CONTRE LA LOI EL KHOMRI ET SON MONDE
- administrateur
- 2 mars 2018
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Dernière mise à jour : 29 mars 2018
Aujourd’hui, ce n’est plus contre ces Lois que nous proposons une alternative, mais contre les Lois Macron, forme XXL des premières…
Ce livret a été rédigé par un groupe de travail coordonné par Guillaume Etiévant, économiste, et Amandine Langlois, docteure en droit du travail.
Notre constat : la flexibilisation est au seul service des actionnaires
Ces dernières années, la feuille de route du Medef a été suivie à la lettre par les gouvernements successifs, au nom de la « compétitivité » et de la lutte contre le chômage.
Celle-ci nécessiterait la remise en cause des protections des salarié·e·s, au motif que le manque de flexibilité et le « coût » du travail empêcheraient les employeur·euse·s d’embaucher. L’intérêt des salarié·e·s a disparu des débats sur le Code du travail.
Pourtant, la responsabilité du Code du travail dans la situation de l’emploi n’est en rien démontrée, même si elle est constamment assénée dans les médias. Plusieurs études de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) prouvent qu’il n’y a aucune corrélation entre diminution des droits des salarié·e·s et baisse du chômage. C’est avant tout le carnet de commandes, et non l’état du droit du travail, qui dicte la politique d’embauches d’une entreprise. Le bilan du gouvernement Hollande le démontre : le chômage n’a jamais été aussi élevé malgré la facilitation du licenciement, la réduction des droits collectifs des salarié·e·s et la multiplication des possibilités de dérogation à la loi par des accords d’entreprise.
Accuser le droit du travail d’être un frein à l’emploi, cela revient à accuser celles et ceux qui sont en emploi et qui bénéficient des protections données par le Code du travail d’être responsables de l’augmentation du chômage. Comme s’il y avait deux camps face à face : celles et ceux qui se situent « au dedans », qui disposent d’un CDI (Contrat à durée indéterminée), et celles et ceux qui sont « au dehors », enchaînant les contrats précaires et les périodes d’inactivité. Ces analyses cherchent à opposer les salarié·e·s entre elles et eux. Elles oublient surtout le rôle des employeur·euse·s et des actionnaires dans la gestion de l’emploi en France. C’est aussi renoncer aux acquis sociaux au prétexte d’une concurrence mondiale, cette course au moins-disant organisée par le libre-échange et la libre circulation des capitaux.
Des conditions de travail dégradées pour augmenter les dividendes, ça suffit ! Cette politique n’a qu’un intérêt en réalité : accroître la ponction que les actionnaires réalisent sur le travail en obligeant les salarié·e·s à accepter des baisses de salaires, des hausses du temps de travail sans contrepartie, des dégradations de leurs conditions de travail, sous la menace des licenciements. Cela fonctionne : depuis trois ans, la France est la championne d’Europe des dividendes. Au cours du deuxième trimestre 2016, 35 milliards d’euros ont ainsi été distribués par les grandes entreprises à leurs actionnaires, soit une hausse de 11 % en un an.
À cause de cette politique, les salarié·e·s souffrent davantage au travail et ont moins de temps libre. La frontière entre la vie privée et la vie professionnelle dis-paraît peu à peu. Les maladies professionnelles, les burn-out et les suicides sur le lieu de travail se multiplient.
Il n’y a aucune fatalité à cela, cette politique est un choix stratégique de gouvernements qui ont mis au cœur de leur projet l’intérêt des actionnaires et des plus riches au détriment des conditions de travail des salarié·e·s.
Notre projet : pour un Code du travail protecteur et émancipateur
La mise en avant du « dialogue social » par le gouvernement n’a été que le prétexte pour légitimer le pouvoir patronal, qui n’a eu de cesse d’augmenter.
La nature du comité d’entreprise (CE) a été bouleversée. À l’origine, le CE est une instance chargée du contrôle de la marche générale de l’entreprise, un contre-poids au pouvoir de décision unilatéral de l’employeur·euse. Le gouvernement l’a transformé en une courroie de transmission auprès des salarié·e·s de la vision qu’ont de l’entreprise ses actionnaires. Il a utilisé dans ce but la promotion d’une hypothétique démocratie sociale, dont il a liquidé dans le même mouvement une grande partie des fondements et des moyens.
C’est tout l’inverse qu’il convient de faire en redonnant aux salarié·e·s les droits qu’elles et ils ont perdus, par l’abrogation de l’ensemble des réformes du Code du travail mises en œuvre par le gouvernement (loi dite de Sécurisation de l’emploi, loi Rebsamen, loi Macron, loi El Khomri). Il s’agit de ne pas s’arrêter à renverser la logique, il est urgent de créer de nouveaux droits permettant aux salarié·e·s d’être mieux protégé·e·s. La mondialisation et le développement de la financiarisation de l’économie ne justifient pas une réduction des droits au nom de la compétitivité, mais bien au contraire leur extension. Les salarié·e·s ont besoin de davantage de protections pour faire valoir leurs intérêts face aux exigences de rentabilité des actionnaires.
Il est urgent de mettre fin à la souffrance au travail ! Le but du programme de la France insoumise est de bâtir un Code du travail réellement protecteur des salarié·e·s, pour mettre fin au chantage à l’emploi, à la souffrance au travail, et pour améliorer les conditions de travail et le pouvoir d’achat. Par la loi, nous interdirons les pressions des employeur·euse·s qui ont poussé, par exemple, une caissière d’Auchan à faire une fausse couche sur son poste de travail, ou une factrice de la Poste à continuer à travailler après un AVC. Il s’agit également de garantir le respect des droits individuels et collectifs en augmentant les effectifs et les moyens de l’Inspection du travail.
Enfin, le Code du travail doit devenir un outil d’émancipation des salarié·e·s en donnant la possibilité à leurs représentant·e·s de porter des alternatives à la gestion patronale et financière de leurs entreprises. Ainsi, l’objectif de bien-être au travail prendra le pas sur les intérêts financiers à court terme.

Nos propositions : rétablir ce qui a été détruit, construire de nouveaux droits
1- Rétablir la hiérarchie des normes
Nous abrogerons la loi El Khomri et rétablirons la hiérarchie des normes et le principe de faveur. La loi El Khomri ajoute de nombreux domaines dans lesquels l’accord d’entreprise pourra déroger aux normes plus favorables des accords de branche et de la loi (taux de majoration des heures supplémentaires, durée quotidienne et hebdomadaire du travail, modalités de prise des congés payés, etc.). Par ailleurs, cette loi a étendu la possibilité ouverte à l’employeur·euse de négocier un accord d’entreprise imposant l’augmentation du temps de travail sans contrepartie salariale, ou la réduction du salaire pour un temps de travail équivalent sans que l’entreprise soit en difficulté économique.
Ces nouvelles possibilités de « négociation », souhaitées par le Medef, ont pour seul objectif de contraindre les salarié·e·s à céder toujours plus de leurs droits dans un rapport toujours plus asymétrique avec l’employeur·euse. Le référendum d’entreprise prévu par la loi El Khomri est à ce titre le symbole de la suppression des derniers intermédiaires destinés à assurer la protection des salarié·e·s.
Instruit de cette réalité, le projet de la France insoumise prévoit l’abrogation de la loi El Khomri et de toutes les dispositions des lois antérieures permettant aux accords d’entreprise, ainsi qu’aux accords de branche, de déroger aux règles plus favorables prévues par la loi, afin de rétablir le principe de faveur à tous les niveaux.
LE PRINCIPE DE FAVEUR
En droit du travail, le principe de faveur garantit que le résultat de la négociation entre les syndicats et les patron·ne·s, au niveau de la branche professionnelle comme au niveau de chaque entreprise, n’aboutira à aucune situation défavorable pour les salarié·e·s, en comparaison de la protection qui découle de la loi. C’est pourquoi l’on peut dire qu’en vertu de ce principe, un accord d’entreprise n’est valable que dans ses clauses qui sont plus favorables que la convention collective, qui elle-même n’est valable que dans ses clauses qui sont plus favorables que la loi.
Ce principe, hérité de la vision lucide d’après laquelle les salarié·e·s ont de meilleures chances d’être protégé·e·s par la loi plutôt que par le résultat du rapport de force dans chaque entreprise, a été entamé plusieurs fois depuis 1982. En particulier, les accords d’entreprise ont pu déroger défavorablement aux accords de branche pour ce qui concerne la durée et l’aménagement du temps de travail.
Le respect du principe de faveur permet aussi de lutter contre le dumping social entre les entreprises françaises. Les changements introduits par la loi Travail auront pour conséquence que les entreprises qui se soucient de payer correctement leurs salarié·e·s subiront la concurrence déloyale des entreprises rognant sur les droits des leurs.
2- Éradiquer la précarité
Le recours au CDD (contrat à durée déterminée) par les entreprises sera encadré par des quotas : pas plus de 10 % de contrats précaires dans les PME, pas plus de 5 % dans les grandes entreprises. Le travail du dimanche sera limité à certains secteurs (hôpitaux, transports, etc.). Le fractionnement du temps de travail sera encadré par la loi et surveillé par la médecine du travail et les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), dont les moyens seront renforcés.
De nombreux·ses auto-entrepreneur·euse·s sont aujourd’hui fragilisé·e·s et précarisé·e·s. Selon l’Insee, « au bout de trois ans, 90 % des auto-entrepreneurs dégagent un revenu inférieur au Smic au titre de leur activité non salariée ». Pour beaucoup, il s’agit de salariat déguisé. Les employeur·euse·s, privé·e·s comme public·que·s, évitent ainsi cotisations sociales patronales et frais de gestion de la main-d’œuvre, en externalisant celle-ci via l’auto-entrepreneuriat. Ces travailleur·euse·s indépendant·e·s sortent du cadre protecteur du droit du travail et des acquis sociaux du salariat. Elles et ils sont ainsi dépourvu·e·s de droits qui devraient pourtant être pris en charge par leur donneur d’ordre : protection chômage, congés payés, durée légale du travail, etc. Aujourd’hui, les travailleur·euse·s qui souhaitent voir requalifier leurs statuts en salarié·e·s sont confrontés à de longues et difficiles batailles juridiques.
Nous proposons de réintégrer les très petit·e·s entrepreneur·euse·s fortement dépendant·e·s dans le giron des droits et de la protection sociale des travailleur·euse·s en étendant le cadre protecteur du salariat. Les travailleur·euse·s des plates-formes seront présumé·e·s salarié·e·s, à l’inverse de ce que prévoit la loi El Khomri. Nous faciliterons la requalification du statut d’auto - entrepreneur·euse en contrat de travail salarié. Plus globalement, nous repenserons les critères de la subordination pour qu’elle prenne en compte la dépendance économique.

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