L'eau, un bien commun !
- administrateur
- 2 mars 2018
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 mars 2018
Ce livret a été rédigé par un groupe de travail coordonné par Gabriel Amard, directeur du ‘Formateur des collectivités’ et auteur de plusieurs ouvrages sur l’eau, et Natalia Dejean, responsable associative dans l'action internationale pour l'assainissement et l’accès à l’eau.
Notre constat : l’eau est en danger !
L’eau est un élément essentiel à la vie sur Terre, elle est vitale pour l’humanité. C’est d’elle que dépend notre survie quotidienne : 3 jours sans eau et nous sommes mort·e·s.
La qualité de l'eau est garante de la santé humaine et de l’équilibre de la biosphère. Mais elle est devenue un objet de contrôle, une marchandise qui peut être privatisée, achetée et vendue. Les problèmes de l’eau aujourd’hui ne tiennent pas seulement dans les inégalités d’accès à la ressource, mais également dans sa contamination, sa pollution et le mauvais usage qu’il en est fait.
Selon les expert·e·s du Programme mondial des Nations unies qui évaluent les ressources en eau, le monde devra faire face à un déficit hydrique global de 40 % dès 2030 si rien n’est fait.
Les précipitations et les écoulements terrestres sont mal répartis sur l’ensemble du globe. Certaines régions reçoivent beaucoup plus d’eau que d’autres. La répartition des ressources s’en trouve très inégale et certains pays souffrent d’un manque notable d’eau. Dans les pays défavorisés, les problèmes d’accès à l’eau ne sont pas toujours liés à l’absence de ressources en eau mais à un manque de moyens financiers ou/et une absence d’organisation pour rendre potable, stocker et distribuer l’eau aux populations.
LES RESSOURCES EN EAU DANS LE MONDE
9 pays se partagent 60 % des réserves mondiales d’eau
80 pays souffrent de pénuries ponctuelles
28 pays souffrent de pénuries régulières
3,5 milliards de personnes boivent une eau dangereuse ou de qualité douteuse
2,4 milliards de personnes n’ont pas d’assainissement adéquat
6 millions de personnes (dont 2 millions d’enfants) meurent chaque année de diarrhée, due principalement à la mauvaise qualité de l’eau et au manque d’assainissement. Cela représente 1 enfant toutes les 20 secondes
Au-delà de la consommation directe d’eau, pour un usage domestique ou agricole, le cœur de la problématique devient l’eau virtuelle. Il s’agit de la quantité d’eau utilisée pour fabriquer un bien de consommation. En France notre « empreinte sur l’eau » par habitant·e est ainsi de 5 000 litres par jour dont seulement 150 l/j pour l’eau domestique. Environ un cinquième de l’eau consommée dans le monde est de l’eau virtuelle, échangée entre les pays sous forme de produits agricoles ou industriels.
En France, on prélève gratuitement dans la nature près de 5,4 milliards de m3 pour la potabilisation d’eau. L’eau prélevée et distribuée provient aux deux-tiers de captages en eaux souterraines (96 % des captages). Les captages en eaux superficielles (fleuves, rivières, canaux, lacs, barrages) sont peu nombreux (4 %), mais représentent un peu plus du tiers des volumes prélevés. Si la qualité des eaux s’améliore pour certains polluants, leur état reste marqué par une présence préoccupante de nitrates, de pesticides et d’autres micro polluants. En 2013, 43 % des masses d’eau de surface étaient en bon ou très bon état écologique et 50 % en bon état chimique.
Pesticides, biocides, métaux lourds, hydrocarbures, PCB (polychlorobiphényles), perturbateurs endocriniens, médicaments, reliquats de l’activité industrielle, agricole ou encore domestique, etc. : les produits chimiques présents dans les cours d’eau, les plans d’eau, les eaux littorales ou encore les nappes souterraines sont multiples. Leur diversité, leur présence à faible concentration et leurs possibles interactions sont de réelles menaces pour la vie aquatique et pour la santé humaine.
Si aujourd’hui la France peut alimenter sa population (96,7 % de la population en 2012), c’est au prix d’investissements importants et de coûts insupportables pour certains usagers. La disponibilité d’une source d’eau de qualité (et abondante) exige des milieux aquatiques vivants, et un fonctionnement harmonieux de la biodiversité.
La terre et la nature sont des « agents publics » qui filtrent naturellement et gratuitement l’eau. C’est un ensemble de biens communs à protéger.
INÉGALITÉ DE L’ACCÈS À L’EAU : LE CAS DES OUTRE-MER
En Guadeloupe, Guyane, Martinique, la Réunion, Mayotte et Saint-Martin, les services publics d’eau potable et d’assainissement sont confrontés à des difficultés qui constituent des freins au développement social, économique et sanitaire et à la préservation de l’environnement. Près de 25 % des logements ne sont pas desservis en eau dans certains secteurs et le rendement des réseaux est seulement de 53 % contre 79,9 % en Métropole. Aujourd’hui les habitants ultramarins payent l’eau la plus chère de France métropolitaine (5,30 € contre 3,85 € le m3 en moyenne) et une augmentation de 150 % de la population y est prévue pour 2040.
Une qualité d’eau dégradée
Les pollutions diffuses (dont on ne peut identifier de source ponctuelle d’émission), et en premier lieu les pollutions agricoles, sont les principales causes de la dégradation des ressources en eau potable. En cause : l’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques de synthèse solubles dans l’eau. La quantité de substances actives pesticides a augmenté de 5 à 9 % par an depuis 2009. La France a de plus été condamnée en 2013 et en 2014 pour le non-respect de la directive « Nitrate » par l’Union européenne (1991), aux ambitions pourtant déjà insuffisantes.
D’après le rapport 2014 du Commissariat général au développement durable (CGDD), les problèmes de qualité de l’eau sont responsables de 41 % des 4 811 captages abandonnés entre 1998 et 2008. 44 % de ces problèmes qualitatifs sont liés aux nitrates et aux pesticides. Aujourd’hui encore, 8,5 % des captages ne respectent pas les seuils autorisés. En outre, 63 % des points de surveillance des eaux souterraines métropolitaines et 93 % de ceux des rivières en surface contiennent des pesticides. Il s’agit d’au moins une dizaine de substances différentes dans la majorité des cas (rapport 2014 du CGDD). L’enjeu environnemental, notamment en termes de biodiversité, est également important (eutrophisation, etc.).
Ces pollutions diffuses d’origine agricole sont très coûteuses pour la société : une étude de 2011 évalue à environ 1 000-1 500 millions d’euros par an le surcoût pour les ménages et à 100-150 millions d’euros par an les pertes pour les collectivités territoriales et les opérateurs de la pêche et du tourisme. À cause des intrants chimiques de l’agriculture, le seul coût de dépollution de l’eau se situe entre 800 et 2400 € par hectare et par an cultivé sur les Aires d’alimentation de captage (AAC).
Aujourd’hui, les pouvoirs publics adoptent principalement des approches palliatives (mélanges d’eaux pour atteindre les normes) et/ou curatives (traitement de dépollution/potabilisation de l’eau). Il coûterait au final bien moins cher de prévenir plutôt que guérir, en assurant la transition agricole vers des productions sans engrais chimiques de synthèse avec une agriculture écologique et paysanne (voir le livret « Pour une agriculture paysanne et écologique » de la France insoumise).
Des inégalités tarifaires
En France, la gestion de l’eau est un service public industriel et commercial, et non un service public administratif. Cela signifie que le service ne peut être payé que par l’usager : l’intégralité des dépenses faites pour le service doit être financée par la vente de l’eau. Or la tarification est un obstacle aux droits à l’eau et à l’assainissement.
En même temps qu’une progression constante des tarifs appliqués à l’eau, on constate une baisse des consommations domestiques des ménages, ce qui fragilise encore plus le modèle économique actuel de « l’eau paye l’eau » et renforce les inégalités.
Les écarts constatés entre les tarifs de l’eau se creusent sensiblement entre les zones urbaines et les zones rurales et aussi entre les usagers. Souvent les usagers économes en eau payent le m3 plus cher que les grands consommateur·trice·s peu soucieux des quantités utilisées et du tarif à payer. L’activité économique, industrielle, commerciale et agricole bénéficie de tarifs attractifs voire dégressifs et d’une exonération totale de ses dépenses en eau au plan fiscal. Les autorisations de captages directs en nappes donnés aux industriels notamment à l’agroalimentaire, comme par exemple Coca Cola à Grigny (91).
Des canalisations fuyardes
Le bon état des canalisations concourt à la qualité de l’eau distribuée et à la préservation de la ressource et des milieux aquatiques. Or, nos canalisations présentent de nombreuses failles et le réseau est vétuste. Ainsi, l’association 60 millions de consommateurs et la fondation France libertés estiment qu’un litre d’eau sur cinq n’arrive pas à notre robinet. Dans certaines communes ce sont parfois 40 % de l’eau produite. Au total, en France, les fuites d’eau liées à la vétusté de notre réseau de canalisations, long de 850 000 km représentent sur un an environ 1,3 milliard de m³ d’eau.
Les canalisations en PVC posées avant les années 1980 dégagent du chlorure de vinyle monoré, cancérogène avéré, qui migre dans l’eau potable. Il y aurait entre 50 000 km et 340 000 km de canalisations de ce type et 600 000 personnes pourraient être affectées par cette pollution.
L’impact de l’urbanisation
L’urbanisation ne cesse de croître et devient préoccupante. Selon l’association Terre de liens, 1 300 hectares d’espaces agricoles et naturels sont recouverts de béton et de bitume chaque semaine, soit l’équivalent en moyenne de la surface d’un département tous les 7 ans. L’étalement des villes induit la mise en place de nombreuses infrastructures, l’imperméabilisation des sols, la chenalisation et l’endiguement des rivières. D’après le ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, en 2012, 9 % du territoire français est artificialisé soit 5,1 millions d’hectares.
Les villes deviennent très rapidement des îlots de chaleur qui transforment l’énergie qui tombe sur le sol en chaleur sensible. En éliminant la végétation et en favorisant le ruissellement de l’eau, l’urbanisation (imperméabilisation des sols, dénaturation du paysage) contribue au déséquilibre des cycles de l’eau. Les transports routiers contribuent aussi aux pollutions diffuses de l’eau, par la pollution de l’air, les résidus de pneus sur les routes, les huiles usagées. Ces déchets se déversent dans l’eau par le ruissellement des eaux de pluies ou par des déversements non contrôlés.
Les différents modes de gestion de l’eau
Le modèle dominant en termes de services sur le territoire, contrairement à ce que raconte la propagande des opérateurs privés et des élu·e·s peu audacieux, est le modèle public de la Régie directe et historique. Sur les quelques 35 000 services de l’eau et de l’assainissement seulement 11 800 sont délégués au privé.
Les gestions de l’eau et de l’assainissement déléguées à des entreprises privées génèrent des frais supplémentaires pour les usager·e·s. Les remontées financières à la Holding, les impôts et taxes des sociétés privées, les marges commerciales et la recherche de rentabilité financière à court terme alourdissent de plus en plus les factures d’eau et détériorent les conditions de travail des salarié·e·s du privé. Avec la gestion publique, les factures sont allégées de tout ça et les salarié·e·s ne subissent pas les stratégies aux services des dividendes. Prenons un exemple : en 2015, le PDG de Veolia, Antoine Frérot, perçoit plus de 1,3 million d’euros annuel. Les autres dirigeant·e·s ne s’en sortent pas mal non plus, avec une augmentation de 40,2 % en 2015, et de 4,3% des dividendes. Par contre, les salaires des fontainier·e·s, électromécanicien·ne·s, technicien·ne·s ou ingénieurs n’ont pas bougé en 2014 - 2015.
Notre projet : un bien commun à partager et à mieux protéger !
La France insoumise propose que l’accès à l’eau et à l’assainissement de qualité pour toutes et tous soient considérés comme des droits fondamentaux à inscrire dans la Constitution de la 6e République.
Nous soumettrons un projet de loi sur la gestion publique de l’eau qui sera co-élaboré avec les gestionnaires, les associations citoyennes, les usager·e·s et les syndicats dans une concertation l'échelon local, et à l’échelon national en associant les agences de l’eau.

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