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Le démantèlement de la Sécu a-t-il commencé ?

Dans le cadre de la révision de la Constitution de la Ve République, un amendement soutenu par le gouvernement et présenté par un député LReM, Olivier Véran, le terme Sécurité Sociale devait être remplacé par celui de « Protection sociale ».


La référence à la Sécurité Sociale dans la constitution de la Ve République se trouve en fait dans son préambule lorsqu’il se réfère à la constitution de la IVe République et en reprend son préambule. Cependant, dans ce préambule, aux articles 10 et 11, le terme de « Sécurité Sociale » n’est pas utilisé mais le principe des cinq branches de la Sécu y sont définis : « 10. La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. - 11. Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. ». Le terme figure en fait dans l’article 34 de la Constitution de la Ve République : « La loi détermine les principes fondamentaux : […] du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale […] Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »


Remplacer Sécurité Sociale par Protection sociale n’est pas anodin : il permet, notamment dans les conditions de financement, de réaliser le rêve des assureurs privés, c’est-à-dire de privatiser la protection sociale. Les députés de la France Insoumise estimaient qu’il serait « dangereux de minorer l’importance de ce changement sémantique, véritable changement de paradigme social ». Pour Adrien Quatennens, député FI du Nord, « ça avait commencé avec le financement de la Sécurité sociale au début de la mandature, quand on avait demandé plus de 4 milliards d’économies à la Sécurité sociale, le basculement des cotisations vers la CSG et là, donc (ça continue) dans la Constitution ». « Cela prépare la fin de l’universalité de la protection sociale à la française. Le gouvernement veut détruire notre système de haut niveau financé par la cotisation pour ouvrir la porte au modèle anglo-saxon » rapportait le député communiste Sébastien Jumel. Les députés socialistes, bien silencieux depuis le début de la mandature (il est vrai qu’ils ont été un peu sonnés !) ont tout aussi fermement réagi : « Notre modèle social est bien trop important dans la vie de chacun pour prendre le risque de le réformer en catimini au détour d’un amendement, en séance de nuit, sans débat et sans l’annoncer aux Français-es » pour Boris Vallaud.


Les syndicats sont rapidement montés au créneau contre cet amendement, pour une fois unanimes. La CFDT estime que « c’est dangereux » (pour le moins), le CGT dénonce « une modification de grande portée qui risque de changer la nature même de la Sécurité sociale […] (et qui) prépare à la remise en cause du financement de la maladie, mais aussi du chômage et s’inscrit dans le projet de réforme des retraites envisagé pour 2019 ». FO, par la voix de son nouveau Secrétaire Général, Pascal Pavageau affirmait qu’il s’agissait d’ « une faute historique […] (qui) institutionnalise la mort de la Sécu, ce n’est pas possible, ça s’arrête tout de suite ! ».


Devant un tel tollé, le gouvernement a pour une fois reculé : il a retiré cet amendement controversé. Cependant, rappelons que le même gouvernement a supprimé tout projet de loi de financement de la Sécurité Sociale. Son objectif est de remettre en cause le système actuel qui repose sur la mutualisation par les cotisations, c’est-à-dire par un salaire différé généré par le travail, par un système de protection sociale qui serait soumis à la concurrence. En effet, jusqu’à maintenant, la Sécu n’est pas soumise à cette concurrence des assureurs, elle inclut une notion de redistribution entre actifs et retraités, entre personnes bien portantes et malades. Pas un système qui permet des bénéfices sur la santé pour le bien d’actionnaires qui en voudront toujours plus. Au demeurant, Richard Ferrand, l’ancien socialiste qui a retourné sa veste (et qui connait quelques démêlés avec la justice sur des questions immobilières, comme la ministre Nyssen à Arles, voire les posts relatifs à ces petits problèmes…), cerne bien la volonté des Macronistes : « « Il s’agit juste de se donner une marge de manœuvre pour agir sur toute la sphère sociale, sans risque constitutionnel. » En d’autres termes, faire appel à l’impôt (CSG notamment) et aux assureurs privés ! C’est une deuxième attaque contre la Sécu. La première était de proposer de supprimer le forfait social sur les primes d’intéressement. Ce qui incitera les employeurs à choisir l’intéressement (donc liée aux résultats de l’entreprise) plutôt que les augmentations de salaires (acquises) puisque l’intéressement échappera aux cotisations sociales et coûtera « moins cher » aux entreprises. C’est-à-dire supprimer la part de salaires différés !


Le dénommé Véran[i] persiste : il proposera ultérieurement un nouvel amendement sur cette question. A croire qu’il a reçu la visite des lobbyistes des assureurs…


Signalons le silence de la droite LR (dont le seul souci est de courir après les thèses du FN) et celui remarquable des députés FN (euh, non, on dit RN maintenant, mais c’est la même peste brune) qui semble peu se soucier de la Sécu : pour un parti qui prétend défendre le peuple et les travailleurs, c’est bien dommage ! Mais il est vrai que le FN (non, on a dit RN !) est surtout préoccupé par ses affaires européennes et le risque de devoir rembourser 550 000 euros au parlement européen de dépenses de champagne et de dîner dans les grands restaurants…

[i] Véran qui est un habitué du dépôt d’amendements, près de 500 en un an ! ce qui prouve deux choses : soit les lois sont mal préparées et demandent à être précisées par cette pluie d’amendements, soit le personnage cherche à se distinguer en vue d’être un peu plus que rapporteur de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale…

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