieurs pays. Par exemple au Brésil, en Équateur ou en Argentine. Mais aussi, plus près de nous géographiquement, en Écosse où il a été appliqué pour le référendum d’indépendance de 2014. Il existe aussi en Allemagne, dans plusieurs Länder soit pour les élections locales, soit pour les élections locales et régionales. Enfin, en Autriche, il est généralisé à toutes les élections.
2- Créer le service citoyen obligatoire
UN TEMOIGNAGE
Pierre-Emmanuel, 25 ans, habite à Niederbronn-les-Bains, près de Strasbourg.
« J’ai fait un BTS assistant de gestion, pour avoir un Bac +2. Et puis j’ai eu l’impression d’être bloqué. Je n’avais pas envie de faire ça. Pas envie de m’enfermer dans un truc ou on resterait au SMIC toute la vie. À l’armée, j’avais plus de visibilité, avec le système de grades. J’ai fait une préparation militaire, un stage pour voir si ça me plaisait ou pas. À la base, j’avais un projet précis dans l’armée. Mais je me suis rendu compte que le recruteur, il te met où il veut. J’avais des résultats pas mal. Mais ça s’est mal passé concernant mes vœux d’affectation, j’ai eu l’impression d’être une variable d’ajustement. J’ai arrêté, mais ça m’a appris des choses.
Dans la préparation que j’ai faite, il devait y avoir ¼ de personnes illettrées, ou avec des gros problèmes de lectures et d’élocution. Je ne savais même pas que ça existait avant de faire ce stage dans l’armée. J’ai retrouvé tous les gens écartés. […] Pendant mon expérience, je n’imaginais pas qu’il y avait des gens aussi différents dans le pays. D’une certaine manière, ça m’a fait comprendre que tu as besoin des autres. Dans la vie de tous les jours, tu peux davantage t’en sortir seul. Pas ici. T’es obligé de te mêler au groupe si tu veux t’en sortir.
L’objection de conscience, c’est pendant l’action ? Ça prendrait quelles formes ? Moi, j’ai fait des exercices qui n’avaient aucun sens, on me disait “c’est comme ça et ça a toujours été comme ça”. C’est intéressant de pouvoir faire de l’objection de conscience. Mais ça doit être fait intelligemment.
Je trouve bien les tâches qui pourront être proposées dans le service citoyen obligatoire : pompiers, assistance aux personnes… dans la société, on a des œillères, on ne veut pas voir le mal des autres ; je me dis que si je vois des personnes en situation difficile lors de mon service citoyen, ça peut me faire un déclic ; ça peut renforcer le respect qu’on a chacun envers l’autre. »
Le service citoyen obligatoire, c’est neuf mois rémunérés au smic et comprenant une formation militaire initiale avec un droit à l’objection de conscience. Il s’appliquera pour les femmes et pour les hommes, sur tout le territoire, y compris dans les départements d’outre-mer, les zones rurales et les quartiers populaires par conscription avant 25 ans. Ce service sera proche du lieu de vie, en limitant le « casernement » aux fonctions qui l’exigent réellement.

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