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Ce jeudi 12 avril, 13h devant la télé sur TF1

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  • 12 avr. 2018
  • 5 min de lecture

Comme sur cet écran : le vide total !

Bien plus intéressant, nous reproduisons ici un texte publié par des sociologues et des spécialistes de l’action syndicale et des relations professionnelles, paru dans Libé du 12/04. Parce qu’il remet la grève en perspective dans la démocratie.


En sont signataires : Sophie Béroud, Anne Bory, Baptiste Giraud, Guillaume Gourgues, Julian Mischi, Etienne Pénissat, Maxime Quijoux et Karel Yon.


L’entrée en grève des salariés de la SNCF est présentée comme un affront à l’intérêt général, une survivance de méthodes syndicales archaïques, devenues inutiles à l’ère du dialogue social. La facilité de certains à dénoncer la « gréviculture » française ne doit pas masquer la gravité du propos : c’est rien moins qu’un droit démocratique et constitutionnel qui se trouve ainsi disqualifié par des responsables politiques et des leaders d’opinion censés garantir cet ordre politique même.

Le nombre de jours de grève atteint certes aujourd’hui un niveau nettement inférieur à celui des années 68 que l’on commémore en ce moment. Cette évolution n’est cependant pas le signe que se seraient développées des négociations plus équilibrées entre directions d’entreprise et syndicats, permettant à ces derniers de se passer de la grève. Les enquêtes menées par la Direction des études du ministère du Travail (DARES) montrent au contraire que les pratiques de négociation et de mobilisation des salariés ne s’opposent pas, mais qu’elles s’articulent : c’est précisément dans les entreprises où la négociation collective est la plus intense que les grèves sont les plus fréquentes.

Cette situation est à mettre en perspective avec un autre enseignement des enquêtes : une majorité de représentants du personnel et de salariés ont le sentiment qu’ils n’ont pas d’influence sur les décisions de leur entreprise. Tout se passe en somme comme si on attendait des syndicats, parce qu’ils ont été reçus et « écoutés » par les dirigeants, qu’ils soutiennent sans réserve des décisions présentées comme inéluctables. Face à des échanges le plus souvent purement formels, le recours à la grève demeure ainsi perçu, avec les autres formes de protestation des salariés, comme le moyen de peser réellement dans une négociation. Le mouvement des cheminots, porté par l’ensemble des organisations syndicales de la SNCF, en atteste : les organisations dites « contestataires » ne sont pas les seules à dénoncer des concertations de façade, ne laissant aucune place aux propositions syndicales pourtant nombreuses.


La grève, arme des dominés

Tous les salariés n’usent pas, il est vrai, de la grève avec la même fréquence. C’est d’ailleurs là un autre argument souvent opposé aux cheminots pour disqualifier leur action. Dans les transports en général, la fréquence des grèves est en effet bien plus élevée que dans beaucoup d’autres secteurs. Le recours à la grève reste en particulier très limité dans les fractions du salariat les plus précaires.

Moins protégés dans leur emploi, mal payés, moins souvent intégrés dans des collectifs de travail stables (parce que travaillant en horaires décalés, sur des chantiers, aux domiciles de personnes dépendantes ou dans des entreprises soumises à une forte rotation de la main-d’œuvre, etc.), il est plus difficile pour les précaires de s’organiser collectivement pour défendre leurs intérêts, quand ils ne sont pas niés dans leur condition de salariés titulaires de droits, comme les travailleurs «ubérisés». Symétriquement, les salariés les mieux lotis, notamment parmi les cadres, se désintéressent des appuis collectifs que procure la grève, ayant plus de facilités à se défendre par des stratégies individuelles. La grève reste donc l’arme des dominés, mais plutôt de ceux qui, tels les cheminots, disposent encore des ressources juridiques et organisationnelles pour faire valoir collectivement leurs droits. Or ce sont ces fractions stables des classes populaires que les réformes successives des entreprises publiques et du marché du travail déstabilisent toujours plus.


De la loi Travail à l’actuelle réforme ferroviaire, de l’assouplissement du droit de licenciement à la fin de l’emploi statutaire, la «refondation» en cours du «modèle social français» a en effet pour conséquence d’aligner la condition de ces salariés sur celle des plus précaires en exigeant d’eux toujours plus de flexibilité et en fragilisant leur statut d’emploi. Loin d’être dépassée, la grève vit, mais elle se renouvelle aussi à l’épreuve des mutations du capitalisme. Elle n’a bien entendu pas le même poids pour tous. Comme les routiers, les dockers ou les travailleurs des raffineries, les cheminots disposent d’un pouvoir structurel qui permet à leur action d’avoir des répercussions économiques immédiates, car ils se trouvent au cœur de l’appareil circulatoire du capitalisme.


Grève sociale et grève perlée

D’autres secteurs, moins centraux dans la géographie du capitalisme en réseau, ont développé des formes d’action plus adaptées à leur situation, ce qu’on appelle la «grève sociale» qui s’appuie sur des blocages associant salariés de l’intérieur et soutiens de l’extérieur. On a vu cette autre façon de peser sur les flux économiques se développer depuis les années 2000. Mais comme tous les salariés, les cheminots accusent des difficultés financières liées à la fois aux pertes de salaire lors des grèves précédentes et à des années d’austérité salariale. Le choix d’une tactique de grève perlée est une réponse originale à ces contraintes. En se situant en deçà de la grève illimitée, elle a sans doute facilité la mobilisation d’agents qui auraient été intimidés par un mot d’ordre d’emblée plus radical. En marquant un tempo original qui démultiplie les épisodes protestataires, elle offre un schéma narratif capable de retenir plus longtemps l’attention médiatique et de faire en sorte que le gouvernement ne soit pas le seul à rythmer l’actualité. Elle permet aussi d’alléger le coût économique de la grève qui, rappelons-le, constitue un sacrifice pour les grévistes.


Le succès des caisses de solidarité lancées par les syndicats et de nombreuses personnalités laisse d’ailleurs penser que la grève par procuration reste une notion d’actualité. Pensées comme un instrument de conquête de l’opinion, ces caisses rappellent aussi que l’arène médiatique est devenue un terrain de confrontation décisif pour les mouvements sociaux.


Au-delà de ces logiques sociales qui éclairent les pratiques grévistes, il importe également d’en évoquer la portée politique. Dans un contexte où l’influence des syndicats sur les stratégies des Etats comme des entreprises est devenue marginale, un constat généralisable à l’échelle de la planète après trois décennies de politiques néolibérales, le retour à la confrontation directe sur le terrain économique est devenu indispensable. Il en vient même à acquérir une signification démocratique. Face au discours de la fatalité des marchés, la restauration d’un espace de délibération politique suppose de bousculer le fonctionnement de l’économie pour rappeler que celle-ci n’est pas un monde à part, mais bien le produit du consentement et de l’investissement des millions de femmes et d’hommes, salariés du public et du privé, qui la font exister.


La défense du statut des cheminots et celle du service public ferroviaire participent de cette seule et même cause : la réaffirmation de la souveraineté du politique sur l’économique. Pas de mouvement plus citoyen qu’un mouvement gréviste !

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