L’ECOLE DE L’ÉGALITÉ ET DE L’ÉMANCIPATION
- administrateur
- 7 mars 2018
- 17 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 mars 2018
Ce livret a été rédigé par un groupe de travail coordonné par Marianne Nedyj, juriste, Paul Vannier, enseignant, et Aurélien Saintoul, enseignant.
Notre constat : une école appauvrie, des inégalités qui s’aggravent
L’école publique, qui accueille tous les élèves et qualifie chaque année des millions d’entre eux, va de plus en plus mal. Les réformes néolibérales des deux derniers quinquennats ont creusé les inégalités. Les gouvernements successifs se sont accommodés de l’échec de milliers d’élèves. Ils ont fait de l’éducation un marché, de l’élève un client, des enseignants des exécutants, portant atteinte aux principes républicains d’égalité, gratuité et laïcité.
Introduit par François Fillon, promu par le Medef et généralisé par le Parti socialiste, le « socle commun » porte une vision minimaliste et utilitariste des « compétences », tandis que les directives européennes organisent la subordination de notre système éducatif à « l’économie de la connaissance ». Les finalités de l’école ont été inversées. Alors qu’elle doit éduquer des consciences libres et autonomes, elle s’est vue assigner l’objectif de formater des individus employables et adaptés au marché.
L’austérité a dégradé les conditions d’études. Après la suppression de 80 000 postes par Nicolas Sarkozy, la promesse des « 60 000 créations », déjà insuffisante, n’a pas été tenue. Résultat : le nombre moyen d’élèves par classe a augmenté en primaire, au collège et au lycée. Le manque de professeurs conduit à ne plus assurer les remplacements de milliers de cours, en particulier dans les établissements d’éducation prioritaire.
La précarité se généralise. Les enseignants perdent un mois de traitement par an depuis 2010. Alors que l’école accueille 1,2 million d’élèves pauvres, les collectivités LR, PS ou FN reviennent sur la gratuité des cantines ou du transport. L’abandon va jusqu’à laisser des élèves dans des salles de classes insalubres. L’extrême droite veut même rendre payante l’école pour les enfants étrangers !
À cela s’ajoute une grave crise de recrutement. Les injonctions à l’« autonomie » des établissements, la généralisation du « new public management », les atteintes à la liberté pédagogique, la multiplication des tâches bureaucratiques, l’affaiblissement du lien au savoir conduisent les enseignants à se sentir dépossédés de leur métier, dépossession aggravée par l’absence de reconnaissance. La brutalité de l’UMP a été suivie de l’autoritarisme du PS et ses alliés, imposant par décret, malgré plusieurs journées de mobilisation des personnels, des réformes massivement rejetées.
L’égalité d’accès au service public de l’éducation n’est plus garantie. Depuis 2007, une école par jour a fermé, principalement en zone rurale. La réforme dite « des rythmes scolaires » a aggravé les disparités. Quand certaines communes ont les moyens ou font le choix de la gratuité du périscolaire, d’autres en font assumer l’essentiel du coût aux familles. Ainsi, 40 % des familles doivent aujourd’hui payer pour que leurs enfants accèdent au périscolaire. Les contre-réformes du lycée et du collège ont institué une école dans laquelle les contenus varient d’un établissement à l’autre. La « politique de l’offre », appliquée au système éducatif, exacerbe la concurrence entre les établissements et renforce la ségrégation scolaire.
L’enseignement privé, lui, prospère.
L’éclatement de l’Éducation nationale (EN) a ouvert la porte à la marchandisation et à la privatisation de certains de ses secteurs. Une ministre confie à Microsoft la formation des enseignants au numérique. Un recteur sous-traite à Teach for France – un organisme privé – le recrutement et la formation de certains contractuels. Le Medef fait pression pour imposer ses contenus d’enseignement et l’institution multiplie les partenariats avec les entreprises du CAC 40.
Notre projet : instruire et qualifier tous les enfants de la République
Nous voulons le meilleur pour tous les élèves : réussite scolaire et professionnelle, plaisir à apprendre, joie à fréquenter l’école, accomplissement individuel.
Tous les élèves sont capables. Ils méritent des professeurs qualifiés, formés et en nombre suffisant, qui leur dispensent un enseignement de haut niveau.
Notre projet pour l’école est en effet inséparable de notre projet de société.
À l’heure du défi climatique, l’école doit jouer un rôle décisif dans la préparation de la transition écologique. Alors que les inégalités n’ont jamais été aussi fortes et que la société est traversée par de multiples tensions, elle doit s’affirmer comme un espace de coopération et d’échanges et non de concurrence et de compétition. Creuset du peuple en formation, elle doit devenir le lieu de l’éducation à l’intérêt général où l’individu se prépare à l’exercice d’une citoyenneté enrichie de nouveaux droits.
L’émancipation, individuelle et collective, est la boussole de notre projet éducatif.
Émanciper, c’est instruire. Seule richesse qui augmente pour chacun quand on la partage entre tous, le savoir repousse les frontières de l’ignorance et en grandissant l’individu, grandit la société dans laquelle il vit.
Émanciper, c’est qualifier. La qualification est la garantie d’une maîtrise professionnelle durable parce que susceptible de s’enrichir et d’évoluer. Reconnue par les conventions collectives, elle est source de droits sociaux. À l’heure de l’inversion de la hiérarchie des normes, elle est l’un des fondements de la République sociale que nous voulons bâtir.
Émanciper, c’est affranchir l’individu de toute influence, développer l’esprit critique, parvenir à l’autonomie pour être libre. Condorcet assignait à l’école la mission de « former des citoyens qui ne s’en laissent pas conter mais qui entendent qu’on leur rende des comptes ». Nous faisons nôtre cette formule.
Nos propositions : une école commune de la 6ème République
Une école où il fait bon apprendre
L’école est un cadre de travail mais aussi un lieu de vie pour les élèves comme pour les personnels. Elle doit offrir les meilleures conditions possibles. Pour cela, nous proposons les mesures suivantes :
Assurer des locaux agréables et accessibles :
· mettre en œuvre un plan d’urgence pour la rénovation des établissements scolaires
· limiter la dimension de tout nouveau chantier pour construire des établissements à taille humaine
· densifier le maillage des établissements en zone rurale afin de limiter à 30 minutes les temps de transport scolaire
· aménager dans tous les établissements des espaces de détente, de rencontres et d’échanges entre élèves ; des salles de réunions et de repos pour les professeurs
· aménager des installations sportives de qualité accessibles aux associations scolaires.
Faire de la cantine un lieu clé d’éducation et de convivialité :
· instaurer une pause méridienne d’1h30 permettant une véritable coupure et un repas sans stress avec un encadrement qualifié
· garantir la gratuité des cantines utilisant des produits locaux, issus de l’agriculture paysanne et biologique et proposant plusieurs possibilités de menus
· faire des cantines le lieu d’une authentique éducation à l’alimentation en formant et associant les personnels des collectivités territoriales.
Encourager la coopération :
· maintenir les classes multi-âges, facteur de réussite pour tous les élèves ; encourager les formes coopératives de travail et favoriser le tutorat entre élèves par des pédagogies adaptées et la valorisation des réalisations et activités collectives
· abroger le «livret scolaire unique numérique» et appliquer une évaluation valorisant la progression des élèves et interdisant tout classement
· organiser dès l’école primaire l’intervention d’acteurs associatifs pour éduquer à l’égalité femmes-hommes et à la lutte contre toutes les discriminations

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