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L’EMPLOI POUR TOUS

Dernière mise à jour : 29 mars 2018

Ce livret a été rédigé par Zoé Desroches, sociologue, et Liêm Hoang Ngoc, économiste.


Notre constat : chômage de masse, le désastre libéral


Les trois dernières décennies ont été le théâtre d’une transformation profonde du monde économique. Loin d’accoucher de la Terre promise et d’une prospérité au bénéfice de toutes et de tous, la financiarisation a engendré la montée du chômage et celle des inégalités. Assortie de politiques libérales, elle a en outre provoqué la crise financière la plus grave depuis le krach de 1929.


À rebours de ce qu’affirment les tenants libéraux de la politique de l’offre et de la notion de « chômage volontaire », le chômage est d’abord une pénurie d’em-plois, aux graves conséquences sociales. Ainsi, chaque année, le chômage tue directement 14 000 personnes en France, deux fois plus que les accidents de la route ! Si le chômage est une priorité nationale, c’est donc y compris sur le plan épidémiologique. La réalité du chômage, ce sont des couples qui s’effondrent, des foyers qui se paupérisent, des enfants en échec scolaire, des inégalités qui se reproduisent.


Deux discours récurrents sont assénés pour culpabiliser les chômeur·se·s, pourtant premières victimes des politiques désastreuses menées depuis des dizaines d’années.


Un discours à la mode, porté notamment par Nicolas Sarkozy, François Hollande, Myriam El Khomri et bien d’autres, consiste à brandir la chimère des prétendus « emplois non pourvus »… En rapportant ces emplois non pourvus au nombre de chômeur·se·s, ils imaginent avoir résolu le problème ! Pourtant, en 2015, 21 000 offres n’avaient pas trouvé preneur en France. Ce chiffre est ridiculement faible quand plus de six millions de personnes sont inscrites à Pôle emploi : 1 emploi pour 300 chômeur·se·s ! Sans compter la qualité médiocre de ces emplois sou-vent précaires.


Un autre discours libéral cherche à contraindre les chômeur·se·s à la « recherche active » d’emploi. En situation de pénurie, c’est à la fois hypocrite et néfaste. Les chômeur·se·s supposé·e·s ne cherchant pas vigoureusement des emplois inexistants sont sanctionné·e·s. Les institutions qui appliquent ces sanctions sont pourtant incapables de mesurer avec rigueur le caractère « actif » d’une telle recherche. Une recherche d’emploi frénétique et hyperactive n’est d’ailleurs pas efficace. Elle peut conduire à accepter un emploi sans rapport avec ses qualifications, alors que la qualité de l’appariement est une condition unanimement reconnue de la productivité d’une économie. Il est en outre établi que le retour à l’emploi est facilité quand les chômeur·se·s effectuent leur transition entre emplois de manière sereine, en alternant recherches intensives et réflexions sur leur projet professionnel.


En attendant, la concordance entre offre réduite et demande abondante d’emplois s’effectue sous haute tension. Les professionnel·le·s de Pôle emploi, malgré leur dévouement, ne peuvent seul·e·s faire face à cette situation. La mission de cette institution est de mettre en contact les chômeur·se·s et les offres, mais ces dernières sont quasi inexistantes ! Aussi les conseiller·ère·s sont-ils débordé·e·s, chacun·e étant chargé·e de suivre individuellement des centaines de chômeur·se·s. Ils multiplient les rendez-vous extrêmement courts, voire perdent de vue des chômeur·se·s, et doivent se contenter de contrôler l’intensité de la recherche d’emploi, ce qui est devenu une absurdité.


Les agent·e·s de Pôle emploi sont nombreux/ses à résister aux injonctions légales et managériales qui leur intiment d’obliger les chômeur·se·s à accepter des emplois moins qualifiés et moins bien payés que ceux qu’ils occupaient auparavant. Ils savent en effet que ce n’est pas par la déqualification que l’on relance un pays !


BAISSER LES INDEMNISATIONS POUR « MOTIVER » LES CHÔMEUR·SE·S ? TOUT FAUX !

À l’époque où le chômage était faible, l’indemnisation était très haute. En octobre 1974, lors d’un licenciement économique, les chômeur·se·s recevaient une indemnité supérieure à leur dernier salaire (102 %) ! Personne n’a pourtant arrêté de travailler pour « profiter ».

Le maintien volontaire au chômage est un préjugé invalidé par les faits. L’indemnité aidait les gens à rebondir, à verser un peu d’argent aux enfants pour qu’ils mènent leurs études, ou à accompagner des proches dans le besoin. En 1979, en moyenne, les chômeur·se·s étaient indemnisé·e·s à plus de 60 % de leur dernier salaire durant 36 mois.

Aujourd’hui, ils sont indemnisé·e·s à 57 % pour une durée de 24 mois maximum. Cela a-t-il contribué à faire baisser le chômage ? Uniquement dans les chiffres ! En revanche, cela a accru la pauvreté chez les chômeur·se·s.


Les 35 heures et la réduction du temps de travail sont remises en cause, alors même que la mise en place des 35 heures au début des années 2000 a permis la création de 350 000 emplois. La réduction du temps de travail permet de partager collectivement les gains de productivité. Pourtant, aujourd’hui, le temps de travail effectif se situe autour de 40 heures. Cela s’explique par les attaques contre le taux de majoration des heures supplémentaires, lequel permet pourtant d’inciter à la création d’emplois.


Le retardement de l’âge légal de départ à la retraite et l’allongement des durées de cotisation, ont l'un et l'autre conduit non seulement à la réduction des pensions obtenues, mais surtout à l’augmentation du chômage aux deux extrémités de la vie active. En effet, depuis la réforme Fillon de 2003, le taux d’emploi des seniors n’a que légèrement augmenté. Les entreprises continuent de se séparer de leurs salarié·e·s à 59 ans. La moitié des 55-60 ans sans emploi et sans retraite perçoivent des prestations sociales ou des pensions. Il y a 300 000 chômeur·se·s de plus de 60 ans dans ce pays, dont la majorité a effectué 40 annuités. Le recul de deux ans de l’âge de la retraite ne profite pas aux caisses de retraite mais a conduit à l’augmentation des dépenses des caisses chômage (de 600 millions d’euros par an) et invalidité (de 1,6 milliard par an). Il a en outre pour effet d’augmenter la précarité et le taux de chômage des jeunes qui ne peuvent succéder à leurs anciens.


En parallèle, la financiarisation de l’économie a détruit toute perspective de production des entreprises. Verrouillé par les traités européens, le secteur public est un moteur bridé.


Depuis trente ans, on observe une explosion de la part des profits dans la répartition de la valeur ajoutée aux dépens de la part des salaires, alors même que les investissements tendent à baisser. Depuis la fin des années 1990, la part des profits est passée de 20 % de la valeur ajoutée à plus de 30 %. De plus, alors que 30 % des profits étaient consacrés aux dividendes (le reste étant investi), ces derniers sont aujourd’hui supérieurs aux investissements. Ce sont même 80 % des bénéfices qui sont reversés aux actionnaires du CAC 40 ! Cette ponction sur la production et l’exigence d’un taux de rentabilité du capital d’au moins 10 % trouvent leur origine dans la déréglementation des marchés financiers et dans la montée en puissance des fonds d’investissement obérant ainsi la possibilité de développer certaines activités.


Ces politiques ont en outre conduit à une véritable « économie du siphonnement » des PME et des entreprises sous-traitantes, soumises aux commandes des grands groupes. En effet, les grands groupes ont externalisé certaines de leurs activités vers des entreprises placées en situation de dépendance vis-à-vis d’eux. Cette stratégie leur a permis de siphonner la valeur créée par les PME, en négociant des prix très faibles et en payant avec retard. Ce phénomène a été accentué par la tendance des pouvoirs publics à proposer des appels d’offres généralistes ne permettant pas aux PME d’y répondre par elles-mêmes.


Par ailleurs, l’absurde règle des 3 % de déficit empêche de relancer l’économie par la dépense publique, notamment via des dépenses d’investissements en infrastructures. En outre, avec la « Stratégie européenne pour l’emploi » mise en œuvre depuis 1997, l’Union européenne est entrée en guerre contre l’assurance chômage. Elle considère que l’aide aux chômeur·se·s est un « obstacle à l’intégration sur le marché du travail », et que les indemnisations sont des « contre incitations à travailler ».


Du côté de la demande, les carnets de commandes vides s’expliquent par la compression salariale et l’atonie de la demande publique. Sans revenir sur les motivations des politiques d’austérité, soulignons que les travailleur·se·s ont été pressuré·e·s au même titre que les PME – la baisse de la part salariale dans la valeur ajoutée en témoigne. Alors même que le moteur de la consommation évite à notre économie de sombrer dans la déflation, les salaires n’augmentent plus que de manière symbolique ; au même moment, pourtant, la productivité et les dividendes augmentent. Les travailleur·se·s pauvres sont de plus en plus nombreux·ses, du fait notamment du sous-emploi subi, dont les femmes sont les premières victimes. Pourtant, les carnets de commandes peuvent être remplis via une augmentation des salaires, en commençant par le smic, et le développement des filières répondant à nos besoins écologiques et sociaux.


Le libre-échange généralisé a torpillé notre industrie. La concurrence salariale débridée entre pays européens pèse sur les salaires les plus élevés et limite la progression des salaires les plus bas. Aujourd’hui, la moitié des délocalisations a lieu vers d’autres pays de l’Union européenne ! Des milliers d’emplois disparaissent ainsi, lorsque les usines partent s’installer ailleurs pour de la main-d’œuvre moins chère, ou bien lorsqu’elles renoncent à créer des emplois en France pour mener leurs embauches ailleurs. Et la conséquence des délocalisations industrielles est évidente sur les services : disparition de sous-traitants, et chute de consommation, puisque les anciens consommateurs/trices de services se retrouvent au chômage.


Le grand détournement des politiques d’emploi se fait à nos dépens et au pro-fit des actionnaires. Alors que la France n’a plus de politique industrielle et que son budget est verrouillé au niveau européen, les gouvernements ont appliqué des politiques d’emploi coûteuses et inefficaces. La première des politiques pour l’emploi, depuis plus de deux décennies, consiste à arroser des pans entiers de l’économie, dont les profits sont déjà élevés, via des exonérations de cotisations sociales et des exemptions fiscales : effets d’aubaine parfaits ! Les « baisses de charges » constituent l’alpha et l’oméga de ces dispositifs concentrés sur le déve-loppement des bas salaires, lesquels sont liés à des emplois soi-disant « non qua-lifiés » alors que leur contenu a gagné en complexité et exige toujours plus de compétences. Avec le pacte de responsabilité, les sommes consacrées à la réduction du coût du travail représentent désormais 3 % du PIB. Leur effica-cité n’est toujours pas démontrée. Une estimation basse fixe ce détournement de grande ampleur à 60 milliards d’euros, scandale d’État au profit de grandes féoda-lités économiques, aux effets très faibles en termes d’emploi.


LE CHÔMAGE MET LA SÉCURITÉ SOCIALE EN DÉFICIT ? FAUX !

Contrairement aux discours des libéraux, l’indemnisation du chômage est une branche excédentaire de la Sécurité sociale. Chaque année, les salarié·e·s cotisent plus que la Sécu ne verse aux chômeur·se·s. D’où vient alors le « défi-cit » de l’Unédic ? Des obligations qui lui sont faites en plus de l’aide aux chômeur·se·s ! En 2014, l’Unédic avait un bénéfice de 2,7 milliards d’euros… Mais elle a dû verser 3,2 milliards à Pôle emploi, qu’elle est tenue de financer à hauteur de 10 %. Les chômeur·se·s ne sont pour rien dans ce déficit.


Notre projet : travailler mieux et moins pour travailler tous !


Notre horizon est le plein emploi, mais pas n’importe quel plein emploi. Nous visons un plein emploi émancipateur, social et écologique.


Il s’agit de doter les salarié·e·s d’un emploi stable et de conditions de travail décentes, libérant du temps pour prendre soin de soi, des siens et des autres. L’émancipation passe en outre par la conquête de nouveaux droits sociaux, afin d’asseoir, dans un avenir proche, le contrôle des travailleur·se·s sur la production et la répartition des richesses, au profit de la majorité. Notre projet vise à tirer collectivement les bénéfices de nos efforts en permettant à chacun de contribuer au bien-être collectif par son travail, tout en faisant en sorte que notre vie ne se consume pas dans l’emploi. Retrouver un travail, c’est aussi reconstruire des liens sociaux.


À l’opposé de l’ubérisation (voir le livret thématique « Alternatives à l’ubérisation » dans la même collection) et de toutes les martingales libérales, notre projet met l’accent sur trois aspects centraux concernant l’emploi :

· réduire le temps de travail

· redistribuer les richesses et augmenter les salaires

· relancer écologiquement l'activité socialement utile.


1- Réduire le temps de travail


Devant l’augmentation continue de notre productivité, il suffit de travailler moins pour produire autant. À la suite des précédentes évolutions technologiques et des victoires sociales, nous avons obtenu de réduire collectivement notre temps de travail afin de travailler toutes et tous.


Outre les créations d’emplois, la réduction du temps passé à travailler tout au long de la vie a permis d’améliorer les conditions de vie de chacun·e, ne serait-ce qu’en termes d’espérance de vie, mais aussi de qualité : un temps de travail hebdomadaire réduit pour conjuguer les épanouissements professionnels et personnels et les activités civiques ou associatives ; les congés payés pour avoir du temps à soi, avec les siens et les autres ; une retraite effective pour faire ce que bon nous semble, et bien souvent rendre des services bénévolement à nos proches et à la société tout entière.


2- Redistribuer les richesses et augmenter les salaires


Il n’est pas acceptable de travailler et d’avoir du mal à boucler ses fins de mois. Le smic mensuel se situe à peine au-dessus du seuil de pauvreté. Il s’agit de payer le travail à son juste prix.


La politique de l'offre favorise les profits et se traduit par la multiplication des travailleur·se·s pauvres, mais aussi par la réduction du nombre d’emplois, faute d’une demande suffisante pour remplir les carnets de commandes. Pourtant, dans le contexte actuel, une hausse des salaires modestes et moyens permettrait une relance de l’activité par la consommation, et à terme par l’investissement, selon le mécanisme classique du multiplicateur, à son tour créateur d’emplois.


Contre ces politiques de relance salariale, certains brandissent le spectre de 1983 selon lequel elles se traduiraient en importations de l’étranger. Il conviendrait de leur rappeler que, selon un rapport sénatorial, le contenu en importations de la consommation des ménages français est seulement de 14 %. De plus, le protectionnisme solidaire (notamment par la taxation des marchandises produites dans des conditions indignes) et la stratégie plan A/plan B de sortie des traités européens garantissent la faisabilité de notre projet (se reporter aux autres livrets de la collection).


3- Relancer écologiquement l’activité socialement utile


Afin que la relance salariale soit aussi bénéfique que possible, l’offre de biens et de services doit être socialement et écologiquement vertueuse. Notre projet vise en particulier à enclencher la nécessaire transition écologique de la production et de la consommation, via l’investissement public, par exemple dans l’économie de la mer. Le développement des secteurs concernés permettra non seulement de répondre aux nouvelles demandes sans contradiction avec nos exigences écologiques et sociales, mais il contribuera directement à notre marche vers le plein emploi. Pour assurer son complet développement, il importe de le protéger de la concurrence internationale par des taxes protectionnistes.


D’autres secteurs doivent croître pour nous permettre de vivre et de travailler dans de meilleures conditions. Nécessaire pour le bien vivre collectif, le développement de logements sociaux permettra de réduire les dépenses de logement des ménages et de créer des emplois. Nous relancerons nombre de services publics, dont la qualité ne se maintient aujourd’hui autant que possible que grâce au dévouement de nos fonctionnaires, qu’elles et ils soient enseignant·e·s, soignant·e·s ou garant·e·s de la sûreté publique. Les cris d’alerte répétés sont trop nombreux pour les oublier.


Améliorer la qualité de nos services publics et les conditions de travail de nos fonctionnaires doit se conjuguer avec l’essor de nouveaux services dont les besoins se font sentir, notamment aux deux extrêmes de la vie : petite enfance et dépendance, symboles d’une vie placée sous le signe de l’émancipation.


Un plan d’investissements de 100 milliards d’euros sera donc mis en œuvre. Le taux d’investissement public a atteint un niveau historiquement bas en 2015 (3,5 % du PIB). En cause, notamment, la cure d’austérité imposée aux collectivités locales. Un tel plan d’investissements est donc nécessaire pour sortir notre pays de la spirale déflationniste et combattre le chômage de masse.


En effet, le rendement de l’investissement public est rapidement positif. Un euro investi engendre des revenus privés (salaires, commandes aux entreprises), déclenchant un cycle vertueux qui relance l’activité. C’est l’effet multiplicateur. Le FMI estime que pour un euro investi en période d’atonie économique, l’activité augmente de trois euros à terme. À plus long terme, l’investissement public, en améliorant les infrastructures disponibles pour le secteur privé, augmente la productivité de ce dernier et les capacités productives de la nation.


Le chiffre de 100 milliards correspond à l’écart entre le taux d’investissement public du quinquennat Hollande et le taux historique moyen (4,4 % du PIB), corrigé par les effets de l’austérité sur le PIB. Il s’agirait du seul facteur de déficit auquel donnerait lieu l’application du programme L’Avenir en commun. Mais un financement par la dette est sensé. D’une part, l’investissement crée un actif sous-jacent, et il est absurde de retenir le seul critère de l’évolution de la dette publique. D’autre part, le niveau des taux d’intérêt est historiquement bas ; c’est le moment d’investir à faible coût.


Nos propositions : le plein emploi


1- Partager le temps de travail


Le partage du temps de travail, et donc sa réduction tout au long de la vie, est d’autant plus réalisable que l’augmentation de la productivité des travailleur·se·s est constante. Il s’agit donc de remettre en mouvement la dynamique historique de réduction du temps de travail, en lieu et place de l’ajustement par le chômage et les profits. C’est pourquoi nous proposons :

· La mise en place des 35 heures effectives, contre le détournement actuel par la braderie des heures supplémentaires. Pour ce faire, il faut commencer par abroger la loi El Khomri, qui permet d’abaisser le taux de majoration du prix des heures supplémentaires à 10 %. Il sera ensuite nécessaire d’augmenter ce taux, de revenir sur les conditions autorisant l’annualisation du temps de travail et le forfait-jour. Les négociations de branches devront préciser les conditions de l’aménagement du temps de travail nécessaire pour réorganiser la production compte tenu des plages horaires libérées, afin de rendre possible de nouvelles embauches

· La création d’une nouvelle semaine de congés payés, c’est-à-dire une sixième pour la plupart des salariés, qui sera inscrite dans le Code du travail

· L’abaissement de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans et la réduction à 40 du nombre d’annuités requises pour obtenir une retraite à taux plein. En attendant l’égalité salariale femmes-hommes et l’augmentation du nombre d’actif·ve·s cotisants, le taux de cotisation devra être légèrement augmenté

· Selon les prévisions, la conjonction de ces trois mesures doit conduire à la création d’environ 500.000 emplois

· L’objectif des 32 heures sera encouragé dans les négociations de branches en convoquant une conférence nationale sur le partage du temps de travail et l’impact du progrès technologique. L’objectif du passage à la semaine de quatre jours sera favorisé, en commençant par appliquer les 32 heures pour les salarié·e·s en travail de nuit et les métiers pénibles. En outre, ce mouvement de réduction du temps de travail au service de la création d’emplois pourra être encouragé par des incitations ciblées, et la constitution de bureaux des temps dans les collectivités.


2- Rompre avec le libre- échange par le protectionnisme solidaire


Qu’il s’agisse d’augmenter les salaires, de lancer un vaste plan d’investissement ou d’entamer la grande transition écologique, nous ne voulons pas être dans une compétition sauvage qui entame nos objectifs. Les pays qui autorisent le travail des enfants, prohibent les syndicats ou polluent massivement pour envoyer des marchandises à coût cassé seront l’objet de taxes douanières spécifiques (voir des compléments dans le livret « Produire en France » de la même collection).


Ce protectionnisme solidaire protégera ainsi les travailleur·se·s et les entreprises du dumping et de la concurrence déloyale :

· Nous imposerons le respect de normes sociales et écologiques pour la commercialisation des produits importés

· Nous rehausserons les droits de douane pour les pays aux droits sociaux limités (travail des enfants, absence de droits syndicaux).


3- Augmenter les salaires


Nous proposons aussi d’utiliser une partie des gains de productivité en augmentation de salaires, plutôt que de profits et dividendes pour quelques-un·e·s. Cela aura pour conséquence de permettre à chacun·e de se nourrir sainement, de se loger décemment. En outre, les cotisations sociales se basant sur les salaires seront versées mécaniquement, et garantiront des ressources nouvelles pour la Sécurité sociale. Dès lors, nous proposons :

· L’augmentation immédiate de 15 % du smic, qui sera porté à 1 326 euros net mensuel pour un emploi à temps complet

· La revalorisation du point d’indice des fonctionnaires de 7 %, puis l’ouverture de négociations pour les plus bas revenus

· La mise en place d’un écart maximal des salaires au sein des entreprises de 1 à 20.


Ces trois mesures correspondent à une hausse de la masse salariale d’environ 25 milliards d’euros, soit, par un effet multiplicateur sous des hypothèses prudentes, à la création de 180 000 emplois dès la première année.


Les inégalités salariales femmes-hommes seront fermement combattues, notamment par une pénalisation des pratiques discriminatoires, la généralisation aux PME de l’obligation de négocier annuellement l’égalité des carrières par l’adoption d’un plan ou d’un accord d’entreprise contre les inégalités de salaires.


4- Construire un système de production éco-socialiste


Répondre aux besoins humains dans un cadre écologique et social oblige à repenser un tissu productif varié. La relocalisation des productions, l’essor de certains secteurs et le changement des modes de production participent au mouvement vers le plein emploi, en plus d’être autant de gages d’indépendance nationale et de transition écologique. C’est pourquoi nous nous fixons comme objectifs dans cinq ans :

· La mise en œuvre de la transition énergétique, gisement de 400 000 emplois selon le scénario Négawatt

· La mise en place d’un nouveau système agricole fondé sur le développement d’une agriculture écologique et paysanne, intensive en emplois, qui exigera d’embaucher 200 000 personnes

· Le lancement du plan « économie de la mer », dont la vocation sera d’être l’un des fers de lance de la rénovation de notre système économique, permettant la création de 200 000 emplois

· La construction de 200 000 logements sociaux afin d’en finir avec le mal-logement et de faciliter la mobilité professionnelle, soit 100 000 emplois directs induits selon les professionnel·le·s du secteur

· La restauration de services publics de qualité, qui exige la recréation de plus de 400 000 emplois publics, en particulier d’enseignant·e·s, de personnels soignants et de garant·e·s de notre sûreté collective, mais aussi le recrutement d’employé·e·s public·que·s ou parapublic·que·s dans le secteur de la petite enfance et dans les maisons de retraite

· Le développement des transports collectifs, le lancement du plan Fret ou l’essor de l’économie sociale et solidaire, qui induiront également des dizaines de milliers de créations d’emplois.


5- Investir 100 milliards d’euros pour relancer l’activité


Pour sortir de la spirale déflationniste et diminuer enfin le chômage, le besoin d’investissement est criant. Pour compenser le sous-investissement des gouvernements précédents, nous proposons de lancer un plan d’investissement de 100 milliards. Ses effets en termes de créations d’emplois se compteront en centaines de milliers, et seront ainsi déclinés en affrontant l’urgence écologique, pour plus de 50 milliards d’euros :

· Isolation thermique de 700 000 logements.

· Développement des énergies renouvelables.

· Plan ferroutage et de transports portuaires et fluviaux.

Et en s’attaquant à l’urgence sociale, pour 45 milliards d’euros :

· Construction de 200 000 logements publics.

· Ouverture de 350 000 places en crèche.

· Mise en place d’un plan Handicap.

· Ouverture de 50 000 places en maison de retraite.


En préparant le futur et améliorer les services publics, pour 7 milliards d’euros :

· Accélération du plan France très haut débit

· Rénovation des prisons, construction et rénovation de tribunaux et de commissariats

· Plan de rénovation des universités et de construction de logements étudiants

· Construction de centres de santé et d’hébergements de santé

· Ouverture de lycées professionnels.


6- Libérer la politique de l’emploi du verrou européen


Actuellement, les politiques de l’emploi correspondent à cent milliards d’euros de dépenses prises dans leur ensemble, qu’elles soient « ciblées » (allocations chômage, formation professionnelle, emplois aidés) ou « générales » (exonérations de cotisations sociales, CICE [Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi], prime d’activité), et à un peu moins de vingt milliards de dépenses sociales (minima sociaux). L’efficacité de la moitié de ces dépenses est loin d’être prouvée, comme les exonérations Fillon sur les bas salaires, le CICE et le "pacte de responsabilité". Les seules études disponibles font état de créations d’emplois extrêmement faibles pour un coût exorbitant. C’est pourquoi nous proposons :

· L’évaluation citoyenne et parlementaire de l’ensemble des dépenses affectées aux politiques d’emploi, sur des critères d’efficacité sociale et de responsabilité écologique

· Le redéploiement des sommes ainsi libérées, ce qui représente au moins 60 milliards d’euros

· La sortie des actuels traités européens pour libérer la possibilité de politiques budgétaires contracycliques c'est-à-dire agissant contre les effets des crises et à rebours de l'austérité qui aggrave tout (voir le livret thématique « Plan A/Plan B » dans la même collection).


7- Faire de Pôle emploi l’outil d’un État employeur en dernier ressort


Plusieurs missions essentielles doivent être remplies par la politique publique de l’emploi : indemniser, replacer, soigner, et – véritable projet inédit – offrir un droit opposable à l’emploi, via le principe de l’État employeur en dernier ressort. Chacun de ces quatre services requiert un métier et une formation différents. Ils nécessitent aussi la transparence complète des budgets, des activités et des données de Pôle emploi.


1. Pour améliorer radicalement la situation des personnes sans emploi, un réel service public d’indemnisation est nécessaire, avec affectation des conseiller·e·s déjà en poste. L’ouverture des droits à la protection chômage y sera effective dès le premier mois de travail et le déclenchement des allocations chômage sera automatisé, en lien avec l’Urssaf. Les personnes privées d’emploi auront un salaire de remplacement lié à leur dernier salaire et seront éligibles à des formations professionnelles de qualité en lien avec l’enseignement professionnel, technique et supérieur.


2. Le placement dans l’emploi, second pilier du service public, ne fonctionne pas correctement. Un service solide de placement sera mis en place. Il sera constitué de fonctionnaires recruté·e·s sur concours, qui s’ajouteront aux actuel·le·s agent·e·s spécialisé·e·s de Pôle emploi. L’expertise en relations humaines, l’analyse des marchés du travail, la conduite de bilans de compétences, le contrôle des offres et la prospection d’entreprises sont toutes des missions de service public pour accompagner les usagers dans l’emploi. Nous entendons usagers au sens large : toute personne encore en emploi mais désireuse de se réorienter doit pouvoir mobiliser les logiciels de placement et obtenir un accompagnement dans l’emploi. Rien ne remplacera jamais le contact humain, surtout pas la dématérialisation générale (échanges surtout par mail, rendez-vous par Skype, etc.), qui est actuellement mise en œuvre à seules fins d’économie budgétaire et qui exclut les populations les moins à l’aise. Les chômeur·se·s disposeront d’un droit de recours face aux prestations des intermédiaires privé·e·s. Le nombre de chômeur·se·s pris·es en charge par un·e conseiller·ère ne doit pas excéder la cinquantaine, et l’interlocuteur unique doit devenir la règle. L’absence au rendez-vous ou l’oubli d’actualisation ne seront plus des motifs de radiation administrative. En outre, le droit des chômeur·se·s à rencontrer leur conseiller•ère dans un délai court sera rendu effectif. Les activités parallèles des chômeur·se·s seront valorisées, car la recherche d’emploi est une course non pas de vitesse, mais d’endurance, au cours de laquelle il importe de promouvoir la réflexion sereine et motivée des individus sur leur avenir, et non pas de les obliger à répondre à la première offre farfelue venue, quelle qu’elle soit. Les chômeur·se·s ainsi que les conseiller·e·s seront associé·e·s au conseil d’administration de Pôle emploi, afin que les travailleur·se·s et les usagers y soient représenté·e·s. Le secteur de la prospection des offres sera également doté de moyens plus importants afin de surveiller la qualité des offres des employeur·se·s, à rédiger les fiches de poste ou afin aussi de constituer des groupements d’employeur·se·s susceptibles d’éradiquer les offres grotesques de quelques heures par semaine, fusionnées en postes à mi-temps. L’obligation de dépôt des offres par les entreprises sera réintroduite.


3. Pour faire face aux risques sanitaires inhérents au chômage, une médecine préventive de l’emploi sera mise sur pied, directement destinée aux demandeur·se·s d’emploi inscrit·e·s et en lien avec la médecine du travail. Dans les mois qui suivent toute inscription à Pôle emploi, le/la nouveau/elle demandeur·se aura le droit à une consultation médicale et à un bilan complet. Cela contribuera à lutter contre les inégalités de santé, à identifier les individus particulièrement fragiles, sur les plans physique et psychique et les orienter vers un accompagnement adapté.


4. Agence publique chargée d’éradiquer le chômage sur le territoire, le Commissariat à l’emploi organisera en dernier ressort un bilan des qualifications et des compétences des chômeur·se·s de longue durée. Tout individu au chômage depuis plus d’un an, qui souhaite et peut travailler, se verra proposer un contrat public au salaire minimum adapté à ses qualifications. Plutôt que de dépenser une indemnisation sans se préoccuper du désespoir social et de la déqualification des chômeur·se·s, la collectivité prendra ses responsabilités (et y gagnera financièrement !) en proposant un « contrat coopératif » aux personnes en échec provisoire sur le marché du travail. La somme auparavant versée au titre de l’indemnisation chômage le sera désormais par la puissance publique et ces personnes pourront être orientées vers les besoins publics locaux ou les associations agrémentées. L’État assumera ainsi, pour la première fois dans l’histoire de France, le rôle d’employeur en dernier ressort. Et les chômeur·se·s ne seront plus obligé·e·s d’accepter n’importe quel emploi de mauvaise qualité pour sortir du chômage : elles et ils disposeront d’un droit opposable à un contrat rémunéré au salaire minimum.


L’ÉTAT EMPLOYEUR EN DERNIER RESSORT : UNE EXPÉRIMENTATION D’ATD-QUART MONDE

Dans dix départements, l’association ATD-Quart Monde pilote aujourd’hui une expérimentation consistant à convertir les aides aux chômeur·se·s en emplois solides. Concrètement, elle consacre plusieurs mois à informer le territoire sélectionné, puis à rencontrer les chômeur·se·s de longue durée désireux·ses de participer, dont les compétences et les capacités sont identifiées. Parallèlement, les besoins sociaux non satisfaits dans la zone sont listés – certaines filières directement rentables sont concernées ! Sachant que les chômeur·se·s de longue durée reçoivent en moyenne 15 000 euros d’aide annuelle tout compris, cette somme est convertie en contrat de travail et complétée par les factures des interventions : réparer du mobilier, valoriser des ressources locales, accompagner des seniors, encadrer des enfants, valoriser du patrimoine… Il s’agit de construire des emplois à partir des compétences : tout le monde est capable d’apporter ses talents à la collectivité ; il suffit de volonté politique pour généraliser la portée de ce principe !


8- Protéger l’emploi grâce à la citoyenneté dans l’entreprise


Enfin, les emplois doivent être protégés, afin de sécuriser les personnes. Les grandes entreprises qui licencient lorsque ça va mal, puis réembauchent quelques semaines plus tard, le tout aux frais des aides du contribuable, ça suffit ! Nous mènerons donc une lutte sur trois fronts : pour la qualité des emplois, la citoyenneté dans l’entreprise et l’interdiction des licenciements boursiers ou injustifiés.

Pour éradiquer la précarité, un plafond de CDD (5 %, ou 10 % dans les PME) permettra de réaffirmer le CDI comme norme.


« La grande révolution a rendu rois les Français dans la cité, mais les a laissés cerfs dans l’entreprise », disait Jean Jaurès.


Au niveau de l’entreprise, les droits individuels et collectifs seront élargis. Les droits des salarié·e·s à poser leurs congés ou à partager les congés parentaux seront renforcés. L’avis des représentant·e·s du personnel sera requis pour toute décision stratégique, et ils·elles disposeront d’un droit de veto suspensif en cas de fermeture, de délocalisation ou de licenciement. Les salarié·e·s pourront exprimer un vote de défiance à l’égard des dirigeant·e·s d’entreprises ou des projets stratégiques. Toute contre-proposition des salarié·e·s sera obligatoirement examinée, et un soutien public juridique et financier sera garanti aux travailleur·se·s désireux/euses de reprendre leur activité en coopérative. Enfin, les droits des salarié·e·s des entreprises sous-traitantes seront alignés sur ceux des donneur·se·s d’ordre (se reporter au livret sur le droit du travail « En finir avec la loi El Khomri et son monde » dans la même collection).


La première urgence est d’interdire les licenciements boursiers. Les licenciements boursiers sont ceux qui interviennent alors que l’entreprise ne connaît aucune difficulté financière réelle.

Lorsqu’elle rencontre des difficultés économiques ou que des menaces pèsent sur la sauvegarde de son activité productive, une entreprise peut procéder à des licenciements pour des motifs économiques. Mais on parle de licenciements boursiers lorsque ses dirigeants organisent la diminution de ses effectifs dans un seul objectif de rentabilité à court terme, pour accroître les bénéfices au profit des actionnaires, et au détriment de l’emploi des salarié·e·s.


Ainsi, les licenciements seront interdits si l’entreprise a distribué des dividendes, des stock-options ou des actions gratuites. La deuxième étape est de mettre fin à l’impunité des employeur·se·s en cas de licenciements abusifs, en permettant au conseil des prud’hommes de faire réintégrer les salarié·e·s avec versement des rémunérations manquantes. Enfin, la rupture conventionnelle sera supprimée, tandis que le droit aux indemnités de chômage sera ouvert aux démissionnaires.

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