Macron : "je suis le meilleur et je vous méprise !"
- administrateur
- 16 avr. 2018
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L’interview de Macron, la deuxième en une semaine, était pour lui le moyen de défendre sa politique devant les Français face à un mécontentement croissant. Deux fois en quelques jours, c'est dire si cela commence à sentir le roussi... Le choix de deux journalistes aussi opposés que Bourdin et Plenel n’était pas un hasard. Entre le populiste et l’ancien trotskyste, ce n’est pas seulement un style qui les sépare, c’est vraiment deux conceptions du journalisme. Pour le premier, c’est faire du spectacle, du buzz à force d’arguments populistes dans des entretiens où il n’est pas permis de développer, interrompus qu’ils sont par les publicités sur une chaîne de télé qui a marqué nettement son soutien à Macron lors de la dernière présidentielle, BFM. Pour le second, un journalisme d’investigations, de recherches longues et étayées, sur un site qui reste confidentiel, Médiapart. Le calcul n’était pas idiot : ces deux-là, de par leur différence, se sont à plusieurs fois neutralisés. Ainsi, quand Plenel parle de la ZAD évacuée, Bourdin lui rappelle que cette évacuation est toujours en cours. De plus, Sa Majesté est tellement imbue d'elle-même qu'elle espérait clouer facilement le bec à deux journalistes moins faire-valoir qu'un Delahousse ou qu'un Pernaut. Mal lui en a pris... Car, au final, il ressort de cette balade à trois que l'énarque n'a pas été capable de définir une vision claire de son projet politique sinon que de reprendre le fameux tempo néo-libéral "le monde change, nous devons nous y adapter". Nous adapter au moins disant social, voilà le fond du discours !
Sur la petite réunion organisée avec la tour Eiffel en toile de fond, ce qui donnait à Macron un air très « grandiloquent » comme il dirait, le plaçant dans cette image comme symbole incontestable de la France. Certes, ce n’était pas l’Élysée qui conforte la fonction présidentielle, mais avec un fond sans grand intérêt, les jardins du palais présidentiel. Là, cette Tour Eiffel est vue (vécue ?) comme représentation non pas de la fonction, mais d’une grandeur universelle, celle d’une France éternelle qui flotterait encore sur le monde. En bref, une pure opération de com’ !
Sur le fond, le premier sujet abordé, la Syrie, est un exemple d’absurdité qui vise à cacher une position totalement alignée sur la politique de Trump. Comment peut-on dire qu’un bombardement n’est pas un acte de guerre ? Que c’est juste une opération de représailles quasiment à caractère humanitaire ? Bombarder une nation contre laquelle nous ne sommes pas en guerre, sans aucun mandat de l’ONU[1], sans être directement ou indirectement menacé, est un acte d’agression caractérisé du point de vue du droit international. Ce qui aggrave la situation, c’est que d’une part, puisque Macron prétend que les sites de production d’armes chimiques ont été totalement détruits, les puissances occidentales savaient que ces sites existaient et s’en accommodaient bien quand la Syrie était en première ligne dans la lutte contre Daech. D’autre part, le jeu diplomatique entre les USA - et ses chiens de garde que sont devenus la France et l’Angleterre - et la Russie devient scandaleux dans cette partie où chacun sait ce que l’autre est prêt ou pas à faire. Mais aussi prétendre que Macron a réussi à faire changer Trump sur son intention de ne pas aller plus loin en Syrie est comique. On voit mal le petit Napoléon faire trembler le défaillant mental… Qui, au demeurant, dément dès le lendemain puisqu'il affirme que sa volonté de ne pas rester en Syrie est inchangée. C'est donc soit une affabulation de Macron, soit un mensonge. D'ailleurs, sur cette affaire de Syrie, Macron est pris en flagrant délit de mensonge : il justifie une intervention « légitime dans le cadre multilatéral… C’est la communauté internationale qui est intervenue ». C’est non seulement faux (quelle communauté internationale ?), mais c’est idiot de réduire cette communauté à trois pays…
En politique intérieure, sans s’étendre, le discours ne change pas. Il est d’une certitude aveugle, d’une irréalité totale où Macron essaie de nous faire croire que grâce à son élection triomphale[2], il a le droit, le devoir même, de moderniser la France. Entendre par là, assurer au libéralisme le plus débridé le droit de faire ce qu’il veut. En d'autres termes, retourner dans le monde du XIXe siècle... Avec un mépris incommensurable pour les différents secteurs aujourd’hui en lutte. Il n’hésite pas à juger par lui-même ce qui est ou non une lutte légitime. Ainsi, si les revendications dans les hôpitaux et les EHPAD sont comprises, il n’en est rien de la lutte des cheminots, privilégiés arc-boutés sur des privilèges indus. Oubliant au passage que deux de ses ministres ont été des dirigeants de cette compagnie, comme la ministre des armées, ancienne responsable du secteur voyageurs de la SNCF à 52 000 euros par mois, comme le lui rappelle Plenel. Remarquons ici la pirouette de Macron qui s’offusque que le journaliste jette en pâture des individus. Pourtant, ce sont bien ces individus qui, par une politique stupide d’investissements démesurés et ne concernant que 1% du trafic, ont conduits au déficit actuel. Oubliant au passage que la ministre de la santé, une nouvelle fois, impose aux hôpitaux de réduire encore leur budget, dégradant toujours plus les conditions faites non seulement aux personnels hospitaliers mais aussi aux patients.
Macron reprend aussi son credo sur les étudiants contestataires qui ne seraient que « des agitateurs professionnels » (les mêmes discours entendus depuis les années 1950 par les différents gouvernements de droite et quasiment les mêmes paroles que Pasqua en 1986), les zadistes qui ne seraient que « des opposants à l’ordre républicain », les retraités trop contents de voir leur pension réduite par la CSG, « des salariés qui voient leur pouvoir d’achat augmenter » ( ? ). Le comble : Macron nous assure qu’il n’y aura pas d’augmentation ou de nouvel impôt sous son mandat alors qu’il envisage une deuxième journée de travail gratuit comme l’a annoncée Agnès Buzin, qui ne touchera évidemment que les salariés, pas le capital. Nous ne reviendrons pas sur les mensonges déjà vus dans son précédent entretien. Mais que dit-il de sa volonté systématique de répression quand Plenel lui demande si envoyer les CRS est sa façon à lui de fêter mai 68 ? Rien, parce que c’est une politique qu’il revendique. Tout en déclarant qu’il souhaite le dialogue social. Oui, le dialogue social avec un pistolet sur la tempe ! Soyons sérieux, comment peut-il parler de dialogue social quand sa politique vise à réduire le poids des organisations de salariés, les laissant seuls devant un patronat renforcé et tromphant ? Les exemples ne manquent pas de ce qu’est le dialogue social selon Macron, il suffit de voir Carrefour, Tupperware et l’ensemble des licenciements boursiers. Le dialogue c’est dire à la fois aux zadistes "présentez des dossiers, nous y répondrons", et en même temps tout détruire à coup de bulldozer sur NDDL et réprimer les manifestants dans des conditions particulièrement violentes ! C’est le « en même temps » de Macron : la matraque et le mépris ! C’est d’ailleurs le ton de son entretien, le mépris. En fait, c’est lui qui est méprisable…
En ce qui concerne la Loi Asile Immigration présentée par Gérard Collomb (vous savez, celui qui tombe en pâmoison dès qu'il entend le nom de Macron), décriée par toutes les organisations d'aide aux réfugiés, Ferrand a prévenu les députés LREM qui ont des doutes : hors du groupe parlementaire s'ils ne votent pas comme un seul homme ! Propos du président du groupe parlementaire LREM aussitôt approuvés par Castaner, le délégué général de ce parti de droite (celui qui vient en douce à Fondettes et à Tours pour éviter toute manifestation...). Belle preuve de dialogue et de démocratie dont se targue le Président...
Et si Macron ne voit aucune « agglomération » des luttes. Le 19 avril, le 1er mai, le 5 mai montrons-lui le contraire avec la convergence des luttes et un mot d’ordre, dehors Macron !
[1] Où toute action est bloquée par le véto des uns et des autres, donc sans aucune efficacité.
[2] Pour rappel, le choix de Macron au 1er tour concernait 16% des français, quant au 2e tour, on sait qu’il a été élu contre et non pour…
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