Le retour de la religion d’Etat ?
- administrateur
- 11 avr. 2018
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« Nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et qu’il vous importe à vous comme à moi de le réparer »

Telles sont les paroles lourdes de sens qu’a prononcées Macron devant la Conférence des Évêques de France (CEF). Ces propos du représentant de la République remettent en cause la loi de séparation de l’église et de l’État de 1905. Il n’y a rien à réparer, les églises, quelles qu’elles soient, sont du domaine de la conviction privée et n’ont pas ni à intervenir dans le domaine public, ni à vouloir imposer une morale religieuse. Macron, de plus, reconnaît à l’église catholique le droit d’avoir une voix légitime sur les affaires publiques. Scandaleux ! Si cela avait été le cas, que serait aujourd’hui le droit au divorce, le droit à l’avortement, le mariage pour tous ? Que serait le droit, comme pour la majorité des français, de ne pas croire en un dieu ? Devrions-nous, comme aux USA, jurer sur la Bible ? Et d’ailleurs, pourquoi le catholicisme ? Macron s’en explique : on ne peut pas nier les racines chrétiennes de la France ! Ce n’est pas un hasard. Après avoir affirmé qu’une partie des français avaient été humiliés au moment du mariage pour tous (la manif pour tous, sans doute, c’est-à-dire ce qu’il y avait de plus réactionnaire dans les milieux chrétiens), ce catholique qui a étudié dans un collège jésuite veut-il maintenant d’une religion d’État ?
À un moment de son discours, quand Macron rappelle l’investissement des organisations catholiques caritatives dans leur lutte en faveur des exclus et qu’il dit : « Je crains que les politiques ne se soient trop longtemps conduits comme si cet engagement était un acquis. Comme si c’était normal. Comme si le pansement ainsi posé par les catholiques sur la souffrance sociale dédouanait une certaine impuissance publique », il est surprenant que les évêques présents n’aient pas éclaté de rire. Parce que la lutte contre l’exclusion, Macron n’en connait que le contraire, c’est-à-dire tout pour ses amis les plus riches et que les autres paient. Et nous aussi de rire. Si nous ne nions pas que les organisations caritatives catholiques interviennent dans le cadre de la lutte contre l’exclusion, elles n’en ont pas, comme le laisse entendre Macron, le monopole. Tient-il compte des condamnations d’un certain nombre de ces organisations catholiques quand elles s’indignent des conditions faites par la France aux réfugiés ? Non, il envoie son chien de garde, Gérard Collomb les matraquer, les expulser violemment et ce contrairement aux accords internationaux lorsqu’ils sont mineurs. Il les condamne à mort parfois, comme à la frontière Italienne où ses policiers n’hésitent pas à les laisser démunis, dans la neige, une fois reconduits hors de nos frontières. Il poursuit, sans doute par charité chrétienne, ceux qui, bénévolement et avec une grande humanité, portent assistance à ces gens qui ont fui la guerre et les atrocités qu’elle génère ?
Ce discours devant la CEF est une grave atteinte au principe de laïcité de notre République. Pire, il est clivant entre les catégories de français en reconnaissant la primeur d’une religion sur les autres et sur ceux qui ne croient pas. Il est aussi très réactionnaire ce discours où Macron, malgré l’image de libéral social qu’il avait tenté de donner, a presque apporté des gages à la CEF sur la question de la PMA (Procréation Médicalement Assistée) pour les couples homosexuels. L'entendre dire à cette conférence : "Chaque jour l’Église accompagne des familles monoparentales, homosexuelles ou ayant recours à l’avortement en essayant de concilier ses principes et le réel" est quasiment irréel. Les organisations LGBT n'ont pas tardé à réagir. Ainsi, l'Amicale des Jeunes du Refuge (qui accueille des jeunes mineur.e.s LGBT rejeté.e.s par leur famille) tweete : "Chaque jour l'Église combat les familles homosexuelles. Chaque jour l'Église combat les femmes dans leur droit à avorter. Chaque jour l'Église stigmatise les homosexuel.les. Chaque jour l'Eglise nous rappelle que nous sommes une abomination. Chaque jour l'Eglise est homophobe" ou encore Gaylib, pourtant classé à droite :
"On dit familles homoparentales déjà pour commencer ; « accompagne » vous pensez à quoi, qui au juste : à la prière du 15 août 2012 contre le mariage pour tous ? Aux thérapies pour guérir l’homosexualité ? Aux évêques et prêtres défilant avec la MPT(1) contre nos droits & libertés ? ". Sans mettre en cause les croyants, dont beaucoup ne partagent pas les idées rétrogrades des édiles de leur religion, qu'elles soient chrétiennes, juives ou musulmanes, il faut reconnaître que la hiérarchie de ces églises est largement réactionnaire.
En réalité, le président ne cherche-t-il pas un électorat de droite, très à droite, pour compenser la perte inévitable de celui qui a cru à un moment qu’il n’était ni de droite ni de gauche ? Certainement. Et ce faisant, il montre son vrai visage : ici, celui de la réaction ; là, la casse du monde du travail et ailleurs, la répression. La casse du monde du travail, monde qu’il connaît si peu, en tuant le Code du Travail, par la casse du service public et sa privatisation, par un bras de fer avec les syndicats pour les faire disparaître et bientôt la casse du système de retraite et de protection sociale. Mais aussi, dans un esprit chrétien sans doute, la répression sauvage contre les réfugiés, contre la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et contre les étudiants dans les facs.
Chaque jour, davantage Macron devient exécrable. Chaque jour, son visage d’arriviste réactionnaire se dévoile. Et chaque jour, une partie nouvelle des français subissent les attaques d’un système inéquitable. Jusqu’au jour où…
(1) Maison Pour Tous, collectif opposé au mariage homosexuel
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