POUR DE NOUVEAUX DROITS ET LIBERTÉS NUMÉRIQUES
- administrateur
- 2 mars 2018
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 mars 2018
Ce livret a été rédigé par un groupe de travail coordonné par Matthieu Faure, docteur en informatique, Enora Naour, étudiante, et Thomas Champigny, ingénieur en informatique industrielle.
Notre constat : le numérique des multinationales contre les peuples
En quelques années, le numérique s’est étendu dans tous les domaines de nos vies, au plus près de notre quotidien.
Les outils informatisés ont modifié nos manières de produire, de consommer, de prendre des décisions ainsi que même la nature de notre rapport au temps, aux événements et aux distances. Malgré la liberté et l’horizontalité qu’il permet, le développement massif d’Internet a aussi favorisé l'émergence d’acteurs privés hégémoniques.
Sous l’apparente gratuité des services, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) vampirisent la toile en capitalisant et en monétisant nos données les plus personnelles à notre insu. La centralisation massive au sein de gigantesques centres de données génère une pollution équivalente en CO2 à celle du trafic aérien mondial.
L’attitude de nos pouvoirs publics qui leur ouvrent les bras est alarmante, comme en témoignent les accords entre Microsoft et le Ministère de la Défense ou l’Éducation nationale. Sans se soucier des impacts sur notre indépendance et notre sécurité, les gouvernements cèdent aux sirènes des grands groupes étatsuniens privés qui proposent leurs services, alors que les révélations d’Edward Snowden auraient dû pousser à la prudence. Cet analyste des services étatsuniens a permis de comprendre les potentialités des réseaux numériques dans un but de surveillance de masse. En France, la lutte anti-terroriste est ainsi prétexte à utiliser ces moyens pour restreindre nos libertés individuelles, comme en témoigne la loi Renseignement de 2015, sans efficacité avérée pour notre sécurité.
Trop souvent le numérique accroît les inégalités existantes. Il est au cœur des démarches quotidiennes, pour obtenir un travail, accéder à ses droits ou participer à la vie publique par exemple. Pourtant, une part de la population est encore exclue des outils internet pour des raisons générationnelles, sociales et géographiques. Les seniors et les personnes vivant sous le seuil de pauvreté sont ainsi les plus éloignés de l'accès à internet, aux outils numériques ou appareils connectés. La « fracture numérique » est amplifiée par les politiques inadaptées de dématérialisation à courte vue des services publics. Enfin, l’essor de la robotique, l’intel-ligence artificielle et le développement de plateformes de type Uber bouleversent les schémas économiques actuels et nous obligent à repenser nos modèles de production. S’ils sont laissés à la prédation capitaliste, la casse sociale en sera le résultat, alors que le partage du temps de travail et la mise en commun permettent de répartir ces progrès.
Le poids des « géants du net » n’est pourtant pas une fatalité. Un autre modèle existe, fondé sur le partage, la création en commun et la protection de la vie privée. La sphère numérique regorge de modèles alternatifs, d'idées innovantes qui connaissent déjà un succès considérable. Des initiatives comme Wikipédia (encyclopédie mondiale collaborative), Firefox (navigateur internet libre et ouvert), GNU/Linux (système d’exploitation collaboratif) proposent un modèle de partage à l’usage de tou·te·s. En donnant à chacun le pouvoir de contribuer à construire les outils de demain, elles ont un réel potentiel émancipateur.
Plus largement, elles participent à la constitution d'un domaine des « communs » (artistique, culturel, du savoir, etc.) au-delà de la distinction entre propriété publique ou privée, et où chacun peut puiser sans priver l’autre.
Notre projet : le numérique en commun
Le monde numérique est l’objet d’une prise de conscience politique récente. Cela passe d’abord par la lutte contre les dérives des grands groupes privés, les GAFAM, la promotion des modèles alternatifs et l'accompagnement des citoyens dans la révolution numérique.
L'individu est au cœur du changement technologique et c'est d'abord à lui que doit s'adresser une politique numérique d'envergure. Pour cela, nous prônons un numérique en commun, construit sur les principes fondateurs de notre pacte républicain :
· la liberté, en renforçant la vie privée et la liberté d'expression, en donnant à chacun l'éducation et l'information nécessaires pour comprendre le monde numérique
· l'égalité, en assurant l'accès aux services et aux infrastructures, en partageant les pouvoirs de décision et de contrôle
· la fraternité, en valorisant la collaboration, les communs et le partage des connaissances.
Pour être libres, nous devons être éduqués et informés. Internet est désormais le premier lieu de partage de nos connaissances. C'est un outil formidable pour étendre notre culture et augmenter notre conscience politique. Il faut pour cela garantir une école publique ouverte à la culture numérique pour préparer notre jeunesse au monde de demain ainsi qu’un internet libre et transparent pour diffuser l'information et la culture.
Il s’agit de donner à chacun les moyens techniques de se réaliser en réduisant la fracture numérique, construire des ponts générationnels avec des médiateurs déployés sur tout le territoire dans les nouveaux espaces publics numé-riques, garantir l'accès à Internet pour tou·te·s et promouvoir le logiciel libre. Celui-ci repose sur un code ouvert, pouvant être contrôlé, partagé et amélioré par tou·te·s. Cette possibilité de contrôle représente un moyen de préserver la souveraineté des individus comme de l’État sur leurs données. Le logiciel libre incarne donc parfaitement le modèle de société que nous défendons. Nous devons reprendre en charge les infrastructures de télécommunication qui permettent les outils numériques. En premier lieu, il s’agit de garantir l'accès à des réseaux sécurisés, décentralisés, écologiques et mutualisés.
Enfin, nous devons réaffirmer des droits fondamentaux. Celui de ne pas être espionné par une entreprise, ou par un État sans contrôle judiciaire. Chacun doit pouvoir contrôler l'usage de ses données personnelles.
GLOSSAIRE
• Auto-hébergement : faire fonctionner des services personnels, comme sa boîte mail ou son stockage de fichiers, chez soi et non sur des serveurs centralisés, par exemple en utilisant les capacités des box internet.
• Chiffrement : système de cryptographie permettant d'assurer la confidentialité des communications.
• DRM(digital rights management) : désignent l'ensemble des méthodes utilisées pour restreindre l'utilisation d'une œuvre au format numérique (compatibilité avec un lecteur unique, interdiction de copie...).
• GAFAM : Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft.
• Logiciels libres/propriétaires : les logiciels propriétaires sont des logiciels dont le code n'est pas accessible et donc pas étudiable, ce qui nécessite notamment d'acheter de nouvelles licences pour obtenir les mises à jour (suite Microsoft Office par exemple). Le code du logiciel libre au contraire est ouvert, donc visible, améliorable et partageable par les utilisateurs (Libre Office, Mozilla...).
• Ouvert : format dont les spécifications techniques sont publiques, ce qui permet une utilisation libre par tous (formats odt, pdf...).
• Pair-à-pair : échanges directs entre particuliers sur internet sans passer par un serveur centralisé.
• Profilage : permet d'utiliser les données émises par un individu pour le classer avec une bonne probabilité dans une catégorie particulière afin de prendre des décisions qui lui sont adaptées et de prédire ses futurs choix, ses préférences personnelles, sa fiabilité ou son comportement. Le profilage est par exemple utilisé par les plateformes internet pour cibler leurs publicités.
Nos propositions : pour de nouveaux droits et libertés numériques

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