LA FRANCE NUMÉRIQUE
- administrateur
- 2 mars 2018
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 mars 2018
Ce livret a été rédigé par un groupe de travail coordonné par Matthieu Faure, docteur en informatique, Enora Naour, étudiante, et Thomas Champigny, ingénieur en informatique industrielle.
Notre constat : le numérique détourné par les intérêts privés
Le numérique n’est pas simplement un secteur d’activité, mais une transformation profonde de nos modèles de production, de consommation, de démocratie...
Il permet de poursuivre l’idéal de création et de partage de valeur par tou·te·s et pour tou·te·s. Le développement des modes de consommation et de production collaboratifs ainsi que la multiplication des lieux alternatifs de création de valeur (fablabs, tiers-lieux, communs) sont là pour en témoigner. Plus profondément, les outils numériques peuvent être utilisés pour modifier nos manières de prendre des décisions collectivement, au niveau des entreprises, des territoires et de l’État, en permettant davantage d’inclusion et de participation.
Nous assistons toutefois à un mode de développement des services numériques à la fois inégalitaire et insoutenable aux niveaux social et écologique. La fracture numérique entre les grandes et les petites entreprises ne cesse de se creuser, conduisant à une logique de captation massive de la valeur par des grandes plateformes – souvent étrangères. Ces mêmes plateformes, qui ont recours à des logiques d’optimisation fiscale agressives à des niveaux inégalés, sont souvent le fer de lance d’une dérégulation sociale très importante. Elles organisent, au nom de la « flexibilité » et de « l’économie collaborative », de nouvelles formes de précarisation. Le dynamisme de l’innovation de notre pays représente une chance pour notre économie. Cependant, les start-ups sont aujourd’hui très souvent guidées par la seule logique de rentabilité, du fait de leur dépendance aux capitaux des investisseurs. Cela conduit d’ailleurs souvent à brider leurs capacités d’innovation.
Parallèlement, la culture de l’obsolescence programmée alimente l’exploitation des ressources naturelles et la production de déchets à un niveau insoutenable. Les conditions de fabrication du matériel dans les usines majoritairement asiatiques sont déplorables, tant d’un point de vue écologique que des conditions de travail. L’usage dispersif des métaux pour la fabrication des appareils, pour la plupart très mal recyclés, n’est plus supportable.
La transformation numérique de l’économie s’accompagne également d’une modification des conditions de travail. Cela soulève des incertitudes importantes sur les destructions potentielles d’emplois du fait de l’accroissement de l’automatisation liée à l’intelligence artificielle.
Face à ces évolutions et à ces incertitudes, la France a les moyens de donner un nouveau sens à la transformation numérique. L’excellence technique française est indéniable et l’ensemble des territoires regorge d’initiatives citoyennes qui inventent chaque jour une autre manière de produire et de vivre avec les outils numériques.
Notre projet : une politique numérique au service de l’humain
Nous ne voulons pas subir la transformation numérique mais accompagner son évolution pour la mettre au service de l’humain. Nous voulons soutenir des modèles de développement des services numériques :
· centrés sur les besoins réels des usager·ère·s
· ouverts et organisés autour de communs
· responsables socialement et écologiquement
· pour une économie éthique, collaborative et contributive.
La transformation du fonctionnement des pouvoirs publics pour plus d’effica-cité et plus de démocratie dans la prise des décisions est une priorité majeure.
Le numérique peut favoriser la participation démocratique et la prise de décision collective. Les outils de budgets participatifs, de co-écriture des lois, de mise en relation des citoyen·ne·s avec leurs représentants se multiplient. Il faut développer leurs usages et les modes de concertation afin que les citoyen·ne·s puissent contribuer de la façon dont ils le souhaitent, par les outils numériques ou le débat présentiel. Cette participation doit s’appuyer sur l’éducation populaire et les mouvements citoyens. Les débats entamés et les décisions prises lors des assemblées hors ligne doivent pouvoir se poursuivre en ligne afin de faire participer le plus grand nombre.
La digitalisation des services publics ne doit pas se réduire à une problématique technologique de dématérialisation des procédures. L’appropriation de ces services par les usager·ère·s doit être au cœur de la démarche.
Il est urgent d’accompagner les administrations dans leur transformation numérique afin d’améliorer leur transparence et leur fonctionnement, faciliter et fluidifier les démarches, renforcer la sécurité et réduire la « fracture numérique ».
Nos institutions et entreprises renferment des mines d’or de données. Permettre leur accès et le traitement de celles-ci, en respectant la vie privée, rendra plus efficace la prise de décision publique et le développement de nouveaux services.
Enfin, nous devons penser et préparer collectivement les grands défis à venir concernant le travail, la santé, l’éducation, l’intelligence artificielle, etc. Nous soutiendrons la recherche de pointe dans ces domaines et nous animerons de grands débats citoyens sur tous ces enjeux. Les données jouent un rôle majeur dans cette transformation. Il faut réfléchir à leur accès et à leur utilisation par tou·te·s et pour tou·te·s. Les données collectées doivent permettre de mieux comprendre les usages et ainsi favoriser le débat public, en lieu et place de la gouvernance des algorithmes. Définissons ensemble le monde où nous voulons vivre, sans laisser d’autres le faire au nom de leurs compétences techniques ou de leur puissance financière.

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