LA FORET, FILIÈRE D’AVENIR
- administrateur
- 10 mars 2018
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Ce livret a été rédigé par un groupe de travail coordonné par Brigitte Blang, enseignante retraitée engagée dans les luttes de l’ONF et Antoine Léaument, politiste.
Notre constat : la forêt, trésor oublié de la France
Avec 24,6 millions hectares de forêts occupant plus du tiers de son territoire, la France compte le deuxième massif forestier de l’Union européenne, derrière la Finlande.
67,8 % de ces forêts se trouvent sur le territoire métropolitain, soit 16,7 M ha représentant un volume sur pied de 2,6 Mds de m3, partagés entre de très nom-breuses essences de feuillus et de conifères. La France est donc une grande nation forestière.
Pourtant, le bois est aujourd’hui sous-valorisé par les pouvoirs publics. Le déficit commercial de la France dans la filière bois s’élève à 5,7 Mds € pour 2015. 50 000 emplois y ont été perdus ces dix dernières années. Et tandis qu’avec 11 M ha, ce secteur compte 1,5 million d’emplois en Allemagne, il n’y en a plus que 440 000 en France, pour un espace forestier 50 % supérieur !
Engagés dans une mondialisation destructrice, nous exportons le m3 de chêne brut à 150 € et le réimportons scié ou transformé en meuble entre 800 et 3000 € ! Plus d’un millier de scieries ont disparu en France en dix ans, victimes des grosses structures délocalisées qui ne sont pas soumises aux mêmes critères sociaux et environnementaux. La productivité effrénée supplante la qualité de production pour maintenir un chiffre d’affaires et satisfaire les banques créancières.
Dans la forêt, « le temps court » fait de considérables ravages : on est ainsi passé de la sylviculture à une ligniculture capitaliste, c’est-à-dire à une culture des arbres intensive à la logique court-termiste qui épuise les sols, identique à celle en vigueur dans les champs de blé ou de maïs soumis à une agriculture productiviste.
La France possède pourtant un service public de qualité pour gérer les forêts publiques sur tout le territoire : l’Office national des forêts (ONF) et les Directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF). Mais les gouvernements successifs ont affaibli ces deux structures. Les DDAF ont disparu lors de leur fusion avec les Directions départementales de l’équipement (DDE). Et l’ONF a vu ses missions de service public sacrifiées au profit de logiques de rentabilité. Le budget actuel de l’ONF ne lui permet pas d’assurer efficacement ses missions régaliennes, telles que la surveillance du territoire et du foncier ou la gestion de la biodiversité. Les restructurations drastiques lui ont fait perdre le tiers de ses effectifs en vingt-cinq ans. Les conséquences humaines ont été aussi désastreuses : 38 agents de l’ONF se sont suicidés depuis 2005. Et alors même que chaque gouvernement commande des rapports, souvent intéressants, il n’en fait rien et laisse la situation se dégrader chaque année davantage.
Notre projet : une forêt respectée et créatrice d’emploi
Face aux logiques marchandes qui détruisent l'écosystème, les ressources, les emplois et, parfois, les vies humaines, nous ferons de la forêt un lieu, à la fois :
· de reconquête du temps long. La forêt française ne sera pas considérée comme une simple source d'approvisionnement à court terme de l'industrie
· de respect de l’écosystème. La forêt est le lieu de vie de multiples organismes végétaux et animaux que nous devons protéger. Nous favoriserons le développement d'espaces forestiers aux essences multiples qui permettent à la fois le maintien d'écosystèmes complexes et une meilleure protection contre les maladies, les aléas climatiques (tempêtes, canicules, sécheresses) et les incendies. De plus, la forêt, parce qu’elle agit comme un poumon pour notre pays et stocke le CO2 que nous rejetons en trop grande quantité, sera au cœur de la règle verte
· de relocalisation de l'activité. Il est en effet inconcevable que la France exporte du bois brut en grumes et importe des produits transformés à forte valeur ajoutée. Nous devons produire en France ce dont nous avons besoin et retrouver notre indépendance
· de créations massives d'emplois. La relocalisation de l’activité permettra de créer dans la filière forêt/bois des dizaines de milliers d'emplois. Il s’agira de reconstituer nos capacités productives : sciage (avec la valorisation des produits demandés en aval par la filière), menuiserie (meubles, charpentes), fabrication de panneaux, cartons et pâtes à papier. Nous favoriserons l’adaptation des technologies aux évolutions du marché de la construction bois, seule matière première renouvelable à l'échelle humaine
· d'un réinvestissement de l'État. Le budget de l'ONF sera sanctuarisé et augmenté dans le cadre de la planification écologique afin d'en finir avec la situation de sous-effectif des techniciens et ingénieurs de terrain et du manque de moyens qui pousse des agents au suicide. Nous augmenterons également la surface gérée par l'ONF, qui n'est actuellement que de 25 % de la surface totale mais produit 40 % de l'ensemble de la récolte de bois
Nos propositions : la planification forestière
1- Respecter l’écosystème
Réglementer la gestion de la forêt
Les « coupes rases » consistent à raser entièrement un espace forestier afin d’en vendre le bois. Cette pratique détruit l’écosystème et fragilise les sols en les exposant au ruissellement et en les acidifiant. C’est pourquoi la réglementation visera à favoriser une sylviculture de futaie jardinée pour les résineux et une sylviculture de qualité pour les feuillus. Dans le même temps, les abattages massifs de feuillus sans replantation ultérieure seront interdits. Le ramassage intégral des branches et des souches destinées à la production d’énergie sera également réglementé, afin de permettre aux sols de se reconstituer grâce aux minéraux contenus dans ces bois « morts », dont la décomposition lente garantit la fertilité des sols forestiers.
Le développement de forêts aux essences multiples (feuillus ou résineux) sera encouragé, grâce à des aides publiques. On assiste en effet actuellement à un développement des forêts en monoculture de résineux. Cette méthode, liée à la pratique des coupes rases, génère plusieurs problèmes : acidification des sols, appauvrissement de l’écosystème, sensibilité plus grande aux maladies, augmentation des risques d’incendies, résistance moindre aux aléas climatiques.
Arrêter les « grands projets inutiles »
Le bois est une source de chauffage mais, abandonné aux logiques productivistes aveugles, son usage est néfaste et peu efficace. Ainsi, nous ne ferons pas feu de tout bois ! Le projet Syndièse Bure sera stoppé ! Il prévoit de fabriquer du carburant synthétique à partir du bois, hors de toute logique durable : bilan énergétique calamiteux, centrale polluante, consommation excessive de la ressource locale.

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