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PARCOURS SUP


Comme nous en avions parlé dans un précédent post, les résultats de Parcoursup du 22 mai sont sans surprise : près de la moitié des 812 000 candidats sans réponse positive. Le chiffre est cependant très élevé. En 2017, les 80 % de candidats ayant reçu au moins une proposition dans un cursus avaient été atteints dès la première phase de la procédure APB (Admission post bac). Mais 156 000 candidats avaient dû s’en remettre au tirage au sort, véritable scandale. Il ne reste plus aux candidats non acceptés de prendre patience et à passer les mois d’été devant leur ordinateur dans l’attente du résultat de la sélection à l’entrée à l’université…


Nous publions ici une lettre ouverte aux lycéens diffusée par le département Cinéma de Paris-VIII


Pour toi, pour vous toutes et tous, nous refusons de faire le tri entre les « gagnants » et les « perdants » de votre génération et de sélectionner les privilégiés qui auront accès à l’enseignement supérieur. Nous refusons que tes résultats scolaires, ton lycée d’origine supposé « bon » ou réputé « mauvais » (ou seulement excentré), que ton capital culturel, le « tirage au sort » de ta naissance et les moyens financiers de ta famille ou un accès potentiel à des agences privées d’orientation, déterminent ton classement arbitraire dans une machine de guerre à l’avant-garde de la libéralisation de l’enseignement et de la standardisation renforcée de la population étudiante. Nous refusons que le contrôle continu au lycée devienne un « examen d’entrée continu » pour accéder aux études supérieures. Nous refusons le jeu de la mise en concurrence des établissements, de la maternelle à l’université, qui ne peut aboutir qu’à ton assignation au rôle de client, qu’il faudrait au mieux séduire, sinon berner.
Le recours aux forces de l’ordre contre la jeunesse mobilisée dans les universités est un témoignage d’impuissance de l’Etat. Nous exigeons au contraire que l’Etat assume ses responsabilités dans tous les secteurs qui relèvent du bien commun. La somme des décisions locales et opaques (protégées par le « secret des délibérations ») des établissements de l’enseignement supérieur, désormais « autonome », ne permet pas d’assurer l’égalité dans l’examen des vœux formulés par les bacheliers que seul un traitement « de masse » est susceptible de garantir. Parcoursup, c’est la démission de l’Etat qui, désertant le lieu de l’intérêt général, libère la place afin que les intérêts privés puissent s’imposer. On connaît la suite, car certains pays, comme la Grande-Bretagne, ont pris de l’avance dans ce domaine : hausse des frais d’inscription, généralisation du prêt étudiant, précarisation accrue des personnels.
Solitude organisée de chacun
Pas de chance, tu es peut-être parmi les nombreux candidats « en attente » partout en date du 22 mai. Mais rassure-toi, on te servira des éléments de langage en chocolat pour te tranquilliser et te permettre de passer ton baccalauréat – les examens, d’abord ! Tout va bien, les files d’attentes seront invisibles car dématérialisées et tu auras tout l’été pour guetter le SMS qui t’apprendra enfin que tu as été pris (sous condition : « oui si ») dans une formation qui ne t’intéresse pas vraiment ou pour t’inscrire en catastrophe dans une école privée. Tout ira encore mieux l’année prochaine, quand ceux qui ne souhaiteront pas subir l’humiliation d’une attente interminable renonceront d’emblée à faire des études supérieures et que, par un habile et cynique tour de passe-passe (ils auront tout simplement disparu), on laissera encore les statistiques parler à leur place.
Tu peux aussi ne pas attendre que le slogan de l’ « individualisation des parcours » t’apparaisse enfin pour ce qu’il signifie vraiment : la solitude organisée de chacun. Nous faisons le pari de l’intelligence collective plutôt qu’artificielle, car l’éducation est une zone à défendre collectivement et nous n’y parviendrons pas sans toi. Rappelle-toi que l’université ouverte, égalitaire et participative est à construire et à inventer ensemble. Le revendiquer ne consiste pas à faire un bond en arrière pour commémorer les mouvements de contestation d’une jeunesse appartenant à un temps révolu et lointain. « Mai oui », il faut bel et bien tout changer en affirmant qu’une classe d’âge tout entière est en droit d’accéder à l’université, que l’épanouissement et l’émancipation du plus grand nombre est une priorité démocratique. Il y a longtemps, un cinéaste, Pier Paolo Pasolini, publiait dans la presse de l’époque une série de lettres « pédagogiques » adressées à un jeune garçon. La série s’ouvrait sur le portrait de celui-ci, tel que le cinéaste l’imaginait. Toi, tu es peut-être né à Saint-Denis, à Versailles, à Ouagadougou, à Thonon-les-Bains ou ailleurs. Tu es peut-être fort en maths et en histoire ou doué pour les langues étrangères – même si tu as décroché au premier semestre, pour des raisons qui t’appartiennent ou parce que tu t’es trouvé malgré toi orienté vers une filière professionnalisante. Tu as peut-être fait un sans-faute, connu des accidents de parcours ou n’as jamais aimé l’école. En fait, on ne veut pas le savoir parce qu’on ne veut pas te sélectionner, seulement t’imaginer et te rencontrer sur les bancs de notre université, si tu en as le désir.
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