Le rapport RSF sur la liberté de la presse et la mise en cause de la France Insoumise
- administrateur
- 17 mai 2018
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 mai 2018
Revenons sur le dernier rapport de RSF[i] et notamment sur ce qui en est fait par les dirigeants de cette organisation et une certaine presse. Dans ce rapport, censé observer la liberté de la presse dans le monde, la France est classée 33e. C’est donc une remontée sur l’an dernier, mais une remontée mécanique puisqu’en Europe deux assassinats de journalistes enquêtant sur la corruption et la dégradation globale de cette liberté de la presse ont modifié totalement ce classement. Les causes de la mauvaise situation de la liberté de la presse en France, on les connaît depuis longtemps. La possession de 90% des médias privés nationaux par une poignée d’hommes d’affaires (Xavier Niel, Vincent Bolloré, Patrick Drahi, Serge Dassault, Arnaud Lagardère, Bernard Arnault, François-Henri Pinault et Martin Bouygues, pour ne pas les nommer) qui ont des intérêts bien plus larges que le simple profit direct des médias. C’est une situation sans précédent depuis la fin de la seconde guerre mondiale et les ordonnances sur la liberté de la presse.

Cependant, ce n’est pas sur cet aspect que porte l’analyse de Christophe Deloire[ii] et de Pierre Haski[iii]. Ces deux journalistes ont choisi de dénoncer la menace que ferait peser Jean-Luc Mélenchon sur la presse par ses appels à la haine des journalistes. Le problème des médias en France ne serait donc pas son extrême concentration dans les mains de quelques milliardaires mais dans le danger que lui ferait courir la seule opposition à Macron digne de ce nom qu’est la France Insoumise. Aussitôt, les décodeurs du Monde (même propriétaire que l’Obs à hauteur de 72,5%, Niel et Pigasse) et Europe1, propriété d’Arnaud Lagardère, comme les Inrockuptibles (propriété de Matthieu Pigasse…) ont donné un large écho à ces inquiétudes. Quel hasard ! Ce qui est inquiétant, c’est que RSF s’en prenne directement, au nom de la démocratie, à ceux qui s'opposent aux mesures de Macron favorisant les plus riches. Plus riches parmi lesquels on trouve les patrons des dirigeants de RSF…
Soyons sérieux, comment peut-on mettre sur le même pied Erdogan en Turquie ou Trump aux USA et Mélenchon ? Comment peut-on penser un seul instant que notre démocratie et son sixième pouvoir, la presse, se trouvent menacés par la dénonciation du système qui fait qu'une centaine de journalistes soient les laquais du pouvoir ? Des journalistes interchangeables, que l’on voit, que l’on entend et que l’on lit dans l’ensemble des médias, qui n’ont qu’adoration pour le fric et le pouvoir alors que des milliers d’autres journalistes travaillent dans la précarité, s’efforçant de diffuser une information neutre vite censurée par les rédacs chefs et les directeurs de l’info, manquant de moyens, parfois même traduits en justice quand leurs reportages remettent en cause les nababs qui se sont acheté les grands médias. N’est-il pas scandaleux de voir mettre au même niveau l’assassinat de journalistes en Turquie, en Égypte, à Chypre, et la nécessaire critique des médias menés depuis une vingtaine d’années par des chercheurs comme Noam Chomsky ou Pierre Bourdieu, des journalistes comme Serge Halimi ou François Ruffin, des politiques comme Mélenchon, Bernie Sanders ou Jeremy Corbyn, autant de leaders de l’opposition régulièrement confrontés à de violentes campagnes de dénigrement de médias possédés par les grands industriels et financiers qui font tout pour leur barrer la route vers le pouvoir. Et c’est dans les pays où la démocratie s’est peu à peu amenuisée que l’on voit des journalistes emprisonnés, victimes d’agression ou d’assassinat. Tout comme à Malte, où le despotisme de l’argent, en collusion avec l’État, a gagné la bataille et n’a plus rien à craindre de la justice et où une journaliste enquêtant sur la corruption a été lâchement assassinée. C’est pour cela que nous devons nous battre pour la liberté et la pluralité de la presse, contre sa concentration dans les mains d’une caste alliée au pouvoir.
Il aurait été préférable que les dirigeants de RSF s’alarment de la prochaine directive sur le secret des affaires ou sur la future loi sur les fake news qui conduiront à envoyer systématiquement les journalistes enquêteurs devant les tribunaux ou le risque de condamnation financière exorbitante (rappelons les 50 millions de dommages/intérêts que réclamait Bolloré à FR2 pour ses reportages sur ses affaires africaines qui l’ont conduit, par ailleurs, lui-même devant la justice), va faire réfléchir les reporters sur la publication de leurs enquêtes. Si cela ne ressemble pas à de la censure institutionnelle…
C’est donc pour garantir la liberté et l’indépendance des journalistes que nous continueront à dénoncer les médias aux ordres.
L'affiche qui illustre ce post vient de... Mai 68 !
[i] Reporter Sans Frontière
[ii] Secrétaire général de RSF, mais aussi salarié d’Arte, de LCI et du point… Le 3 février 2016, le Canard Enchaîné publiait un article sur la gestion directive de l'association par Christophe Deloire et soulignait les départs massifs, les licenciements et le mal-être d'une partie de l'effectif de l'organisation.
[iii] Président de RSF, salarié de l’Obs et de Rue 89 (propriétaire à 34% : Niel et Pigasse…)
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