HANDICAP, INSTAURER LA CITOYENNETÉ PLEINE ET ENTIÈRE
- administrateur
- 4 mars 2018
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Dernière mise à jour : 29 mars 2018
Ce livret a été rédigé par un groupe de travail coordonné par Vincent Assante, militant associatif, Marie-Laure Darrigade, conseillère socio-éducative, Sergio Avalos, formateur et Céline Boussié, aide médico-psychologique
« Le premier droit est celui d’exister, la première loi sociale est donc celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d’exister ; toutes les autres sont subordonnées à celle-là. »
Maximilien Robespierre
Notre constat : des citoyens délaissés par la République
Le pays des droits de l’homme et du citoyen est un mauvais élève concernant les droits des personnes en situation de handicap. Les mots qui peuvent décrire leur condition aujourd’hui sont : exclusion, maltraitance, invisibilité, manque de perspectives.
Chaque personne qui est confrontée au handicap peut se sentir isolée, seule, face au regard des autres et à la dureté du monde qui l’entoure.
La perte d’autonomie est une question de solidarité républicaine. Plusieurs millions de personnes déclarent avoir des difficultés importantes dans leurs activités quotidiennes. À ce chiffre, il faut ajouter non seulement les enfants, mais aussi les personnes âgées dont la perte d’autonomie rejoint souvent les besoins des personnes en situation de handicap.
Le handicap n’est pas une caractéristique des personnes qui sont concernées. Il est le fruit d’une situation entre les individus et leur environnement. Ainsi, l’Organisation des Nations unies précise que « le handicap résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».
L’universalisme républicain accorde des droits égaux à toutes les personnes, en tant qu’êtres humains. C’est ce grand principe qui fonde notre action. Il est tiré de l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : « Les hommes naissent libres et égaux en droits » et se retrouve dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » (Préambule, point 10) et « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » (Préambule, point 11).
Le fonctionnement actuel du Comité interministériel du handicap est défaillant. Le pouvoir du ministère en charge des personnes en situation de handicap est trop faible et les avis formulés par le Conseil national consultatif des personnes en situation de handicap ne sont que peu pris en compte. Il n’y a pas de volonté politique d’une réelle inclusion de ces citoyen·ne·s dans la solidarité nationale. La France est constamment signalée par les instances internationales en raison de violations répétées aux accords internationaux sur le handicap.
Pourtant, le nombre de personnes en situation de handicap ne cesse de croître : plus de 10 millions de Français·e·s sont ainsi concerné·e·s. Que cela soit à la naissance ou à la suite d’accidents du travail, de la route ou domestiques, ou encore de maladies invalidantes, nombre de nos concitoyen·ne·s découvrent chaque année la réalité du quotidien des multiples situations de handicap.
Les inégalités sont criantes en matière d’éducation, de formation professionnelle, de logement et de travail. Ce à quoi s’ajoutent l’alourdissement du coût de la vie et le défaut de prise en charge adaptée.
En outre, près de 350 000 élèves en situation de handicap bénéficient d’un accompagnement en 2014, dont 78 000 en établissements spécialisés. Mais elles et ils ne sont que 28 000 auxiliaires et 41 000 titulaires de contrats aidés à pouvoir les accompagner. C’est pourquoi environ 20 000 enfants restent sans solution d’appui. Les annonces récentes du Plan Autisme et des services d’éducation spécialisée ne sont pas à la hauteur des besoins.
En ce qui concerne les travailleur·se·s en situation de handicap, le quotidien aussi est difficile. Elles et ils sont deux fois plus au chômage que les autres travailleur·se·s (taux de chômage respectifs à 21 % et 10 %) et passent également 2,5 fois plus de temps au chômage.
En matière d’accessibilité des lieux publics, François Hollande a remis en cause, via l’ordonnance du 26 septembre 2014, les maigres acquis obtenus ces dernières années, en retardant les délais de mise aux normes des établissements publics et en multipliant les dérogations de convenance. Pourtant, la loi du 11 février 2005 prévoyait déjà des dérogations en cas d’impossibilité technique d’y parvenir, en cas de coût manifestement trop élevé ou pour les bâtiments historiques.
Quand il est difficile de trouver un salaire, la solidarité essaie d’assurer un niveau de vie décent en proposant des revenus de remplacement via les minima sociaux. En 2012, l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) s’élevait à 776,59 € pour atteindre 808,46 € en 2016, soit à peine plus de 30 € d’augmentation en cinq ans ! L’austérité a des effets néfastes pour les plus fragiles. Les deux compléments monétaires, qui ne peuvent être perçus que par un petit nombre de personnes tant les conditions sont drastiques, n’ont de leur côté connu aucune revalorisation depuis plus de cinq ans. Quant à la pension minimale d’invalidité, elle ne s’élève qu’à 284 €.
Par ailleurs, le nombre de demandes de prestations de compensation du handicap croît régulièrement, traduisant la volonté des citoyen·ne·s en situation de handicap, y compris très lourdement, de vivre à domicile. Le placement en institution ne devrait relever que d’un choix. L’austérité généralisée, à l’échelle nationale comme à l’échelle départementale, conduit à remettre en cause le droit à la vie la plus autonome possible de ces personnes. Et les suppressions d’aides conduisent certain·e·s à être orienté·e·s en institution médicalisée, contre leur volonté première. Il arrive même que certain·e·s enfants ou adultes n’aient aujourd’hui aucune solution, au point de devoir être exilé·e·s vers la Belgique.
Aujourd’hui, la majorité de la recherche liée aux questions de handicap est non seulement cloisonnée, mais aussi centrée sur une vision médicalisée et réhabilitatrice. Ainsi, l’emploi des personnes en situation de handicap est trop souvent vu sous l’angle médical. En réalité, le handicap n’est ni une maladie ni un mal que l’on soigne. Le handicap est une situation. Pas une essence !
Notre projet : garantir l’autonomie par la solidarité
Non, le handicap n’est pas une affaire privée… C’est d’abord une affaire publique. Celle de la dignité des personnes en situation de handicap, de leur liberté, de l’égalité entre les êtres humains.
Le plan de lutte contre les obstacles au travail et dans les espaces publics a été trop de fois repoussé. La prise en compte du handicap est trop souvent reléguée au second plan ou noyée parmi d’autres thèmes comme la dépendance ou la maladie.
Une personne en situation de handicap n’est pas plus que quiconque réductible à son handicap.
Instaurer la citoyenneté pleine et entière, c’est donc insister sur le lien avec l’environnement. Pour garantir cette cohérence, il faut choisir ses mots. Nous préférons œuvrer « pour l’autonomie » qu’aider à résoudre la « dépendance », c’est-à-dire substituer à la notion de « prise en charge » celle de « prise en compte ».
Nos objectifs fondamentaux appellent ainsi la nécessité de lutter contre les obstacles quotidiens et environnementaux. Que ces obstacles soient culturels, sociaux, législatifs, réglementaires, et architecturaux, il convient de les lever afin de favoriser l’accès des personnes en situation de handicap aux droits généraux de tout·e citoyen·ne, et notamment le droit à la liberté effective de circuler avec une autonomie maximale, celui de s’instruire et de travailler, et le droit à pouvoir bénéficier d’un revenu décent.

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